Présidentielles au Bénin : le « jus » et le « sésame »
Patrice AFFO
A la veille de l’élection présidentielle du 6 mars au Bénin, deux éléments importants à même d’impacter la bonne organisation du scrutin manquent à l’appel : le « jus », entendez l’électricité et le « sésame », comprenez les cartes d’électeurs.
S’il est vrai que la crise énergétique frappe de plein fouet la majeure partie des pays d’Afrique de l’Ouest, il est tout aussi vrai que la période de campagne électorale n’est pas la mieux indiquée pour les délestages. De délestage en délestage en cette période sensible, la crise de nerfs et la méfiance se sont installées entre les différents protagonistes du scrutin. Dès lors, il urge d’éviter à tout prix aux populations qui ruminent la colère des délestages, la goutte d’eau qui fera déborder le vase. Et, comme résultat de cet état de fait, les populations devenues méfiantes se demandent s’il s’agit d’un fait conjoncturel ou d’un scénario savamment orchestré. Dans l’un comme dans l’autre, à qui profite la situation ?
Et comme « un malheur ne vient jamais seul », les autorités en charge de la production des nouvelles cartes d’électeurs ne semblent plus en mesure de tenir le pari de la production et de la distribution intégrales de celles-ci avant le 6 mars 2016, date retenue pour le premier tour du scrutin. Face à cette impasse en perspective, la solution est venue de la Cour Constitutionnelle qui a autorisé les électeurs qui n’auront pas la nouvelle carte d’électeur avant le jour du vote à utiliser les anciennes cartes d’électeurs, celles précédemment autorisées pour les élections législatives de 2015.
Du coup, voici le pays dans une situation inédite, aller à un vote crucial, celui de toutes les suspicions, avec deux cartes d’électeurs différentes dont le point commun important reste le numéro d’identification personnel de l’électeur. Les numéros de cartes sont, eux, différents.
Il faut légitimement se demander le jeu auquel jouaient les gouvernants et les structures chargées de produire le « sésame » pour que le pays en soit arrivé là. N’y a-t-il pas déjà là des germes de polémiques sur les résultats de cette consultation ? Comment l’usage des deux cartes se fera sur le terrain ?
Gageons que les populations sauront s’accommoder, comme toujours, de la disparition régulière du « jus », que les autorités en charge de l’organisation des élections joueront leur partition pour assurer sa disponibilité dans les centres de vote le jour du scrutin. Gageons aussi que les conditions d’usage des deux types de « sésame » seront suffisamment clarifiées et vulgarisées pour éviter toute dérive.
Une élection est une occasion de fête, vivement alors que le 6 mars 2016, le « jus » et le « sésame » soient au rendez-vous afin d’assurer aux populations béninoises une belle fête, mais surtout de paisibles lendemains.
Credits photo: le monde
Patrice Affo est juriste. Il a co-rédigé le rapport de l’Indice papide de la Société civile de CIVICUS au Bénin, paru en 2013, ainsi que le rapport alternatif de la Société civile du Bénin sur le Pacte international des Droits civils et politiques (PIDCP) au Comité des Droits de l’Homme à Genève paru en octobre 2015.
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Gageons également que la maturité du peuple puisse s’exprimer; que la paix et l’intérêt supérieur de la nation soient ce qui guident chaque propos et chaque acte afin que le processus arrive à bon port ! Qu’aux prochaines élections le “jus” , “le sésame” et tous les autres éléments soient au rendez-vous pour la fête de la démocratie béninoise.