Le 1er décembre 2016 s’est tenue l’élection présidentielle en Gambie. Les résultats annoncés le 2 décembre ont confirmé les tendances : Yahya Jammeh qui a régné sans partage sur la Gambie pendant 22 ans à la suite d’un coup d’État devait céder le fauteuil présidentiel au leader de la coalition des partis de l’opposition, Adama Barrow.
Selon les résultats du scrutin publiés par la Commission électorale, Yahya Jammeh s’est classé deuxième avec 36 % des voix derrière Barrow, crédité de 45,5 % des suffrages (Adama Barrow – 260, 515 voix, Yaya Jammeh – 212,099 voix, Mama Kandeh – 102, 969 voix, Vote invalide – 0).
La défaite du dictateur marque selon Adama Barrow l’avènement d’une nouvelle Gambie. Le président nouvellement élu souhaite une Gambie libre, démocratique, où les droits seront respectés. Il annonce aussi qu’il souhaite respecter une autre importante promesse de campagne : « Dans trois ans, je souhaite organiser de nouvelles élections, car je l’ai promis, je compte respecter cet engagement ». Il compte donc faire de son mandat constitutionnel de cinq ans un mandat de transition de trois ans pour poser les bases d’un système démocratique voulu par les Gambiens.
La fin du régime Jammeh a été marquée par une ultime violation des libertés. Le mercredi 30 novembre au soir, quelques heures avant l’ouverture des bureaux de vote le lendemain matin, le réseau internet gambien a été suspendu sans aucune explication des autorités. Idem pour les communications avec l’étranger.
Jeudi, jour du scrutin, les Gambiens ne pouvaient communiquer que par téléphone, les messages texte SMS et MMS ayant à leur tour été bloqués sur le réseau national. Cette décision brutale tranchait avec la liberté d’expression et de manifestation accordée à la population tout au long de la campagne électorale.
Interrogé par le magazine Jeune Afrique, Stephen Cockburn, directeur adjoint régional d’Amnesty international, déplore ce blocage après une période d’ouverture inédite en Gambie durant la campagne électorale : « C’est une mesure très négative et répressive. Nous venons de vivre deux semaines remarquables durant lesquelles les Gambiens se sont exprimés et se sont mobilisés pacifiquement dans les rues. C’est très dommage de constater ce genre de limitations. Nous appelons donc les autorités gambiennes à arrêter ce blocage pour permettre aux populations de communiquer en toute liberté ».
L’acceptation des résultats du scrutin par le président Jammeh qui est accusé d’avoir violé les droits humains pendant deux décennies a surpris les observateurs de ce pays et de nombreux Africains. Directeur d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, Alioune Tine dont l’organisation a souvent épinglé la Gambie a déclaré : « C’est une agréable surprise pour l’Afrique et pour toute la planète, en particulier les défenseurs des droits humains que nous sommes. C’est paradoxal qu’un dictateur accepte de cette manière sa défaite, mais Jammeh n’avait pas le choix ».
« Yahya Jammeh a sérieusement écorné l’image de la Gambie ces dernières années par sa méthode de gouvernance basée sur la dictature, la torture, la terreur et la violation systématique des droits de l’homme et des règles d’un Etat de droit », a-t-il également soutenu.
Comme une prémonition, Jammeh avait annoncé quelques semaines avant sa défaite le retrait de son pays de la Cour pénale internationale (CPI) pourtant dirigée par une de ses compatriotes et ancien ministre, Fatou Bensouda. Depuis sa dernière allocution diffusée vendredi soir, mais enregistrée plus tôt dans la journée, dans laquelle il a reconnu sa défaite, Yahya Jammeh est silencieux.
Barrow, qui prendra ses fonctions en janvier 2017, est le troisième président de l’histoire de la Gambie en 51 ans d’indépendance de cette ex-colonie britannique, après Dawda Jawara (1965-1994) et Yahya Jammeh (1994-2016).
À 51 ans, Adama Barrow est un nouveau venu en politique, même s’il était trésorier du principal parti d’opposition, le Parti démocratique unifié (UDP). Patron d’agence immobilière, ancien vigile de supermarché en Grande-Bretagne et désigné candidat par une large coalition de l’opposition, Barrow était peu connu sur la scène politique six mois avant l’élection. Il a indiqué sa volonté de gouverner avec toutes les compétences gambiennes sur le territoire et dans la diaspora.
L’avenir de Jammeh en Gambie reste flou. Les nouvelles autorités ont affirmé qu’il redevenait un citoyen ordinaire sur qui elles pouvaient compter pour des conseils. Ce discours tranche avec les nombreuses accusations de violation des droits de l’homme et des restrictions des libertés en Gambie sous le règne de Jammeh.
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