L’action de l’Etat français en Guinée: envers et par-delà Ebola
Pierre Salignon et Adrien Absolu, Mars 2015
Pierre Salignon et Adrien Absolu, Mars 2015
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La stratégie de l’Agence française de Développement de passer rapidement d’une logique de réponse à l’urgence à une logique de relance durable du système de santé en Guinée semble aller dans le bon sens. La prochaine étape consiste à renforcer la coopération au niveau sous régional, comme cela est actuellement en cours dans l’Océan Indien.
L’épidémie Ebola a souligné en effet la fragilité des systèmes de santé des pays affectés (déjà dépendants des programmes d’aide internationaux), et, en contrepoint, la nécessité d’investir durablement pour offrir à leurs populations des services de santé de base, capables de contrer Ebola mais aussi de soigner les autres maladies. C’est un enjeu stratégique dans des pays déjà tellement fragiles, où les crises sanitaires sont régulières et – on peut le dire malheureusement sans risquer de se tromper – se répèteront.
La stratégie française de transition est importante puisqu’elle s’inscrit dans la volonté de renforcer durablement le système de santé de la Guinée. C’est la démarche dans laquelle l’AFD est engagée depuis octobre 2014 par le biais des financements qu’elle a su rapidement mobiliser ou réorienter. Conformément à son mandat de bailleur du développement, l’agence cible sur le long terme le renforcement des capacités locales en matière de laboratoire et de diagnostic (en élargissant sur la formation du personnel et la surveillance sanitaire), ainsi que le renforcement des soins de santé primaire (et donc du système de santé). Agir contre Ebola, c’est déjà participer à la relance du système de santé. Les engagements de l’AFD recouvrent plusieurs actions soutenues par son agence en Guinée.
Comme évoqué plus haut, à la sortie de l’été 2014, l’AFD a débloqué avec l’accord des autorités guinéennes un financement de 5 millions d’euros […] en faveur de la CRF [Croix-Rouge Française]. Ce dernier a permis l’ouverture du CTE [Centre de Traitement Ebola] de Macenta. L’AFD accompagne désormais ses partenaires dans le redéploiement progressif des actifs et des effectifs placés à Macenta. Tout en maintenant les capacités d’accueil des malades Ebola, il s’agit de privilégier un dispositif plus mobile, souple, davantage orienté vers la communauté. L’AFD participe ainsi à l’adaptation de la réponse, pour mieux tenir compte de l’évolution de l’épidémie et de ses modes de contamination.
Le Programme d’appui à la santé en Guinée (PASA, 10 millions d’euros délégués par l’AFD à l’UE [Union Européenne] dans le cadre d’un financement global de 30 millions) a été lancé le 21 janvier 2015. Une mission de supervision récente de l’AFD (en lien avec l’UE, le ministère de la Santé et ses partenaires) a confirmé les objectifs de renforcement du système de santé et de réduction de la mortalité maternelle et infantile dans la région de Guinée forestière. L’AFD et l’UE participent ainsi à la relance (hors urgence Ebola) des services de santé primaires, et au rétablissement, on l’espère, du lien de confiance avec les populations.
L’AFD et l’UE ont décidé dans ce cadre de confier à l’Unicef une subvention de 4,5 millions d’euros afin d’appuyer l’approvisionnement en médicaments, l’adduction d’eau et l’électrification de structures de santé de base. En soutenant les comités de santé et d’hygiène publique (via un appel à contribution auprès d’ONG de 2,3 millions d’euros), le projet apportera également son appui à la gouvernance sanitaire et communautaire (fonctionnement, formation des leaders, matériel de prévention des infections). Une fonction d’alerte et de veille sera confiée à ces comités au plus proche du terrain.
L’AFD mobilise enfin plusieurs financements afin de renforcer les capacités de laboratoires en Guinée et dans la région. Le projet régional RESAOLAB + (réseau d’Afrique de l’Ouest des laboratoires d’analyse biomédicale) lancé en 2013 (par une subvention de 5 millions d’euros sur un budget global de 8 millions) vise à renforcer sur le long terme la formation de techniciens de laboratoires et de biologistes, la mise en place d’un système d’accréditation de la qualité des laboratoires, et la définition d’un paquet minimal d’activités en biologie médicale dans les structures de santé. La Guinée est un des sept pays bénéficiaires du projet (avec le Sénégal, le Togo, le Mali, le Niger, le Burkina, le Bénin).
L’AFD participe ainsi, en lien avec la Fondation Mérieux, au renforcement dans les années à venir des ressources humaines et du cadre institutionnel. L’ouverture d’un futur Institut Pasteur de Guinée financé lui aussi par l’AFD (4 millions d’euros octroyés en octobre 2014 sur trois ans) participera à terme (en lien avec le projet RESAOLAB +) au renforcement des capacités de laboratoire et de diagnostic en Guinée (et dans la sous-région). Une mission conduite par l’Institut Pasteur mi-février 2015 a précisé les futures étapes de la mise en œuvre du projet (pour une livraison espérée en 2016). Une subvention complémentaire de l’AFD est envisagée à compter de 2016.
Dans l’océan Indien, l’AFD finance depuis 2009 un projet de « veille sanitaire » hébergé au sein de la Commission de l’océan Indien (COI). Il poursuit ces mêmes objectifs, dans un espace insulaire lui aussi exposé, aux portes de l’Afrique de l’Est. Cherchant à renforcer la sécurité sanitaire au bénéfice des populations de cinq États membres de la COI (Maurice, Comores, Madagascar, Seychelles et France), le projet initié par l’AFD est financé à hauteur de 6 millions d’euros pour la période 2014-2018. Assez unique, il est, en miroir avec la crise sanitaire en Afrique de l’Ouest, riche d’enseignements.
Pour rappel, 60 % des maladies humaines infectieuses connues sont d’origine animale, de même que 75 % des maladies humaines émergentes. Que ce soit par transmission alimentaire ou vectorielle, ou par simple contact, les possibilités de transmission sont donc multiples.
Le projet de veille sanitaire est original en ce qu’il cherche à mettre en œuvre le concept « une seule santé » (one health) qui intègre la surveillance des maladies transmissibles en santé humaine et en santé animale. Il vise également à poursuivre la structuration du réseau régional de veille sanitaire ainsi que le renforcement des capacités des États membres.
La démarche du projet repose sur un ancrage avec les centres régionaux d’excellence et les organisations internationales. Elle s’appuie également sur la consolidation et le renforcement des capacités du réseau SEGA (surveillance des épidémies), et sur son élargissement à la santé animale en association avec le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) et le réseau Animal Risk.
Le réseau tel qu’il se développe se nourrit de compétences diverses et d’experts très volontaristes pour renforcer les collaborations au niveau régional (même si tous les États membres ne sont pas égaux dans leur capacité et leur gouvernance). Les partenaires du projet regroupent à la fois l’Institut Pasteur de Madagascar, la Plate-forme d’intervention régionale de l’océan Indien (PIROI) de la CRF, l’OMS et l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE), mais aussi les contreparties nationales dans le secteur de la santé des pays membres.
Face aux risques épidémiques, pour lutter contre les risques sanitaires, investir durablement dans la veille épidémiologique des pays les plus fragiles et souvent les plus exposés est une façon utile et efficace de renforcer les systèmes de santé pour tenter de mieux anticiper les futures crises sanitaires. C’est un des enseignements de l’épidémie Ebola en Afrique de l’Ouest.
The strategy of the French Development Agency of moving quickly from a logic of emergency response to one of long-term relaunch of the health system in Guinea seems to be the right one. The next step involves strengthening cooperation at the sub-regional level, as it is currently taking place in the Indian Ocean.
The Ebola epidemic has highlighted the fragility of health systems in affected countries (already dependant on international aid programmes) and, in counterpoint, the necessity to invest durably to offer to their population basic health services, able to counter Ebola but also to treat other diseases. This is a key challenge in such vulnerable countries, where health crises are frequent and – we can unfortunately say it without much doubt – will repeat themselves.
The French strategy of transition is important because it shows a willingness to reinforce durably the health system of Guinea. It is the approach adopted by AFD since October 2014 through the funding it managed to rapidly mobilize and reorientate. In line with its mandate of development donor, the agency targets on the long-term, specifically the building of local capacities in terms of laboratory and diagnosis (as well as the formation of personnel and health monitoring) and the reinforcement of primary health care (and thus of the health system). Act against Ebola involves participating in the recovery of health systems. The engagements of AFD include various actions supported by its agency in Guinea.
As mentioned above, during the summer 2014, AFD unlocked with the agreement of the Guinean authorities funding of 5 million euros […] in favour of the CRF [French Red Cross]. This funding enabled the opening of the CTE [Ebola treatment centre] of Macenta. AFD now assists its partners in the progressive redeployment of its resources in Macenta. While maintaining its carrying capacities for people infected with Ebola, the idea is to favour a more mobile and flexible facility that is more oriented towards communities. AFD therefore participates in the adaption of the response to reflect the evolution of the epidemic and its modes of contamination.
The Support programme to health in Guinea (PASA, 10 millions of euros delegated by AFD to EU [European Union] as part of a global funding of 30 millions) has been launched on January 21st 2015. A recent supervision mission of AFD (associated to EU, the Ministry of Health and its partners) has confirmed the objectives of reinforcing the capacities of health systems and reducing mother and infant mortality in the region of Forested Guinea. AFD and EU are therefore participating in the relaunch (outside of Ebola emergency) of basic health services, and to the recovery, hopefully, of trust relationships with populations.
In this framework, AFD and EU have decided to entrust UNICEF with a subsidy of 4.5 million euros to engage in the supply of medicines, water conveyance and electrification of basic health structures. By supporting health and public hygiene committees (through an appeal for contributions to NGOs of 2.3 million euros), the project will also bring its assistance to sanitary and community governance (functioning, leaders formation, prevention material of infections). Warning and oversight functions will be entrusted to these committees on the ground.
AFD also mobilizes various funding aimed at building the capacities of laboratories in Guinea and in the region. The regional project RESAOLAB + (West African network of biomedical analysis laboratories) launched in 2013 (by a subsidy of 5 million euros in a total budget of 8 million) aims to durably reinforce the formation of lab technicians and biologists, the setting up of an accreditation system for the quality of laboratories, and the definition of a minimum package of activities in biological medicine in health structures. Guinea is one among seven countries benefiting from the project (with Senegal, Togo, Mali, Niger, Burkina-Faso and Benin).
AFD thus participates, together with the Foundation Mérieux, in the reinforcement in the coming years of human resources and institutional frameworks. The opening of a future Pasteur Institute in Guinea also financed by AFD (4 million euros awarded in October 2014 over a 3-year period) will participate (with the RESAOLAB +) to the building of laboratory and diagnosis capacities in Guinea (and in the sub-region). A mission conducted by the Pasteur Institute in mid-February has highlighted future steps for the implementation of the project (for a delivery hoped in 2016). A complementary subsidising of AFD is expected in 2016.
In the Indian Ocean, AFD funds since 2009 a project of “health monitoring” hosted by the Indian Ocean Commission (IOC). It pursues the same objectives, in an exposed insular space, at the door of East Africa. With the aim of reinforcing sanitary security for the populations of five states member of the IOC (Mauritius, Comoro Islands, Madagascar, Seychelles and France), the project is funded by AFD (6 million euros for the 2014-2018 period). Although quite unique, it is, just like the sanitary crisis in West Africa, a source of rich lessons.
As a reminder, 60% of known infectious human diseases and 75% of human emerging diseases originate from animals. Whether through food-borne or vector-borne transmissions, or through simple contact, the possibilities of transmission are multiple and show that a collaborative approach between the actors of animal health and human health is necessary to prevent and control these infections.
The project of health monitoring is innovative in its emphasis of the concept of « one health », which integrates communicable disease surveillance in human health and animal health. It also aims to push for the formation of a regional network of health monitoring and for the reinforcement of member states’ capacities.
The project approach lies on cooperation between regional excellence centres and international organisations. It is also based on the consolidation and the reinforcement of the capacities of the SEGA network (monitoring of epidemics), and on its broadening to animal health in association with the Centre de cooperation internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) and the Animal Risk network.
The developing network is filled with diverse skills and highly proactive experts to strengthen the collaborations at the regional level (even if all member states are not equal in their capacity and their governance). The project partners bring together the Pasteur Institute of Madagascar, the Plateforme d’intervention régionale de l’océan indien (PIROI) of CRF, WHO [World Health Organisation] and the World Organisation for Animal Health (OIE), but also national counterparts in member countries’ health sectors.
To address epidemic risks and to fight against sanitary risks, investing durably in health monitoring of the most fragile and often most exposed countries is a useful and effective tool to reinforce health systems in order to better anticipate future sanitary crises. This is one of the key lessons of the Ebola epidemic in West Africa.