Bénin : la foule, les militants et les électeurs
Patrice Affo
La précampagne électorale pour la présidentielle est à sa vitesse de croisière au Bénin. Dans cette ambiance vertigineuse, les états-majors des différents candidats en lice polissent leurs stratégies pour la campagne électorale qui est imminente. Les candidats enchainent les meetings et autres rencontres et l’élément de communication reste en grande partie la foule de personnes présentes. Sur la base des capacités de mobilisation de la foule et de débauchage des leaders politiques et religieux, les états-majors de campagne des principaux candidats rivalisent d’arguments du « k.o » au premier tour.
Et si la question qui se pose est de savoir si la foule que l’on observe aux différents meetings suivra les consignes des leaders, la véritable interrogation serait de savoir s’il s’agit de véritables militants ou de simples curieux. En effet, il n’est pas rare d’entendre des gens au sortir de tel ou tel rassemblement politique dire : « J’étais à cette rencontre parce qu’on m’a donné deux mille francs CFA… J’irai chez tel autre candidat aussi, si on m’en donnait plus… ». Mais, à la question de savoir pour qui allez-vous voter ? Sans surprise, on peut entendre : « Pour le candidat de mon choix… ». Cette attitude serait la grande inconnue de cette élection.
La foule se révélera t-elle être les militants? Pas si sûr quand on sait qu’un militant selon le Larousse, est un adhérent d’une organisation politique, syndicale, sociale, qui participe activement à sa vie, ou quelqu’un qui lutte, combat pour une idée, une opinion, un parti. Dès lors, l’on peut légitimement s’interroger sur le nombre de militants qui reste dans la foule que l’on observe dans les meetings et autres messes politiques qui se succèdent.
Quant à la foule, l’on peut s’interroger s’il s’agit de la même dans toutes les rencontres ; l’on peut marquer un arrêt aussi sur le soubassement de cette nouvelle attitude des populations béninoises. L’échec de la classe politique actuelle ou le pouvoir de l’argent en période électorale seraient t-ils les facteurs explicatifs de cet état de fait ? Autre élément non moins important, à considérer les militants qui restent de la foule, combien de ceux-là sont déjà en possession de leur carte d’électeur ou le seront d’ici le 06 mars 2016, date retenue pour le premier tour de l’élection présidentielle.
Il y a bien là un danger qui guette les candidats en lice et leurs états-majors, si la foule des messes politiques actuelles se révèle une foule « intéressée», au soir du 06 mars 2016 déjà, il y aura beaucoup de surprises.
Patrice Affo est juriste. Il a co-rédigé le rapport de l’Indice papide de la Société civile de CIVICUS au Bénin, paru en 2013, ainsi que le rapport alternatif de la Société civile du Bénin sur le Pacte international des Droits civils et politiques (PIDCP) au Comité des Droits de l’Homme à Genève paru en octobre 2015.