De l’école à l’emploi, la longue marche de la jeunesse urbaine malienne
Delphine Boutin, 2013
Delphine Boutin, 2013
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Poursuivre des études reste une activité peu répandue chez les jeunes filles : seules 19 % d’entre elles étaient scolarisées au moment de l’enquête, contre 32 % des garçons. La relative sous-scolarisation des jeunes femmes reflète le poids de la tradition au Mali qui reste réticente à leur fréquentation scolaire. A contrario, les jeunes les plus aisés, pouvant se permettre de se passer du revenu d’un emploi et parvenir à payer les frais directs et indirects de l’éducation, sont plus susceptibles d’être scolarisés que ceux appartenant au quintile des ménages les moins riches.
Les spécificités hommes-femmes influencent grandement la détermination des statuts d’activités des jeunes : les jeunes femmes sont moins susceptibles d’être économiquement actives. Un jeune sur cinq se déclare inactif. Ce statut touche principalement les jeunes femmes, et s’accroît avec l’âge. La forte prévalence de l’inactivité parmi les femmes reflète également leurs désavantages sur le marché du travail en raison du probable conflit qu’elles subissent entre travail et famille, mais également du manque d’opportunités de travail.
Le marché du travail urbain malien est ainsi très étroit pour les jeunes, qui éprouvent de nombreuses difficultés à accéder à un premier emploi, malgré un niveau d’éducation généralement plus élevé que le reste de la population malienne. Certaines catégories sont davantage discriminées (les femmes, les plus pauvres, les jeunes de Bamako). Elles présentent des taux d’inactivité et de chômage bien supérieurs à la moyenne.
Nos résultats soulignent les difficultés éprouvées par les jeunes femmes pour obtenir un premier emploi. Il leur faut également davantage d’années pour ensuite accéder à un emploi de qualité. Certaines jeunes femmes (à l’instar des plus pauvres ou des Bamakoises) n’ont d’ailleurs quasiment aucune chance d’obtenir un emploi satisfaisant : elles occuperont la majorité de leur vie des emplois précaires, insuffisamment payés, aux longues heures de travail. On observe d’ailleurs que la majorité des jeunes femmes urbaines en emploi tirent leur revenu des activités relevant du secteur non structuré (commerce de petit détail des denrées alimentaires), très peu protégé. Les emplois salariés, à responsabilité ou d’une manière générale de bonne qualité sont bien souvent occupés par les hommes.
Divers facteurs entravent l’accès des jeunes femmes au marché du travail. Le premier obstacle à leur difficulté d’accès à un emploi provient de leur faible scolarisation et de leur fort taux d’analphabétisation. Les résistances à la scolarisation des jeunes filles sont encore vivaces et expliquent la faiblesse des ressources allouées à l’éducation des filles et des femmes. Les différences sur les plans de l’éducation et d’autres variables du capital humain ne sont pas les seuls facteurs expliquant l’étroitesse du marché du travail des jeunes femmes urbaines maliennes.
Des contraintes d’ordre économique les empêchent d’accéder à un emploi. Ainsi, très peu d’aides et d’appuis à l’emploi salarié leurs sont réservés ; elles sont également souvent exclues des structures de formation professionnelles existantes. De surcroît, effectuer un emploi en tant qu’indépendant ou ouvrir un petit commerce demeure encore difficile, car le marché du crédit ou l’accès aux autres sources de financement (subventions, etc.) sont souvent réservés aux hommes.
Enfin, le poids de la tradition malienne freine l’émancipation féminine : le Mali est une société à caractère patriarcal, où peu de femmes ont accès aux postes à responsabilités (ministres, ambassadeurs, directrices nationales, etc.) et d’une manière générale sont souvent écartées des prises de décision.
La demande d’emploi des jeunes femmes (mais également l’offre) est ainsi très faible au Mali, où de nombreuses réticences subsistent encore par rapport à la responsabilisation des femmes. De plus, la répartition traditionnelle des fonctions au sein de la société malienne confie aux femmes les tâches domestiques. Les charges excessives qui en découlent ne leur permettent pas de participer à des programmes d’encadrement professionnel et aux autres formes d’intrant, et représentent aussi autant de temps perdu pour chercher et occuper effectivement un emploi.