Analyse comparative des profils migratoires en Afrique de l’Ouest et Centrale
Une étude pour le compte de l’OIM
Auteurs :
Sylvère Yao Konan, Rudolf Anich, Timon Van Lidth et Pietro Mona
A la suite des profils migratoires nationaux, cet aperçu régional se veut pour objet de fournir i) une analyse comparative des actuelles tendances migratoires nationales en Afrique de l’Ouest et Centrale, et ii) une description de l’approche réglementaire aux questions migratoires dans la sous-région. La comparaison et l’analyse des données collectées sont effectuées entre les pays ciblés du projet « Migration en Afrique de l’Ouest et Centrale : profils nationaux pour le développement de politiques stratégiques », et permettent une meilleure compréhension plus dynamique des phénomènes migratoires dans cette région. Ils permettent également de mettre en exergue les lacunes entre données collectées et les stratégies au niveau national et régional.
Pays cibles de la CEDEAO
Toutes références faites aux pays cibles de la CEDEAO se rapportent, sauf mentions contraires, aux pays suivants : le Cap-Vert, la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Nigéria et le Sénégal.
Immigration
Au niveau des pays couverts par le présent rapport, l’on constate, en majorité, une légère baisse du poids des immigrants internationaux par rapport à la population du pays d’accueil, leur stock passant de 2,7 % à 2,4 % de 2000 à 2010. Seule la Mauritanie et le Nigéria ont vu le poids d’immigrants augmenter sur la période. Dans l’ensemble des pays étudiés, la Côte d’Ivoire, possède le stock d’immigrés le plus élevé, toujours supérieur à 10 %, bien qu’il ait diminué entre 2000 et 2010, passant de 13,5 % à 11,2 % (DPNU, 2009). Elle est suivie de loin par le Ghana dont le taux est passé de 7,7 % à 7,6 % sur la même période.
L’immigration dans les pays cibles était à dominance masculine au cours de la dernière décennie.
La Côte d’Ivoire possède le taux d’immigrés en provenance de la CEDEAO (ou de la Mauritanie) le plus élevé (90,7 %), suivie du Niger (89,7 %), de la Mauritanie (87,8 %), du Sénégal (83,6 %), du Mali (78,6 %), du Nigéria (75,8 %) et du Ghana (58,9 %).
Les immigrés dans les pays cibles proviennent pour la plupart des pays de la CEDEAO (ou de la Mauritanie). En effet, sur un total de 4 225 066 immigrés en 2000 dans les pays cibles provenant du monde entier, on en dénombrait 3 488 592 originaires de la CEDEAO (ou de la Mauritanie), soit 83 % (DRC, 2007). Même si des disparités importantes existent entre ces pays, le poids des immigrés provenant des pays membres de la CEDEAO (ou de la Mauritanie) est supérieur à 58 % pour tous les pays cibles, excepté le Cap-Vert (où ce taux est de 10,2 %). La Côte d’Ivoire possède le taux d’immigrés en provenance de la CEDEAO (ou de la Mauritanie) le plus élevé (90,7 %), suivie du Niger (89,7 %), de la Mauritanie (87,8 %), du Sénégal (83,6 %), du Mali (78,6 %), du Nigéria (75,8 %) et du Ghana (58,9 %).
Émigration
Le fait migratoire analysé sous l’angle des pays d’origine établit une hiérarchie différente en Afrique de l’Ouest. L’effectif des migrants originaires de ces pays cibles dans le monde en 2000 était de 5 047 374 (DRC, 2007) pour une population totale des pays cibles estimée à 196 151 636 (DPNU, 2009), soit un ratio de 2,6 %. Au sein de ces pays, le Mali est le premier pays avec un stock d’émigrants estimé à 1 578 695 suivi par le Nigéria (1 041 284) et le Ghana (957 883). Cependant en termes de ratio du stock d’émigrants par rapport à la population du pays d’origine, le Cap-Vert est le pays le plus touché par l’émigration car plus de 45 % des natifs choisissent de résider à l’étranger alors que pour les autres pays, hormis le Mali (15 %), cette proportion est de moins de 5 %.
Lorsque le taux net de migration est négatif, le flux des entrées dans le pays est inférieur à celui des sorties, en d’autres termes, il y a plus d’émigrants que d’immigrants. Tous les pays analysés ont des taux net de migration négatif sur la période 2000-2010 à l’exception du Ghana et de la Mauritanie respectivement sur la période 2000–2005 et 2005-2010.
L’émigration des pays cibles se réalise principalement (61,5 %) dans l’ensemble des pays membres de la CEDEAO (ou vers la Mauritanie). Cependant, il y a une dispersion suivant les pays qui peut être classifiée en deux groupes de pays : Le premier groupe est celui des pays dont l’émigration se déroule principalement dans l’espace CEDEAO (ou vers la Mauritanie) tandis que, dans le second groupe, les émigrés choisissent de s’installer hors de la sous-région ouest africaine. Dans le premier groupe, on retrouve par ordre décroissant le Niger (89,4 %), le Mali (85,5 %), le Ghana (72,0 %) et la Mauritanie (67,4 %). Le second groupe comprend quant à lui, la Côte d’Ivoire (44,8 %), le Sénégal (44,0 %), le Nigéria (20,6 %) et le Cap-Vert (18,6 %).
Lorsque le taux net de migration est négatif, le flux des entrées dans le pays est inférieur à celui des sorties, en d’autres termes, il y a plus d’émigrants que d’immigrants. Tous les pays analysés ont des taux net de migration négatif sur la période 2000-2010 à l’exception du Ghana et de la Mauritanie respectivement sur la période 2000–2005 et 2005-2010.
Migration de la main d’œuvre et étudiantes
L’émigration des ressortissants des pays cibles porte également sur les personnes qualifiées. Les taux d’émigration des travailleurs hautement qualifiés oscillent entre 5,7 % (Côte d’Ivoire) et 67,5 % (Cap-Vert).
Selon Bhargava, Docquier et Moullan (2010), en 2004 plus de 7 300 médecins formés dans les pays cibles travaillaient à l’étranger dont 48 % aux Etats-Unis et 33 % au Royaume-Uni, principaux pays d’accueil. Les ratios médecins par habitant dans les pays d’origine (pays cibles) étaient très faibles (inférieur à 1 pour 1 000) comparés à ceux des pays de destination (supérieurs à 2 pour 1 000). En 2004, quatre des pays cibles ont connu un taux d’émigration de médecins de plus de 10 %. Le Ghana a été tout particulièrement affecté par ce phénomène enregistrant un taux de fuite des cerveaux de près de 38 %.
La situation du Ghana, du Cap-Vert et du Sénégal est préoccupante car plus d’un médecin sur deux choisit d’émigrer tandis que les taux d’émigration des infirmières sont respectivement de 24 %, de 41 % et de 27 %.
En outre, selon les estimations de Clemens et Petterson (2006), en 2000, 18 % des médecins et 13 % des infirmières des pays étudiés ont émigré dans une sélection de dix pays de destination.[1] Les principales destinations sont par ordre décroissant les Etats Unis (accueillant 43,8 % des médecins et 60 % des infirmières de l’ensemble des médecins et infirmières des pays étudiés), le Royaume-Uni (32,7 % pour les médecins contre 30,1 % pour les infirmières) et la France (14 % pour les médecins contre 6,6 % pour les infirmières). Ainsi, plus de 90 % des médecins et infirmières choisissent prioritairement l’un de ces trois pays. Cependant, il y a des différences significatives entre les pays cibles vis-à-vis cette fuite des cerveaux. La situation du Ghana, du Cap-Vert et du Sénégal est préoccupante car plus d’un médecin sur deux choisit d’émigrer tandis que les taux d’émigration des infirmières sont respectivement de 24 %, de 41 % et de 27 %.
Le nombre d’étudiants des pays cibles engagés dans un cursus scolaire ou universitaire en dehors de leur pays est passé de 39 881 à 60 677 de 2002 à 2007, à savoir un taux de croissance annuel moyen de 8,8 % (UNESCO, 2009). Sur cette période, le stock d’étudiants des pays cibles, soit 316 278, représente 81,5 % du stock d’étudiants de la CEDEAO. La mobilité des étudiants des pays cibles représente une proportion en moyenne de 2,3 % des étudiants mobiles dans le monde. La population des étudiants mobiles des pays cibles est dominée par les Nigérians (34,2 %), suivis des Sénégalais (20,3 %), des Ghanéens (14,2 %), des Ivoiriens (10,8 %).
Transfert de fonds
Le solde net des transferts en proportion du PIB oscille entre -7,4 % et 20,6 % du PIB pour l’ensemble des pays cibles de 1974 à 2006 (Banque mondiale, 2008). Sur l’ensemble de ces huit pays, l’on peut établir trois groupes : le groupe des pays dont le solde net est positif sur la période 1974-2006 (Cap-Vert, Sénégal, Mali, Ghana), celui des pays dont le solde net est négatif (Côte d’Ivoire, Mauritanie) et un groupe intermédiaire composé du Niger et du Nigéria dont les soldes nets étaient d’emblée négatifs avant de devenir positifs. Cependant, à l’exception de la Côte d’Ivoire, tous les soldes nets sont positifs à partir de 2000, c’est-à-dire que les pays reçoivent plus de fonds qu’ils n’en émettent. En 2008, le Sénégal (8,7 %), le Cap-Vert (8,6 %), le Nigéria (4,7 %) et le Mali (3 %) sont les pays dont la contribution de ces fonds au PIB est la plus significative. Dans cet ensemble de pays, deux se distinguent particulièrement : la Côte d’Ivoire et le Cap-Vert. La Côte d’Ivoire est exportateur net de fonds de 1975 à 2006 tandis que le Cap-Vert est importateur net sur toute la période. La situation de ces deux pays s’explique par la structure des phénomènes migratoires. La Côte d’Ivoire accueille plus de travailleurs migrants qu’elle n’en exporte alors que le Cap-Vert a le taux d’émigrants qualifiés le plus élevé parmi les pays cibles.
De 2000 à 2003, les flux des transferts des fonds reçus étaient instables (Banque mondiale, 2009). Les taux de croissance étaient compris entre -48,1 % et 48,5 %. De 2003 à 2008, les taux de croissance sont positifs pour tous les pays et donc on observe une hausse régulière des flux entrants. Cependant, les prévisions pour l’année 2009 donnent une chute de ces transferts certainement à cause de la crise financière mondiale. Ce ralentissement de la croissance des transferts de fonds reçus est beaucoup plus significatif au Nigéria (-4 %), au Ghana (-2,6 %) et au Cap-Vert (-2,3 %).
Migration irrégulière
La migration irrégulière est par définition relativement complexe pour être aisément identifiée dans des pays où les systèmes statistiques sont peu développés. Si plusieurs critères peuvent normalement être utilisés pour définir le migrant irrégulier, telles que les conditions d’entrée et de séjour sur les territoires des différents pays, la détention d’un permis de travail, ces critères ne sont pas tous opérationnels pour qualifier le migrant d’irrégulier. En effet, la réglementation n’est pas systématiquement appliquée, notamment en matière de délivrance d’autorisations de séjour et de travail dans tous les pays. Ainsi, les estimations sur le nombre d’immigrants irréguliers dans les pays étudiés sont sommaires et parfois inexistantes.
Dans plusieurs pays de la CEDEAO, certains ressortissants de pays membres excèdent la durée de 90 jours de séjour sans solliciter de titre légal.
D’après De Haas (2008), à la veille de la régularisation en 2005, plus de 45,6 % des ressortissants des pays cibles avaient des statuts irréguliers en Espagne. Entre 2004 et 2006, le nombre d’immigrants légaux des pays cibles a augmenté de 48 107 à 79 045, représentant une hausse de 35 % comparé aux 88 464 résidents réguliers et irréguliers estimés le 1er janvier 2005. Selon ce tableau, le Sénégal prédomine dans les régularisations espagnoles et il semble relativement, le premier pays subsaharien prédominant dans les régularisations italiennes (De Haas, 2008). Au Portugal, les nationalités africaines dominantes dans les régularisations effectuées en 1992–1993 et 1996, étaient les originaires du Cap-Vert (ex colonie portugaise) et les ex-colonies anglaises. Cependant, dans la régularisation de 2001, les nationalités dominantes viennent de l’Europe de l’Est (particulièrement de l’Ukraine) et de l’Amérique Latine (Brésil) (OCDE, 2006). En France, le pic constaté dans l’immigration en 1997–1998 est dû à l’opération de régularisation entreprise par le gouvernement français et non pas à un surplus d’entrée en France (Thierry, 2006). Dans les dix premières nationalités régularisées dans l’opération exceptionnelle de 1997–1998 et des régularisations « au fil de l’eau » de 1999–2006, figurent la Côte d’Ivoire, le Cap-Vert, le Sénégal et le Mali (Lessault et Beauchemin, 2009).
D’après les données d’arrestations et d’expulsions à partir d’un pays de l’UE 27, la plupart des migrants irréguliers des pays cibles se retrouvent principalement dans cinq pays, ci-après par ordre d’importance décroissante : Espagne, Italie, France, Pays-Bas et Portugal
D’après les données d’arrestations et d’expulsions à partir d’un pays de l’UE 27, la plupart des migrants irréguliers des pays cibles se retrouvent principalement dans cinq pays, ci-après par ordre d’importance décroissante : Espagne, Italie, France, Pays-Bas et Portugal (CIREFI, 2009). En ce qui concerne les pays d’origine, le Sénégal est le premier pays pourvoyeur de migrants irréguliers dans les pays de l’Union Européenne en 2006 et 2007. En 2006, les migrants irréguliers appréhendés et/ou expulsés étaient à plus de 50 % d’origine sénégalaise, suivis de ressortissant nigérians et maliens. Le pays le moins pourvoyeur de migrants irréguliers est le Niger en raison peut être de la faible émigration des Nigériens en Europe.
Les travailleurs immigrés dans les pays cibles opèrent principalement dans le secteur informel qui ne requiert aucune procédure d’autorisation de visa ou de permis de travail. A titre d’illustration, les étrangers travaillant dans le secteur informel représentent 80 % du total des travailleurs étrangers en Mauritanie contre 89 % occupés dans l’agriculture traditionnelle et dans le secteur informel non agricole en Côte d’Ivoire. Les secteurs de concentration des étrangers dans les différents pays cibles sont le secteur agricole notamment dans les plantations pour la Côte d’Ivoire, tandis que pour les autres pays cibles, ce sont les secteurs du commerce (Sénégal, Mauritanie, Mali) et de l’industrie (Ghana). Au Nigéria, les étrangers en 2001, étaient prédominants dans l’administration des entreprises, les professions exigeant un haut niveau de scientificité (mathématiques, physiques, ingénierie), les emplois de bureau, les champs de mine/la construction, les professions médicales.
Comparaison avec l’Afrique centrale : République démocratique du Congo (RDC) et Cameroun
Immigration
Le Cameroun et la République démocratique du Congo sur la période 1960-1980 étaient des pays d’immigration dont les taux nets de migration variaient entre 0 et 1,4 (pour 1 000 habitants) contre 9,1 à 11,8 pour la Côte d’Ivoire durant la même période. Ainsi, la RDC et le Cameroun étaient des pays d’immigration en Afrique centrale au même titre que la Côte d’Ivoire en Afrique de l’Ouest mais dans une proportion moindre. En 1980, il semble se produire une rupture dans la situation migratoire de ces deux pays d’Afrique centrale. De pays d’immigration, ils sont tendanciellement passé à des pays d’émigration certainement sous l’effet de la crise, de la mise en œuvre des Programmes d’Ajustement Structurel (PAS) et d’autres facteurs comme les conflits armés et les rébellions notamment en RDC. Toutefois, l’intensité de ce phénomène à partir Migration en Afrique de l’Ouest et Centrale : Aperçu régional 2009 35 de 2000, pour ces deux pays de l’Afrique centrale est relativement plus faible que celle constatée au niveau des pays cibles de la CEDEAO et la Mauritanie.
L’immigration en Afrique centrale semble différente de celle qui prévaut en Afrique de l’Ouest. Un immigré sur deux au Cameroun et en RDC est africain et seulement 7 % de ces derniers sont originaires d’Afrique centrale, tandis que le ratio des immigrés de l’Afrique de l’Ouest par rapport à l’ensemble des immigrés dans les pays cibles de la CEDEAO et la Mauritanie est de 83 %
L’immigration en Afrique centrale semble différente de celle qui prévaut en Afrique de l’Ouest. Un immigré sur deux au Cameroun et en RDC est africain et seulement 7 % de ces derniers sont originaires d’Afrique centrale, tandis que le ratio des immigrés de l’Afrique de l’Ouest par rapport à l’ensemble des immigrés dans les pays cibles de la CEDEAO et la Mauritanie est de 83 % (DRC, 2007). L’immigration en Afrique de l’Ouest est plus intra-régional contrairement à ce qui passe en RDC et au Cameroun. Les ressortissants des pays cibles ouest africains (CEDEAO et Mauritanie) en RDC et Cameroun sont au nombre de 206 328 sur un total de 889 289 immigrés en 2000, soit 23 %, représentant la communauté d’origine la plus importante dans ces deux pays (DRC, 2007). Par ailleurs, l’origine des migrants dans ces deux pays d’Afrique centrale est plus diversifiée comparativement aux pays cibles de la CEDEAO et la Mauritanie. L’on dénombre 21 % d’asiatique, 17 % d’européens, 10 % d’américains et 0,5 % migrants ressortissants de l’Océanie. En outre, la situation migratoire présente des différences significatives au niveau des deux pays : l’immigration au Cameroun est essentiellement d’origine africaine (93,5 %) dont 62,3 % en provenance de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO et Mauritanie) et 30,6 % d’Afrique centrale.
Emigration
Selon les estimations du Centre sur la migration, la globalisation et la pauvreté (DRC) de l’Université de Sussex (2007), on dénombrait 170 363 émigrants Camerounais dans le monde en 2000, dont 12,3 % résidaient dans les pays cibles de la CEDEAO et de la Mauritanie tandis que la proportion des ressortissants des pays cibles dans les immigrés au Cameroun était de 60,4 %. Les émigrés congolais étaient quant à eux au nombre de 821 057 dont seulement 1,9 % résidaient dans les pays cibles alors que la proportion des ressortissants des pays cibles dans la population d’immigrés en RDC est de 9,6 %. Le poids des émigrés congolais et camerounais dans la population respective de ces deux pays est de 1,6 % et de 1,1 %. L’émigration de ces deux pays est encore marginale et similaire à celle des ivoiriens qui est également de 1 %.
Si l’on peut constater la diversification au cours du temps des zones d’émigration des ressortissants des dix pays africains étudiés, il ressort principalement pour tous les pays à l’exception du Niger, que la première destination est l’ancienne métropole avec laquelle des liens historiques et linguistiques existent. Ensuite, la seconde destination est l’Allemagne en raison des opportunités d’emplois qu’offre ce pays européen.
Si l’on peut constater la diversification au cours du temps des zones d’émigration des ressortissants des dix pays africains étudiés, il ressort principalement pour tous les pays à l’exception du Niger, que la première destination est l’ancienne métropole avec laquelle des liens historiques et linguistiques existent. Ensuite, la seconde destination est l’Allemagne en raison des opportunités d’emplois qu’offre ce pays européen. Les pays étudiés ayant les plus fortes proportions de leurs émigrés en Europe sont par ordre d’importance : le Cap-Vert (48,9 %), la Côte d’Ivoire (43,2 %), le Cameroun (38,7 %), le Sénégal (38,0 %) et le Nigéria (18,0 %). Cependant, cette hiérarchie change si l’on raisonne en termes de volume. En effet, selon le stock de migrants, les pays dominants sont : le Nigéria (187 028), le Sénégal (182 290), la RDC (125 195), le Ghana (115 790), le Cap-Vert (97 694). Dans les Amériques (Nord et Sud) l’on dénombrait 350 738 émigrés des dix pays africains étudiés concentrés essentiellement aux Etats-Unis (83,7 %) et au Canada (13 %). Au sein des pays étudiés, les émigrés Nigérians sont les plus nombreux en Amérique du Nord (44,5 %), suivi des Ghanéens (25,4 %), des Cap verdiens (8,1 %), des Congolais (5,5 %), et des Camerounais (4,4 %). Ces différentes communautés totalisent à elles seules plus de 87 % des émigrés en provenance des pays cibles en Amérique du Nord.
Migration de main d’œuvre et étudiante
Les taux d’émigration de personnes hautement qualifiées des dix pays étudiés excèdent les taux d’émigration de celles faiblement qualifiées et moyennement qualifiées pour tous les pays en 1990 et en 2000. De 1990 à 2000, les taux d’émigration hautement qualifiée ont connu une hausse pour tous les pays excepté le Niger et la RDC. Aussi, l’analyse des taux de sélection des émigrés révèle que nombre d’africains ayant des niveaux d’étude élevés choisissent de plus en plus la voix de l’émigration. (Docquier et Marfouk, 2005).
Sur l’ensemble des dix pays étudiés, le Cameroun et la RDC occupent respectivement les 3ème et 4ème rangs des pays ayant de forts taux de fuite de médecins.
Selon Barghava, Docquier et Moullan (2010), plus de 450 et 157 médecins formés respectivement en RDC et au Cameroun travaillaient à l’étranger dont la plupart en République sud-africaine, en Belgique et aux Etats-Unis. Les taux de fuite de médecins étaient de 10,9 % et de 11,1 % respectivement au Cameroun et en RDC. Sur l’ensemble des dix pays étudiés, le Cameroun et la RDC occupent respectivement les 3ème et 4ème rangs des pays ayant de forts taux de fuite de médecins. L’effectif des étudiants mobiles du Cameroun et de la RDC évoluent en sens inverse de 2002 à 2007. Cet effectif est passé pour ces deux pays de 16 810 à 20 356, soit un taux de croissance annuel moyen de 3,9 % contre 8,8 % pour les pays étudiés de la CEDEAO et la Mauritanie. Sur la période 2002–2007, le cumul d’étudiants camerounais à l’étranger (89 067) excède de loin celui des pays cibles de la CEDEAO et de la Mauritanie à l’exception du Nigéria tandis que celui de la RDC (21 442) n’excède que celui de trois pays : le Mali, la Mauritanie et le Niger.
Transfert de fonds
Les soldes nets des transferts camerounais pour les données disponibles sont négatifs de 1979 à 1995 et en 2001 et 2002. Ces soldes traduisent des sorties plus importantes de devises du Cameroun par rapport aux fonds reçus des travailleurs camerounais à l’étranger. Cette situation est semblable à celle de la Côte d’Ivoire et est cohérente avec le fait que jusqu’au début des années 1990, le Cameroun était un pays net d’immigration. Cependant, à partir de 2003, l’on assiste à un retournement de tendance liée à une forte croissance des transferts entrants comparativement aux flux sortants. En effet, le taux de croissance annuel moyen sur la période 2002-2006 des flux entrants est de 57 % contre 11 % pour les transferts sortants. Par ailleurs, la contribution des transferts entrants au PIB du Cameroun en 2008 est faible (0,7 %) et est quasi identique à celle de la Côte d’Ivoire (0,8 %) et du Ghana (0,8 %) pour la même année (Banque mondiale, 2009).
Au niveau de la RDC, selon les données disponibles auprès de la Banque Centrale, l’on a enregistré un flux global de transferts entrants de 130 millions de dollars E.-U. contre 68 millions de dollars E.-U. de transferts sortants en 2007. Le flux net positif de 63 millions de dollars E.-U. pour cette année, représente le double des transferts de 2006 et le triple de ceux de 2005 (OIM, 2010).
Les transferts reçus selon Banque mondiale (2006) sont estimés à 3 300 millions USD pour les pays examinés dans la Partie A.1, soit seulement 1,3 % du total des transferts mondiaux.
Migration irrégulière
Le phénomène de migration irrégulière est également vécu dans les mêmes formes qu’en Afrique de l’Ouest. Certains étrangers entrent en RDC et au Cameroun sans visa d’entrée à cause de la porosité et de l’immensité des frontières ou y résident au-delà de leur titre légal de séjour. Le Cameroun et la RDC ne disposent pas d’administrations et d’outils fiables pour quantifier et qualifier l’immigration clandestine. En outre, nombre d’irréguliers possèdent frauduleusement des documents d’identité des deux pays d’accueil. Ainsi, évaluer de manière continue le nombre de migrants clandestins, leur origine, leur domaine d’activité, etc. semble difficile à réaliser. Cependant, à l’instar des pays cibles d’Afrique de l’Ouest, les clandestins ou les immigrés irréguliers sont nombreux et travaillent dans le secteur informel où il n’est guère nécessaire de fournir des documents administratifs à jour. Au Cameroun, ces étrangers exercent pour la plupart dans le petit commerce (friperie, vente de pièces détachées), l’artisanat et les petits services ambulants (cordonniers, cireurs de chaussures, tailleurs) (OIM, 2009h). En RDC, ces étrangers irréguliers travaillent dans les kiosques et le petit commerce et également dans les entreprises appartenant aux ressortissants de leur pays d’origine (boulangerie, garages, main-d’œuvre technique dans des entreprises minières). Les étrangers en situation irrégulière travaillant dans le secteur quasi-informel bénéficient de la complicité des agents des services d’immigration (OIM, 2010).
A l’instar des pays cibles d’Afrique de l’Ouest, les clandestins ou les immigrés irréguliers sont nombreux et travaillent dans le secteur informel où il n’est guère nécessaire de fournir des documents administratifs à jour.
Les statistiques présentées témoignent que l’émigration irrégulière des camerounais et congolais vers l’Europe s’orientent dans les mêmes pays que celle des pays cibles, non seulement en raison des liens historiques (congolais en Belgique et Camerounais en France), mais également des opportunités d’emplois qu’offre les autres pays européens (Allemagne, Pays-Bas).
[1] Afrique du Sud, Australie, Belgique, Canada, France, Espagne, Etats-Unis, Portugal, Royaume-Uni.