«La plupart des propositions des candidats semblent être du remplissage, on peut se demander s’ils y croient réellement…»
Extrait de l’entretien
Le regard des femmes sur les programmes des candidats
« La plupart des propositions semblent être du remplissage, on peut se demander s’ils y croient réellement… »
« Je pense que la plupart des politiciens pensent encore que les femmes doivent seulement porter des boubous ou des tee-shirts à leur effigie, et applaudir contre de l’argent. On en est encore malheureusement à cette image. Aujourd’hui, quand on voit les meetings, on voit plus de femmes et de jeunes, mais la question que je me pose c’est de savoir ce que font ces personnes-là à courir derrière les politiciens en jour de semaine, aux heures de travail et aux heures d’école. Les politiciens eux-mêmes devraient s’inquiéter et se dire que ce n’est pas normal d’avoir toutes ces personnes qui les suivent.
Quand on parle de « nouvelles technologies », il faut réaliser que ce sont des personnes qui n’ont aucune formation, donc il faut penser à les former et à les accompagner
C’est à la mode aujourd’hui de dire que l’on fait la promotion de la femme et des jeunes, parce qu’on sait que ces catégories sont l’avenir de l’Afrique. Mais la plupart des propositions semblent être du remplissage, on peut se demander s’ils y croient réellement. En termes de propositions concrètes, Idrissa Seck propose d’utiliser les nouvelles technologies pour la transformation du poisson, Madické Niang parle d’un gouvernement paritaire « dans la mesure du possible », le président sortant Monsieur Sall parle de la Délégation générale à l’entreprenariat rapide des femmes et des jeunes (DER) qui est censée accompagner les jeunes et les femmes surtout. Il faut rappeler que c’est un prêt, avec beaucoup de suivi derrière. Face à ces propositions, je dirais qu’il y a encore énormément de choses à faire dans la prise en compte des femmes. »
La proposition du candidat Idrissa Seck : Utiliser les nouvelles technologies pour la transformation
« Si c’est juste dans ce domaine je me dis qu’il n’y aura pas un véritable impact, il faut que cela soit plus large, il faut donner une nouvelle façon de voir et une nouvelle éducation à toutes les jeunes filles. »
« C’est dédié à une frange précise de la population. C’est par exemple pour nos mamans qui font du séchage. Dans le cadre de mon travail, j’ai découvert des techniques qui permettaient d’utiliser des fours artisanaux, de transformer le poisson en poisson fumé tout en protégeant la santé des femmes. C’est important aussi de voir comment on peut changer cela et de prendre en compte les différentes étapes qu’il y a entre la proposition, la réalisation, la formation et l’exécution. Car, quand on parle de « nouvelles technologies », il faut réaliser que ce sont des personnes qui n’ont aucune formation, donc il faut penser à les former et à les accompagner. Si c’est juste pour ce domaine je me dis qu’il n’y aura pas un véritable impact, mais il faut que ça soit plus large et que ça commence très tôt, il faut donner une nouvelle façon de voir et une nouvelle éducation à toutes les jeunes filles. »
La proposition d’Ousmane Sonko : Augmenter le congé de maternité à 6 mois
« Pour moi, ce serait une belle proposition si on était dans un monde où on nous laissait après récupérer notre travail »
« Dès qu’Ousmane Sonko a annoncé cette mesure cela a fait une polémique. J’ai même participé au débat parce que beaucoup de femmes étaient très contentes de cette proposition. D’autres étaient un peu dubitatives, en disant que c’était un moyen de mettre au placard les femmes, parce qu’aucune entreprise n’accepterait d’avoir une employée qui resterait 6 mois sans être payée. Certains ont donné l’exemple d’autres pays comme le Canada, mais après calcul on se rend compte que ce n’est pas un an de congé maternité que les femmes ont dans ce pays, mais ce sont des congés partagés avec le mari.
Je pense que la plupart des politiciens pensent encore que les femmes doivent seulement porter des boubous ou des tee-shirts à leur effigie, et applaudir contre de l’argent
Je me dis que la maman a besoin de rester un peu plus de temps avec les enfants que ce qu’on a actuellement, parce que c’est vraiment délicat de laisser l’enfant au bout de quelques mois alors qu’il n’a pas encore les réflexes qu’il faut. Il faut donc essayer d’alléger leur emploi du temps même si elles sont au bureau, mais pas rester 6 mois sans travailler.
Les mamans sont en général actives, celles dont on parle ont en général un revenu, elles ont besoin de leur salaire parce que maintenant la vie est de plus en plus chère. Les femmes participent aussi au fonctionnement de la maison, et c’est important pour nous de travailler. Pour moi, les 6 mois ce serait une belle proposition si on était dans un monde où on nous laissait après récupérer notre travail et avancer professionnellement. »
La proposition du candidat El Hadji Sall : lutter contre les délits et les crimes sexuels
« Il faut sensibiliser les jeunes filles, ne pas les rendre paranos mais leur donner des moyens de dénoncer et de se protéger »
« Ce que propose El Hadji Sall est très intéressant. C’est très important qu’il parle des délits sexuels, mais c’est dommage qu’encore aujourd’hui le problème ne soit pas forcément réglé quand on est victime et qu’on se plaint à la police. Dans le cadre de nos campagnes, on se rend compte qu’il est fréquent que des gens d’âge mûr nous disent qu’ils ont été victimes quand ils avaient 7 ou 8 ans.
Pour moi, les 6 mois ce serait une belle proposition si on était dans un monde où on nous laissait après récupérer notre travail et avancer professionnellement
Le problème c’est qu’il y a cette mentalité de « soutoura » (pudeur), de sauver la face de la famille : on règle les choses en interne sans en parler parce qu’on veut éviter la prison aux agresseurs. Pourtant, c’est important d’en parler parce que ce sont des vies qui sont brisées à jamais. Les victimes sont des femmes qui n’auront sûrement jamais de relations avec d’autres hommes par la suite car elles ont été dégoutées par ce qu’elles ont vécu. Il faut donc sensibiliser les jeunes filles, ne pas les rendre paranos, mais leur donner des moyens de dénoncer et de se protéger.
Si Issa Sall en parle c’est parce qu’il a vu qu’il y a un problème, mais il ne faut pas se contenter d’en parler, il faut aussi proposer des solutions. Bien sûr, tout cela doit s’accompagner d’une collaboration avec la protection de l’enfance et la protection des victimes. Il faut parler aux victimes et sensibiliser les gens sur le fait que quand une personne témoigne, ce n’est pas qu’elle n’est pas pudique, mais c’est plutôt parce qu’elle veut sensibiliser les autres. »
Appel au futur Président de la République du Sénégal
« On veut juste que ce président soit l’allié des femmes, c’est-à-dire qu’il ne se contente pas de nous donner des financements, mais qu’il accompagne les femme sur tous les plans »
« Il faut parler aux jeunes filles et aux femmes, sans pour autant penser que c’est exceptionnel de s’intéresser à cette catégorie et à ses conditions de vie. Parfois on a l’impression que pour les politiciens c’est exceptionnel de prendre la défense des femmes. Au contraire, cela doit être naturel, on ne doit pas nous mettre en avant comme un trophée. Il faut faire plus confiance aux femmes. Dans nos milieux professionnels, on a encore beaucoup de combats qu’on mène pour qu’on nous respecte plus, pour qu’on nous donne plus de voix.
On veut juste que le nouveau président élu soit l’allié des femmes, c’est-à-dire qu’il ne se contente pas de nous donner des financements, mais qu’il accompagne les femmes sur tous les plans. Il y a beaucoup de femmes qui ont envie de faire plus et d’être écoutées. La clef est donc de mieux les écouter et de donner confiance aux plus jeunes et croire en elles. Pour moi c’est important, et je le répète, donner sa chance à une femme ne doit pas être une exception, car elles méritent cette chance et elles se battent chaque jour pour mériter leur place. »
Photo : WATHI
Moussoukoro Diop est une femme sénégalaise passionnée de technologies de l’information et de la communication. Elle est la fondatrice de l’agence digitale africaine « Digital Mousso ». Dans le magazine Forbes Afrique de juin 2015, elle a été citée comme une des rares femmes d’Afrique de l’Ouest à innover dans le domaine du digital. En dehors de ses activités citoyennes, elle travaille beaucoup dans le social pour venir en aide à des couches défavorisées via les associations. En tant que femme, elle ne se donne pas de limites et croit vivement au pouvoir que les femmes ont pour faire avancer leur pays et révolutionner le monde du digital.
2 Commentaires. En écrire un nouveau
Merci beaucoup Khady.
Je suis énormément touchée
Très beau message. Voilà un exemple de femme qui doit etre promu par l’Etat car soucieuse des véritables problèmes qui touchent actuellement les femmes et la jeunesse. Bonne continuation Moussou .