«Les programmes des candidats ne sont pas précis par rapport à la situation des femmes »
Extrait de l’entretien
Le regard des femmes sur les programmes des candidats
«Aucun candidat n’a dit qu’il allait tout mettre en œuvre pour faire voter le code de l’enfant. Personne n’a parlé de cela!»
J’ai survolé les cinq programmes et j’ai vu que certains candidats ont pris en compte la question des femmes. Le problème c’est que dans la plupart des programmes cela reste très vague. Quand on dit que l’on va améliorer la santé de la femme et de l’enfant, il faut rappeler qu’il y a des programmes qui existent. La vraie question serait de se demander ce que l’on va faire pour améliorer ces programmes qui existent déjà. Ce que nous voulons c’est quand on parle de la question des femmes, que cela soit de manière spécifique et mesurable.
Certains programmes mettent en avant les femmes transformatrices, en disant qu’on va améliorer leur situation par la mise en place d’autres systèmes de valorisation des produits halieutiques. Dans ce cas, au moins, on voit très clairement ce que l’on peut mesurer. Mais par exemple dans le cas de la santé de la mère, personne n’explique comment renforcer et améliorer les mesures qui existent, personne ne parlent des sages-femmes et des travailleurs sociaux qu’on pourrait recruter.
Le candidat du PUR a parlé d’une manière vague des violences et des viols. Pourtant, une loi existe déjà depuis 1999 et il faudrait réfléchir à résoudre le problème de mise en œuvre et de dénonciation. En ce qui concerne le travail que je mène sur les mariages précoces, aucun candidat n’a dit qu’il allait tout mettre en œuvre pour faire voter le code de l’enfant. Ce problème est d’autant plus important que dans certaines zones il n’y a même pas de maisons de justice vers lesquelles les gens pourraient se tourner.
« Chaque candidat a parlé des femmes, mais un programme doit être quelque chose de spécifique qui permet de prévoir sur le long terme. »
Bien sûr, chaque candidat a parlé des femmes, mais un programme doit être quelque chose de spécifique qui permet de prévoir sur le long terme. Les candidats n’annoncent que des promesses. En ce qui concerne la question du financement, il faut fédérer ces financements, parce que parfois des mesures censées permettre aux femmes de sortir de la pauvreté les y enferment au contraire!
Beaucoup de femmes se retrouvent en effet à emprunter des sommes de plusieurs côtés pour combler leurs dettes et finissent ainsi dans une situation pire à cause de leurs emprunts. Je pense qu’on doit systématiser tout cela et voir quelle politique vraiment fiable mettre en place pour encadrer la lutte contre la pauvreté.
Par rapport aux violences que subissent les femmes, il faut mettre en place des mécanismes pour expliquer aux gens dans les régions, par exemple en utilisant les langues locales. Car, si on ne communique pas, ce sont seulement les femmes qui habitent au niveau des grandes villes qui pourront bénéficier des programmes.
Les thématiques importantes et non prises en compte par les candidats
« Par rapport aux mariages précoces, il faut une loi très précise sur le sujet »
La mesure principale serait de mettre en place le code de l’enfant. L’autre mesure concernerait les mariages précoces. Il faut une loi très précise sur ce sujet. Il faut mettre en place des mécanismes de surveillance efficaces, parce qu’aujourd’hui les préfets sont censés s’occuper de cela, mais vous voyez qu’il y a des mariages précoces qui continuent dans les régions. Bien sûr, il y a des préfets qui prennent en charge ce problème, mais d’autres qui ne bougent pas.
Parfois des mesures censées permettre aux femmes de sortir de la pauvreté les y enferment au contraire
Je suis un peu déçue des différents programmes parce qu’il y a des questions que je ne retrouve pas, comme les mariages d’enfants et les mutilations génitales féminines. Aujourd’hui au Sénégal nous avons la loi 9905 sur les mutilations génitales féminines, mais ces pratiques persistent toujours. J’aurais aimé que l’on mette en place des dispositions pour le respect effectif de cette loi sur les mutilations génitales féminines.
Photo : WATHI
Aminata Dieye Ka est chargée du programme éducation aux droits humains à Amnesty International Sénégal