« Je ne souhaite pas que ma fille vive la même situation que je suis en train de vivre… »
Extraits de l’entretien
La situation des femmes
« C’est vrai que la situation générale du pays est difficile, mais je pense que nous les femmes sont les plus concernées… »
« Les femmes du Sénégal sont fatiguées surtout celles de Ainoumane (un quartier à Guédiawaye dans la banlieue dakaroise). Chaque matin, on se débrouille pour avoir de quoi nourrir nos familles et soutenir nos époux. Nous sommes très fatiguées et souhaitons vraiment recevoir du soutien.
Les difficultés sont partout, à la maison, dehors et à l’hôpital. En outre, le loyer est très cher. Devoir gérer la location, payer les factures d’eau et d’électricité chaque mois augmente les difficultés que nous vivons en tant que femmes. Lorsque les enfants sont malades, une fois à l’hôpital, la première chose qu’ils font, c’est te donner une ordonnance.
C’est juste le manque de financement qui nous bloque. Nous nous débrouillons avec nos maigres moyens, nous pouvons faire des bénéfices aujourd’hui et tout perdre le lendemain. Avec une famille à notre charge et personne pour nous soutenir, ce n’est pas évident. C’est vrai que la situation générale du pays est difficile, mais je pense que nous, les femmes, sommes les plus concernées.
Il y a également certaines choses qui sont réservées aux hommes. Aussi “petit” puisse-t-il être, l’homme garde une prédominance sur la femme. Toutefois, les femmes font beaucoup d’efforts et gèrent au mieux leurs foyers. Elles assurent les trois repas quotidiens, certaines payent même le loyer, leurs maris n’ont plus les moyens. Tout cela n’empêche pas le fait que les hommes incarnent toujours l’autorité à l’égard de la femme. »
L’importance des études
« Je demande aux parents d’arrêter d’interrompre les études de leurs filles pour les donner en mariage… »
« Pour les filles qui sont encore à l’école, je leur dirais de persévérer dans leurs études afin de pouvoir plus tard soutenir leurs parents qui sont très fatigués. Je demande aux parents d’arrêter d’interrompre les études de leurs filles pour les donner en mariage. Certes, le mariage est une très bonne chose, c’est une recommandation divine. Mais, il vaut mieux attendre qu’elles aient leurs diplômes et un bon emploi avant de les marier pour qu’elles puissent se prendre en charge seules. Je ne souhaite pas que ma fille vive la même situation que je suis en train de vivre.
J’encourage toutes les filles, la mienne et les autres, à se concentrer sur leurs études. C’est dommage que je ne puisse pas retourner dans le passé pour faire des études, parce que dans le monde actuel, si tu n’as pas fait d’études, tu ne comptes pas. Je n’arrive même pas à me servir de mon téléphone portable sans l’aide de ma fille. Les études sont d’une grande importance, même si tu ne trouves pas un emploi à la fin, au moins tu as les connaissances nécessaires pour faire de petites choses comme manipuler ton téléphone sans l’aide de personne.
Je pense que les parents qui préfèrent donner leurs filles en mariage ne mesurent pas les conséquences. Toutes les filles qui sont mariées tôt n’ont plus la chance de continuer leurs études, mêmes si leurs maris promettent le contraire au début. Donc, je conseille vraiment aux parents de veiller à ce que leurs filles puissent terminer leurs études. »
Attentes par rapport aux politiques
« L’idéal pour nous serait de construire un endroit équipé où on pourrait travailler de façon pérenne »
« Je demande aux politiques d’aider les femmes de Ainoumane. L’idéal pour nous serait de construire un endroit équipé où on pourrait travailler de façon pérenne. C’est bien de renforcer nos étables mais cela ne servira pas à grand chose sur le long terme.
Nous ne voulons pas que nos enfants continuent à vendre comme nous. Je dirais aux femmes de continuer à se battre, de conseiller à leurs filles de persévérer dans leurs études et veiller à ce que leurs enfants qui sont sans emploi ne prennent pas le mauvais chemin. »
Photo : WATHI
Ndéye Absa Diop est vendeuse de poissons à Pikine.