La gouvernance au Bénin
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Bénin : Profil gouvernance
European Union External Action, Bénin, 10ème Fonds Européen de Développement (FED) 2008-2013
http://eeas.europa.eu/delegations/benin/documents/eu_benin/profil_gouvernance_fr.pdf
Extraits
Depuis 11 décembre 1990, date à laquelle la Constitution a été adoptée sur la base des principes classiques de la démocratie libérale, le Bénin a organisé plusieurs élections dont quatre législatives, quatre présidentielles et une consultation locale. Ces élections se sont déroulées dans un environnement pacifique et de pluralisme politique et se sont traduites par trois alternances politiques (1991, 1996 et 2006).
Le système démocratique mis en place au Bénin depuis 15 ans a donc fait preuve d’une stabilité remarquable. L’élection présidentielle en mars 2006 marquait un tournant très important pour la consolidation de la démocratie au Bénin du fait d’une recomposition inéluctable du paysage politique.
La Constitution du 11 décembre 1990 prévoit le principe de la séparation des pouvoirs. Conformément aux dispositions de l’article 79 de la Constitution, le Parlement est constitué par une assemblée unique dite Assemblée nationale dont les membres portent le titre de député. Les députés sont élus au suffrage universel direct pour une durée de quatre (4) ans. L’Assemblée nationale exerce le pouvoir législatif et vote les Lois. Le Président ni son Gouvernement ont le pouvoir de dissoudre l’Assemblée nationale.
La Constitution donne également à l’Assemblée nationale le pouvoir de contrôler l’action du gouvernement qui a le devoir d’expliquer ou de justifier son action devant les députés. Quand un député souhaite demander des renseignements ou des explications au gouvernement, il peut poser soit une question orale, soit une question d’actualité, soit une question écrite. Il peut aussi interpeller le Gouvernement ou mettre en place une commission d’enquête pour vérifier certaines actions entreprises par le Gouvernement.
Le parlement vote le budget. Par contre, le Parlement n’a pas le pouvoir de déposer une “motion de censure” pour renvoyer les membres du Gouvernement ou le Gouvernement dans sa globalité. Ce pouvoir revient uniquement au Président. Toutefois, les compétences des élus sont souvent remises en cause. En effet, le Parlement compte un grand nombre de gens peu instruits parmi les députés.
La Loi n°2001 – 036 portant statut de l’opposition décrit le rôle de l’opposition et garantit à l’opposition les libertés publiques dans le respect des règles constitutionnelles. Toutefois, elle n’a jamais été appliquée dans son entièreté. Par exemple, le Décret qui devait définir les avantages protocolaire et autres des chefs de l’opposition n’a jamais été pris en conseil des ministres parce que le Président Kérékou ne voulait pas renforcer davantage l’opposition.
Selon l’article 4 de la Loi portant statut de l’opposition, le rôle de l’opposition est de : – critiquer le programme, les décisions et les actions du gouvernement ; – développer des programmes propres ; – proposer des solutions alternatives à la nation ; – œuvrer pour l’alternance au pouvoir par des voies légales. Mais en réalité, le débat idéologique se fait rare au Bénin. Les partis politiques sont plutôt des regroupements autour d’une personnalité forte sans véritable vision politique mais, par contre, avec les moyens pour financer un parti politique. La formation des militants des partis s’avère nécessaire.
Les systèmes moderne et traditionnel coexistent dans les faits bien que le système moderne soit censé primer. Le Bénin fait un effort pour supprimer de sa législation toute ambiguïté dans ce domaine. Le nouveau Code de la Famille et de la Personne en est un exemple. Néanmoins, il est constaté que la population béninoise accepte plus facilement les verdicts des chefs religieux et chefs de village que les décisions de la Justice “moderne”.
Le Bénin compte actuellement outre la Cour Suprême, trois Cours d’Appel (CA), huit Tribunaux de Première Instance (TPI) et 80 Tribunaux de Conciliation (TC) dont le siège se trouve dans chacune des communes. Avec cette carte judiciaire, le justiciable doit parcourir en moyenne 200 km pour accéder à un TPI et environ 300 km pour une CA. La Loi n°2001-37 du 27 août 2002portant organisation judiciaire au Bénin prévoit 3 CA et 28 TPI pour palier à ce déficit.
Enfin, on constate une très mauvaise répartition des professions libérales du secteur de la justice, sur le territoire. Concernant la procédure d’appel, peu de dossiers arrivent à la Cour d’Appel. En matière civile, ceci est surtout dû aux retards dans la notification des décisions, ainsi le délai d’appel vient à terme avant que le justiciable n’ait eu connaissance du jugement. En matière pénale, les appels sont surtout formés par le Parquet.
Les cas de corruption sont évoqués dans tous les secteurs, particulièrement dans l’administration publique. Les cas les plus cités sont relatifs à Douane, au système des passations des marchés publics, au Port autonome de Cotonou, à la Service des Impôts, etc. La forme de corruption consiste à exiger des pots de vin soit avant de faire le travail pour lequel on est payé, soit pour accorder des faveurs.
Il existe des organes mis en place par le Gouvernement pour lutter contre la corruption : il s’agit de la Cellule de Moralisation de la Vie Publique (CMVP) créée en 1996 et l’Observatoire de Lutte contre la Corruption (OLC), créé en 2004. Mais les résultats de leurs actions sont jugés assez faibles. La CMVP a été très récemment dissoute au profit d’une Inspection Générale de l’Etat.
L’OLC, ne recevant aucun moyen de fonctionnement de l’Etat, a présenté un plan d’action aux PTF en 2005 mais n’a obtenu aucun financement jusqu’à présent à cause des faiblesses dans ce plan. En 2007, la coopération Danoise prévoit de financer l’OLC pour les actions de communication et de médiatisation pour un montant d’environ 45 000 EUR.
Dans le cadre de la mise en œuvre de la réforme du système de passation des marchés publics, pour le rendre conforme aux standards internationaux, une Commission Nationale de Régulation des Marchés Publics (CNRMP) a été créée et est opérationnelle (Loi n°2004-18 du 17 août 2004).
Il existe aussi des organisations de la Société civile de lutte contre la corruption telle que le FONAC qui fait des dénonciations de cas de corruption sans que celles-ci ne soient suivies d’effets.
La Haute Cour de Justice (HCJ) est l’instance compétente pour juger le Chef de l’Etat ainsi que les membres du Gouvernement pour des crimes relatifs à leurs responsabilités professionnelles, comme par exemple, des actes de malversations, de corruption et d’enrichissement illicite.
Cette institution pourrait donc constituer un instrument efficace dans la lutte contre la corruption mais est contrainte à l’immobilisme car elle ne peut être saisie que par la majorité des deux tiers des députés (souvent de même tendance que le pouvoir exécutif) et se trouve ainsi dépendant de leur bonne volonté. Depuis que la HCJ a été créée, les députés n’ont encore pu renvoyer aucune autorité incriminée devant la Haute Cour.
Les organes de lutte contre la corruption, aussi bien au niveau étatique qu’au niveau de la Société civile, se plaignent de ne pas avoir assez de financement pour mener leurs actions.
Gouvernance politique au Bénin : état des lieux et défis, 2012
Sêgnon Gilles Badet, Docteur en droit public, Enseignant chercheur à l’UAC (Université d’Abomey-Calavi), Expert en gouvernance démocratique
Extraits
Depuis 1990, le Bénin, fidèle au choix de la démocratie et de l’Etat de droit affirmé dans la Constitution du 11 décembre 1990, a organisé 5 élections présidentielles, 6 élections législatives, deux élections communales et municipales et une élection locale. Certaines des élections présidentielles ont entrainé au sommet de l’Etat, un renouvellement tel que le pays a déjà compté trois différents présidents de la République entre 1990 et 2012. Les paysages médiatique, associatif, syndical et partisan attestent, en grande partie, un climat de liberté.
Les droits et libertés sont protégés et généralement respectés. La société civile est dynamique. Bref, Le Bénin apparait comme un pionnier et un laboratoire des processus démocratiques entamés dans plusieurs Etats africains depuis le début des années 1990. Cette relative stabilité et cette bonne réputation, le pays les doit aux institutions démocratiques et au système politique mis en place par la Constitution du 11 décembre 1990, élaborée sur la base des propositions de la Conférence nationale par des experts nationaux chevronnés.
Fonctionnement des institutions démocratiques
La structure monocéphale du pouvoir exécutif paraît satisfaisante. Compte tenu du fait que l’histoire politique mouvementée qu’a connue le pays était parfois liée aux conflits entre les deux têtes de l’exécutif, le fait que le pouvoir exécutif prévu dans la Constitution de 1990 soit dirigé par une seule autorité est apprécié.
Cet arrangement ouvre la voie à la possibilité pour le Président de la République de nommer une personne (Premier ministre ou ministre d’État) pour coordonner l’action gouvernementale sans que cette personne n’exerce les attributions de chef de gouvernement réservées au Président de la République. Ceci dit, le système accuse un déséquilibre des pouvoirs trop évident en faveur de l’Exécutif dont la capacité d’influence sur les autres pouvoirs est trop forte.
- Assemblée nationale comme contre pouvoir : Mythe ou réalité ?
En vingt ans de gouvernance sous le renouveau démocratique, le Parlement n’a toutefois pas pu jouer de façon pleinement effective son rôle législatif et son rôle de contrôle de l’exécutif. De profonds déséquilibres techniques et politiques au profit de l’Exécutif expliquent en partie cette faiblesse. Malgré la légitimité et le prestige dont elle jouit, l’Assemblée nationale béninoise souffre encore de nombreuses faiblesses qui l’empêchent d’exercer pleinement ses trois principales fonctions que sont la représentation, la législation et le contrôle de l’action gouvernementale.
La principale contrainte qui continue d’entraver la performance du Parlement béninois est le constat d’un déséquilibre important de niveau d’information, de moyens et de ressources humaines compétentes entre le gouvernement et le Parlement. Ainsi, les compétences et capacités des députés, de l’administration parlementaire ou du personnel de soutien, ainsi que de manière générale, les capacités institutionnelles du Parlement, sont faibles.
- Les autres contre poids institutionnels fonctionnent –ils comme il se doit au Bénin ?
Un renouvellement partiel des membres (de la Cour constitutionnelle) fera aussi gagner l’expérience acquise par certains aux nouveaux arrivants, or tel que les textes le prévoient aujourd’hui, il n’est pas impossible qu’une nouvelle mandature de la Cour constitutionnelle arrive avec la totalité des membres de la juridiction se retrouvant au début de leur premier mandat. La Cour devrait également jouir de la même autonomie financière que l’Assemblée nationale et le contrôle a posteriori de ses dépenses devrait être effectué par la Chambre des comptes de la Cour suprême pour éviter que le pouvoir exécutif n’exerce des pressions ou chantages sur les juges de la Cour. Enfin, la Cour constitutionnelle est actuellement victime de son propre succès.
Elle a tellement bien joué son rôle de protecteur des droits de l’Homme et de rempart de la démocratie qu’elle est actuellement submergée par des demandes et recours qui menacent de l’étouffer et de la rendre inefficiente. Il convient de desserrer l’étau autour de la Cour en confiant une partie de ses compétences aux tribunaux ordinaires. Par exemple, les juges ordinaires pourraient connaître de certains contentieux en matière électorale en premier ressort, quitte à ce que la Cour constitutionnelle connaisse de ces affaires en appel ou en dernier ressort.
Le système électoral
Le cadre juridique des élections au Bénin est caractérisé par une multitude de lois votées, amendées et revues la veille de chaque élection ou de chaque cycle électoral. La mise en œuvre de ces lois est souvent soumise à des dérogations qui les rendent vulnérables à des manipulations politiques.
La très faible fiabilité des listes électorales est devenue un danger pour la qualité de la participation politique au Bénin. Le système de confection, de contrôle et de mise à jour des listes électorales est très défectueux et mérite une réparation urgente et durable. Malgré la mise en place d’une Liste Electorale Permanente Informatisée ( LEPI) ou, peut être à cause d’elle, la non exigence de pièce d’identité ou d’identification, due en partie à l’inexistence de l’état civil, est à la base des inscriptions multiples ou frauduleuses de mineurs, d’étrangers et de personnes condamnées. Les déficiences des listes électorales expliquent aussi en partie les multiples insuffisances liées au vote des Béninois de l’extérieur.
Le système partisan et le statut de l’opposition
Le statut de l’opposition pose de nombreux problèmes qui doivent être résolus. Sur la définition même de l’opposition et l’identification de son (ou ses) chef (s) dans un régime présidentiel comme le Bénin, on note que la loi sur le statut de l’opposition propose une définition relativement convaincante de ce qu’on peut entendre par opposition et du rôle qu’on attend d’elle dans une démocratie. Il n’en demeure pas moins que désigner le(s) chef (s) de l’opposition uniquement par rapport à des critères de représentativité à l’Assemblée nationale ou de suffrages obtenus lors des élections législatives pose un problème dans un pays où on peut être candidat à l’élection présidentielle sans appartenir à aucun parti politique et arriver en deuxième position.
En fait, tous les présidents de la République du renouveau démocratique ont été élus sans être portés ou formellement présentés par un parti politique en particulier. Dans ces conditions, pourquoi ne pas faire du candidat arrivé en deuxième position à l’élection présidentielle passée le chef automatique de l’opposition ? Le statut de l’opposition contient une longue liste de droits et avantages divers offerts aux partis politiques qui ne se reconnaissent pas dans l’équipe au pouvoir.
Il n’a toutefois pas été attractif pour les partis de l’opposition du fait d’abord, qu’il est conditionné en grande partie à la bonne volonté du pouvoir en place, ensuite, qu’il occulte plusieurs aspects des garanties attendues par l’opposition comme les modalités concrètes d’accès aux médias de service public, enfin, parce que certains acteurs politiques, supposés de l’opposition, ne désespèrent pas d’être « associés » à la gestion des affaires par le Président de la République, cette possibilité étant exclue une fois la déclaration d’appartenance à l’opposition faite
Credits Photo: Benin Monde Infos