« La bataille, c’est qu’on nous donne les moyens de faire des enfants tout en assumant une carrière professionnelle »
Extraits de l’entretien
La situation des femmes
« Il y a un désarroi économique qui fait que certaines filles vont aller chercher de quoi faire bouillir la marmite, peu importe comment elles vont le faire »
«Je trouve qu’il y a deux vitesses. On a une partie de la population féminine qui a beaucoup évolué, qui est maintenant ultra-libérale, éduquée et qui est capable d’atteindre un certain niveau professionnel. Ces femmes occupent des fonctions importantes et il n’y a plus de complexe à les voir à certains niveaux de responsabilité. Mais à côté de cela, on voit aussi une autre vitesse, une masse de jeunes filles, de jeunes femmes qui sont au chômage et des fois, qui sont en perdition.
Si l’environnement est adapté à ce que les femmes trouvent des solutions, ce serait plus facile
On a une jeunesse en perdition parce qu’il y a une forme de pauvreté urbaine, un désarroi économique qui fait que ces filles vont essayer d’aller chercher quelque chose, peu importe comment elles vont le faire, mais personne ne va rien dire parce qu’elles font bouillir la marmite. »
Les barrières au bien-être des femmes
« Ce sont les femmes qui sont le premier frein pour elles-mêmes. La seconde chose c’est leur environnement »
« Ce sont les femmes qui sont le premier frein pour elles-mêmes. Souvent, je rencontre des femmes qui disent vouloir faire des choses mais ne le font pas alors que rien ne les en empêche. D’autres fois, c’est parce qu’elles n’osent pas parler de leurs ambitions à leur mari ou leur famille alors qu’elles devraient. L’autre chose, c’est les stéréotypes que les femmes véhiculent sur elles-mêmes. « Une femme ne devrait pas être comme ça, une femme devrait être comme ça… ». Elles créent elles-mêmes des barrières.
On peut être une femme qui s’assume, avoir des positions féministes et avoir aussi les hommes qui sont avec nous, pas contre nous
Après, il y a l’environnement. Si l’environnement est adapté à ce que les femmes trouvent des solutions, ce serait plus facile. Mais si on essaie et qu’on se cogne sur le mur de la banque, on se cogne sur le mur du mari ou on se cogne sur le mur de la société, ça ne va pas aller. »
Être féministe au Sénégal
« Le féminisme ce n’est pas de la confrontation ; c’est savoir comment vivre avec le sexe opposé dans la meilleure harmonie possible »
« Les féministes que j’admire le plus sont des hommes. Les hommes qui ont le courage de se lever et de dire « non, une femme c’est un être précieux, on doit la protéger. Une femme donne la vie. Elle peut être ma mère, ma femme, ma sœur…»
Ces hommes sont les meilleurs féministes. Souvent, je dis aux femmes que le féminisme ce n’est pas de la confrontation, c’est savoir comment je vis avec le sexe opposé dans la meilleure harmonie possible tout en restant une femme.
Lorsque je suis éduquée sur ma santé, sur mon hygiène féminine, je pourrais faire de bons choix
Ce n’est pas parce qu’on est une femme féministe qu’on devient un garçon manqué ou qu’on devient très radicale. On peut être une femme qui s’assume, avoir des positions féministes et avoir aussi les hommes qui sont avec nous, pas contre nous.»
Recommandations
« Je lance un appel aux hommes politiques sur les questions de santé publique… »
« Les femmes sont créatrices de valeur. Il faut que les politiciens sachent que leur poids économique est important et voient comment améliorer cette création de valeur de manière plus efficace. La santé est également importante. Plus les femmes sont informées, plus elles prennent de bonnes décisions. Lorsque je suis éduquée sur ma santé, sur mon hygiène féminine, je pourrais faire de bons choix, dire par exemple que je vais attendre six mois avant de faire un enfant parce que j’attends une promotion.
Je lance un appel aux hommes politiques sur les questions de santé publique. Il est inadmissible de continuer à laisser les produits de dépigmentation et certains produits pour cheveux qui sont exportés de pays où ils n’ont pas l’autorisation d’être vendus et de continuer à faire des ravages dans notre pays. »
Photo : WATHI
Seynabou Thiam est diplômée en Biologie à l’École nationale supérieure universitaire de technologie (ENSUT). Elle a suivi une formation de délégué pharmaceutique. Après quelques années à l’étranger, elle a accentué son intérêt pour les sujets de santé publique. Elle est la fondatrice de la communauté « Yaay » (maman en wolof), un réseau en ligne qui permet à de nombreuses femmes de se rencontrer et de se conseiller mutuellement sur leur rôle de mère et de femme.