Comment analyser la migration féminine en Afrique?
De plus en plus de femmes prennent le chemin de la migration et leurs raisons sont pour la plupart du temps les mêmes qui font partir les hommes : avoir plus d’argent, avoir de meilleures conditions de vie…
En général, elles laissent derrière elles leurs enfants mais il y a des femmes qui prennent le risque d’emmener avec elles leurs enfants. Et quand elles arrivent avec succès à passer à travers les mailles des contrôles frontaliers, ce sont des femmes qui sont entre les mains de personnes qui peuvent ne pas être corrects, qui les utilisent à d’autres fins. Ce n’est pas toutes les femmes qui traversent de manière irrégulière qui vivent une clandestinité sans violence. On a vu des femmes qui sont allées dans les pays du Golfe comme domestiques, mais une fois qu’elles arrivent dans une maison et qu’on leur retire leur passeport, tout est possible. Elles peuvent être victimes de violences sexuelles, de violences physiques…
La présence des femmes dans la migration régulière aussi existe.
Les femmes partent avec toute leur documentation entre leurs mains. Elles demandent leur visa. Elles mettent du temps à l’obtenir mais une fois qu’elles l’ont obtenu, elles vont exécuter leur projet migratoire. Elles s’installent dans un pays. Elles y travaillent, et à la fin de leur permis de séjour, elles rentrent dans leur pays.
Il faut considérer deux choses quand on parle de migration régulière chez les femmes. Il y en a qui partent dans les pays développés avec tous les moyens documentaires utiles, nécessaires et requis pour leur projet migratoire, et qui s’installent et qui travaillent. Mais il y en a qui vont également dans nos pays africains à la faveur de certains textes qui existent, par exemple au sein de la CEDEAO. Dans ce cas, qu’on soit femme ou homme, on a le droit d’entrer dans un pays et de s’y installer pour 90 jours.
Comment comprenez-vous la question du genre dans les migrations africaines?
La problématique du genre dans la migration, c’est tout ce qui est inégalité et iniquité entre l’homme et la femme. Cela commence dès le départ de la migration. Quand une communauté a un projet migratoire, les femmes se comportent toujours de manière plus orthodoxe. Elles se préoccupent toujours de leurs papiers même si souvent on les entraine dans des situations où elles n’ont pas de papiers.
Ensuite, toujours dans cette conception du projet migratoire, les femmes ont également envie d’aller ailleurs pour chercher de quoi renvoyer à la maison. Même si elles deviennent clandestines dans le pays d’accueil, elles envoient de l’argent parce qu’elles ont toujours à l’esprit les personnes laissées derrière, que ce soit leurs parents ou leurs enfants. La somme d’argent qui est renvoyée est plus petite chez les femmes que chez les hommes parce que les hommes ont peut-être la chance de faire de grands coups et d’envoyer une grosse somme. Les femmes envoient de petites sommes mais périodiques, de manière régulière.
Photo: WATHI
Madame Ndioro Ndiaye est ancienne directrice générale adjointe de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). Elle est la présidente de l’Alliance pour la migration, le leadership et le développement (AMLD).