« En tant que femme, je n’ai pas entendu quelque chose qui rassure sur ce qui m’attend dans le pays »
Extrait de l’entretien
Le regard des femmes sur les programmes des candidats
« En tant que femme, je n’ai pas entendu quelque chose qui me rassure sur ce qui m’attend dans le pays… »
Je n’ai pas l’impression que la situation des femmes et des enfants soit au cœur du débat électoral. Je pense que tous les candidats dans leurs programmes ont des aspects liés aux femmes et aux jeunes. Mais aujourd’hui quand on regarde le nombre de candidatures ou il n’y a aucune femme, c’est déjà un signe de combien finalement la place des femmes est assez minimale sur l’arène politique. Je peux difficilement imaginer ça dans un pays où la majorité de la population est féminine. La réalité, c’est qu’aujourd’hui, on a cinq candidats, aucune candidate.
Cela ne devrait pas empêcher les femmes de pouvoir parler de leurs préoccupations, de pouvoir un peu défier les candidats sur ce qu’ils comptent faire pour les femmes et les jeunes.
Dans le contexte actuel du Sénégal, prendre l’angle des droits des femmes est très biaisé parce qu’il y a tout à faire. Il y a des besoins dans tous les domaines. Évidemment, dans tous ces domaines la place des femmes sera centrale, la place des jeunes dans un contexte où la majorité de la population est très jeune.
En tant que femme, oui, j’aurais souhaité voir plus de femmes non seulement plus de femmes candidates, mais aussi plus de femmes derrière les candidats. Quand je vois comment Madame Aissata Tall Sall a été traînée dans la boue parce qu’elle a décidé de soutenir un candidat pourtant, on en a vu beaucoup qui ont soutenu des candidats il n’y a aucun homme qui a été traité comme elle a été traitée.
Je pense que c’était la même chose pour Aida Mbodj. Elle a décidé de ne pas soutenir de candidats, elle a été critiquée. En effet, en tant que femme, quoi qu’on dise, quoi qu’on fasse, quoi qu’on ne dise pas ou quoi qu’on ne fasse pas, ça semble particulier dans ce pays. Pour moi, c’est symptomatique de juste combien on est loin sur toutes ces questions des droits des femmes de décider sur les questions qui les concernent, sur les questions qui concernent la communauté, qui concernent le pays, et combien on pense qu’on doit leur dicter leurs positions, leurs pensées et leurs idées.
Je ne vais pas voter parce que je ne vois en aucun de ces candidats, quelqu’un qui va faire quelque chose pour ce pays. On a cinq candidats ; trois viennent d’un camp qu’on connaît tous. Pour moi, ce n’est pas un changement. Nous avons deux autres candidats qui sont des nouveaux dans l’arène, qui amènent de la fraîcheur mais qui amènent aussi beaucoup d’incertitude.
Je n’ai pas entendu quelque chose qui, pour moi rassure, en tant que femme sur ce qui m’attends dans le pays. Ce pays est pris en otage par des systèmes toute sorte de système, que ce soit le libéralisme, que ce soit d’autres idéologies qui sont là, mais je pense qu’on est juste pris en otage entre les gens qui veulent le pouvoir. Personnellement, je pense qu’ils ne veulent pas le pouvoir pour le bien du pays, parce que sinon, ou est-ce qu’ils étaient jusqu’ici pour le bien du pays?
En tant que femme, quoi qu’on dise, quoi qu’on fasse, quoi qu’on ne dise pas ou quoi qu’on ne fasse pas, ça semble particulier dans ce pays
Donc je ne voterai pas, je regarderai les lions se battre entre eux sur l’arène, et celui qui restera, tant mieux pour lui.
Les thématiques importantes et non prises en compte par les candidats
On ne peut pas développer ce pays en faisant fi de sa majorité. Les femmes sont la majorité de ce pays c’est un fait. Les jeunes sont la majorité de ce pays c’est un fait. Si on veut développer ce pays, il faut d’abord penser aux femmes et aux jeunes, qui sont des forces motrices. On continue à penser qu’on peut tromper les gens dans ce pays, en vérité on ne tient que des discours pour apaiser des gens, pour faire plaisir. Tous ces candidats aujourd’hui, on les mettrait face à un panel de femmes, ils diraient exactement ce que les femmes ont envie d’entendre. On les mettrait face à un panel de jeunes, ils diront exactement ce que les jeunes veulent entendre. La fin justifie les moyens pour la plupart de ceux qui aspirent au pouvoir.
Il faut beaucoup d’ego hypertrophié pour vouloir le pouvoir, sachant tout ce que cela implique comme probité, comme sacrifice, comme décisions douloureuses. Je ne pense pas qu’aucun de ceux qui nous ont dirigé jusqu’ici ont été assez courageux pour prendre les décisions qu’il faut, poser les actes qu’il faut pour faire réellement avancer ce pays.
Donc si j’ai vraiment un message, c’est: il faut se mettre au travail maintenant. On est au 21eme siècle. La situation des femmes n’est pas admissible. La situation des jeunes dans ce pays n’est pas admissible. Le chômage endémique parmi les femmes et les jeunes n’est pas admissible. On continuera donc à voir des jeunes prendre des pirogues et partir ailleurs quitte à y perdre leurs vies. On continuera à avoir un pays qui est à la traîne parce qu’il se prive de la force intellectuelle, physique et de la contribution de la majorité de sa population que constituent et les femmes et les jeunes.
C’est les femmes qui remplissent tous les meetings, mais quand il s’agit de diriger elles sont derrière.
C’est encore un signe que les femmes doivent parler plus, s’impliquer plus, s’engager plus, aller réclamer les places. Personne ne le fera à leur place. Le Sénégal appartient à tout le monde. Il faut que les femmes aillent voter massivement, celles qui pensent qu’elles ont un candidat à soutenir, qu’elles y aillent. Il est temps que les femmes occupent la place qui est la leur, qui n’est pas une place qu’on leur donne, c’est une place qui est là pour elles. Elles sont là, elles existent, elles vivent, elles travaillent dans ce pays. Elles ont le droit de participer à l’avancement du pays, à l’avancement des débats importants pour le pays.
Photo : WATHI
Aminatou Sar est journaliste de profession, elle a travaillé pendant de nombreuses années pour des médias sénégalais avant de rejoindre le monde des Organisations non gouvernementales (ONG). Elle a travaillé au bureau régional de Plan international et d’Amnesty international. Madame Sar est diplômée en journalisme du Centre d’études des sciences et techniques de l’information de Dakar (CESTI).
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