Inégalités de genre, croissance et lutte contre la pauvreté au Mali
Swedish International Development Cooperation Agency 2010
Swedish International Development Cooperation Agency 2010
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Les inégalités de genre constituent un obstacle majeur au développement économique du Mali. Ces inégalités sont évidentes dans l’accès à l’éducation, la division du travail, la répartition des revenus et des richesses, l’accès à la terre, la représentation politique, etc. Les efforts faits au cours de la dernière décennie pour améliorer la place des femmes dans la société n’ont eu qu’un impact limité sur les inégalités de genre, comme l’illustre bien la persistance du mauvais classement du Mali dans les comparaisons internationales. Le Mali ne va pas atteindre l’Objectif du Millénaire pour le Développement sur l’égalité de sexes et l’autonomisation des femmes (OMD 3). Cet objectif cible l’élimination des disparités entre les sexes à tous les niveaux de l’enseignement en 2015, au plus tard.
Les inégalités de genre dans la sphère économique et professionnelle sont en grande partie le produit de la division sexuée du travail. Cette dernière reflète les décisions des hommes et des femmes qui, séparément ou ensemble au sein du ménage, répartissent différemment leurs temps de travail entre activités économiques (marchandes et non marchandes) et domestiques. Une conséquence de ces choix est que les hommes ont plus souvent que les femmes un travail, au sens conventionnel du terme, et que les femmes consacrent une partie plus importante de leur temps à des activités domestiques.
Cette répartition n’est pas immuable et varie dans l’espace et au cours du temps. Le développement économique influe fortement sur le taux d’emploi féminin (la proportion des femmes qui travaillent) mais modérément sur celui des hommes. Dans un second temps, cependant, la croissance économique, l’augmentation du niveau d’éducation (primaire et surtout secondaire) et l’urbanisation se traduisent par la multiplication des emplois, des emplois plus qualifiés et une progression du taux d’emploi des femmes. Pour illustrer les différences de genre dans l’accès au travail au Mali, le graphique 1 reproduit les taux d’emploi et les taux d’activité pour la population en âge de travailler en 2007.
La différence entre les deux taux correspond au taux de chômage. Comme dans la majeure partie des pays, les hommes connaissent des taux d’emploi plus élevés que les femmes. Plus de huit hommes sur dix de 25 à 60 ans sont engagés dans des activités économiques contre 6-7 femmes sur dix de la même tranche d’âge. On retrouve des différences du même ordre de grandeur quand la comparaison s’appuie sur les taux d’activité. Seules les jeunes filles de 15-19 ans connaissent un taux d’emploi supérieur à celui des jeunes hommes du même âge.
Un autre trait marquant du graphique 1 concerne les plus faibles taux d’emploi (et d’activité) pour les adolescents et les jeunes adultes (la tranche d’âge des 15-24 ans) et ceux des plus de 55 ans, comparés à ceux des classes d’âge intermédiaires. Le profil en U-renversé est plus prononcé pour les hommes que pour les femmes en raison, entre autres, de différences de genre dans l’accès à l’éducation, secondaire et supérieure. Enfin, on peut observer un taux de chômage plus élevé pour les adolescents et les jeunes adultes que pour les plus de 40 ans, indépendamment du sexe.
Le développement économique, plus palpable à Bamako, et l’urbanisation se sont traduits par une forte baisse du taux d’emploi des femmes à Bamako, avec pour conséquence de considérables disparités entre la situation au travail des femmes à Bamako et en milieu rural (graphique 2). Le taux d’emploi des femmes dans les autres zones urbaines du Mali occupe une place intermédiaire. La différence entre les taux d’emploi selon le milieu de résidence est beaucoup plus grande pour les femmes que pour les hommes, celui des hommes étant moins affecté par l’augmentation des revenus en milieu urbain. Les taux d’emploi des hommes sont aussi nettement supérieurs à ceux des femmes, à l’exception de la tranche d’âge des adolescents de 15 à 19 ans, en raison probablement de l’allongement de la scolarité et des différences dans l’accès à l’éducation des jeunes filles et des jeunes garçons.
En fait les différences entre les hommes et les femmes sont encore plus marquées si on raisonne en termes de quantité de travail marchand (nombre d’heures de travail). Le travail à temps partiel touche plus les femmes que les hommes. En effet, 20 % des femmes et 16 % des hommes ayant un emploi dans les entreprises privées informelles (neuf actifs occupés sur dix) travaillent moins de 25 heures par semaines. Le
temps partiel féminin est plus fréquent en milieu urbain qu’en milieu rural : 54 % des femmes travaillant dans les entreprises privées informelles à Bamako travaillent moins de 25 heures par semaine contre 19 % des femmes travaillant en milieu rural. Les proportions pour les hommes sont de 47 % à Bamako et 16 % en milieu rural.
Branches d’activité (avec la part de l’emploi féminin total entre parenthèses): 1: activités des ménages en tant qu’employeurs de personnel domestique (7,2 %); 2: hôtels et restaurants (0,6 %); 3: commerce et réparation de véhicules automobiles et d’articles (20,2 %); 4: activités de fabrication (10,6 %); 5 : production et distribution d’électricité, de gaz et d’eau (0,1 %); 6: activités financières (0,1 %); 7: activités extractives (1,8 %); 8 : agriculture, élevage, chasse et sylviculture (56,7 %); 9: activités à caractère collectif ou personnel (0,6 %); 10: activités de santé et d’action sociale (0,4 %); 11: administration publique (0,5 %); 12: éducation (0,5 %); 13: immobilier, locations et services aux entreprises (0,2 %); 14: pêche, pisciculture et aquaculture (0,4 %); 15: transport, activités des auxiliaires de transport et communications (0,1 %); 16: construction (0,1 %).
Répartition de l’emploi féminin (en %) : employés de maison (5,1 %), entreprise privée informelle (90,7 %), secteur public (2,9 %), ONG, organisations internationales, associations (1,1 %), entreprise privée formelle (0,3 %). Source des données : EPAM 2007
les femmes de moins en moins nombreuses au fur et à mesure que l’on s’élève dans l’échelle des métiers et la hiérarchie des catégories socioprofessionnelles. Cela est bien illustré par le graphique 5. Alors que les femmes représentent 68 % des emplois d’aide familiale et 50 % des travailleurs à leur compte, elles ne sont plus que 23 % des cadres moyens et agents de maîtrise et seulement 18 % des cadres supérieurs, ingénieurs et assimilés. Plus de neuf femmes sur dix (93 %) travaillent comme aide familial ou travailleur à son compte (le plus souvent dans le secteur informel), ce qui souligne bien le faible niveau de qualification des emplois occupés par la majorité des maliennes. Le graphique 5 indique aussi que les femmes sont sous-représentées dans les emplois peu qualifiés (manœuvres ou employés) et les emplois d’ouvriers.
Répartition de l’emploi féminin (en %) : aide familial (35,6 %), travailleur à son compte (57,9 %), manœuvre (0,7 %), employé (1,2 %), patron et employeur (0,3 %), cadre moyen et agent de maîtrise (1,1 %), ouvrier (0,6 %), apprenti (0,5 %), cadre supérieur, ingénieur et assimilé (0,3 %), associé (1,9 %). Source des données : EPAM 2007.
Une première illustration de ces inégalités de genre concerne la répartition des rémunérations entre hommes et femmes à l’intérieur des branches d’activités (tableau 2). Trois branches, l’agriculture, le commerce et les activités de fabrication, emploient 88 % des femmes actives. La proportion de femmes travaillant dans ces trois branches d’activités avec une rémunération inférieure au revenu minimum officiel allait de 68 à 88 % en 2007. Le SMIG était de 28 639 FCFA en 2007. La proportion des hommes rémunérés en dessous du SMIG dans les mêmes branches était nettement moins élevée, entre 30 et 43 %. Les bas et très bas salaires touchent ainsi beaucoup plus les femmes que les hommes. Les hauts salaires sont beaucoup plus souvent le « privilège » des hommes. Alors que la proportion des hauts salaires, supérieurs à 75 000 FCFA, concernaient de 2 à 6 % des femmes dans ces trois branches d’activités, ils concernaient entre 12 et 29 % des hommes.
La proportion de femmes à faible ou très faible rémunération est beaucoup élevée que celle des hommes dans la plupart des autres branches d’activités. Les activités des ménages et la pêche (qui comprend aussi la pisciculture et l’aquaculture) représentent deux exceptions. La répartition des hauts salaires (plus de 75 000 FCFA) confirme les fortes inégalités de genre en faveur des hommes avec une proportion de hauts salaires plus élevée pour les hommes que pour les femmes dans 12 des 16 branches d’activités. Toutefois, deux exceptions sont à noter qui concernent des branches occupant une part non négligeable de la main d’œuvre, surtout masculine : l’administration publique et les transports et communications.