Les leçons d’Ebola
Jean-François Delfraissy & Benoît Miribel, Janvier 2016
Jean-François Delfraissy & Benoît Miribel, Janvier 2016
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Alors que l’attention internationale se focalisait sur la recherche de solutions pour mettre fin à la propagation d’Ebola, d’autres problèmes de santé tels que la malnutrition, le Sida et le paludisme ont ré-émergé. Ceci ne serait pas arrivé si des systèmes de santé solides étaient en place et que du personnel formé était disponible.
Même si beaucoup de maladies infectieuses tuent annuellement plus qu’Ebola, il y a longtemps que l’humanité n’avait pas eu à faire face à un agent infectieux entraînant une aussi forte létalité pouvant aller jusqu’à 80 %. Le manque de préparation et la faiblesse des systèmes de santé ont eu un impact considérable sur les populations africaines touchées. Action contre la faim (AFC) a dû renforcer dès le mois d’avril 2014 ses actions de sécurité alimentaire pour faire face aux risques d’insécurité nutritionnelle. Les personnels de santé fortement touchés par le virus n’ont pas été en mesure de soigner tous les patients souffrant d’autres maladies. Ebola a complexifié le rapport entre soignants et patients en raison de l’impossibilité de toucher directement ces derniers, les personnels de santé étant obligés de réduire les examens au strict minimum et de porter systématiquement les combinaisons de protection.
Comme le soulignait ACF, l’épidémie a eu un effet sur la lutte contre la malnutrition. Les enfants n’étaient plus pesés et mesurés, seule la mesure brachiale et le test d’appétit étaient toujours réalisés. Alors que les besoins en réhydratation sont très importants pour les patients atteints d’Ebola, on a assisté à une pénurie de kits de réhydratation, pourtant indispensables pour soigner les enfants atteints de diarrhées. Les mêmes conséquences négatives secondaires ont été observées pour la prise en charge des patients atteins de VIH, de paludisme ou dans le domaine des vaccinations avec une rupture de prise en charge et/ou de traitements.
Si des centres de santé avec des personnels formés avaient été disponibles en région dès le printemps 2014, des milliers de vies auraient été épargnées et le virus n’aurait pas rencontré autant d’hôtes disponibles. La baisse de la propagation d’Ebola en Afrique de l’Ouest est due prioritairement à la capacité de détection et d’isolement des patients infectés et à la pratique d’enterrements sécurisés des victimes du virus.
Ebola est une crise humanitaire qui s’est rapidement transformée en crise humanitaire et économique Au-delà de l’aspect économique, la dimension sociale et anthropologique d’une épidémie est trop souvent négligée alors qu’elle nécessite une approche appropriée dans le respect du contexte culturel. La transversalité des enjeux incite les experts à croiser leurs connaissances pour envisager des réponses encore plus adaptées, portées localement par les responsables communautaires et politiques. Si l’attention internationale s’est portée à juste titre sur l’absence de vaccin et de traitement, on ne doit pas occulter la faiblesse du système de santé et l’importance de le renforcer. La santé est un bien public, trop souvent négligé par les responsables nationaux et internationaux. Elle doit devenir une priorité pour les politiques africaines si l’on veut être en mesure de contenir les épidémies telles qu’Ebola et les pandémies telles que le Sida.
Sans une action locale en faveur de la construction de véritables systèmes de santé, on ne parviendra pas à avoir un impact suffisant pour faire face efficacement aux épidémies, et plus globalement aux maladies infectieuses. La question de la responsabilité des gouvernements et des ministères face aux enjeux de santé publique doit être suivie de près afin d’inciter et encourager les responsables politiques à prendre les mesures de protection des populations dont ils ont la charge.
La vulnérabilité sanitaire des pays dépourvus de système de santé concerne aussi les pays développés car ils peuvent se retrouver à tout moment exposés à des pathogènes émergents ou ré-émergents. La mise en place d’un réseau africain de surveillance et d’alerte sera un élément clé dans les futures épidémies.
As international attention focused on stopping the spread of Ebola, other health issues such as malnutrition, HIV and malaria re-emerged. This would not have happened if strong health systems were in place and trained medical staff was available.
Although many infectious diseases kill more people every year than Ebola, it had been a long time since humanity had to face an infectious agent with a lethality rate of up to 80%. The lack of preparedness and the weakness of health systems have had a considerable impact on affected local populations. Action against Hunger (ACF) had to reinforce its actions in terms of food security as soon as April 2014 to face the risks of nutritional insecurity. Health agents highly concerned by the virus have not been able to take care of patients suffering from other illnesses. Because of the impossibility of directly touching those infected with the disease, Ebola has complicated the relationship between patients and medical staff, who were forced to conduct only minimum examinations and to constantly wear protective suits.
As highlighted by ACF, the epidemic had an impact on the fight against malnutrition. Children were not weighted and measured anymore, as only arms’ measurements and appetite tests were conducted. Although staying well hydrated is key for people infected with Ebola, we have seen a shortage of rehydration salts which are essential for the treatment of children suffering from diarrhoea. The same secondary negative consequences were observed for people infected with HIV, malaria and in other vaccinations with a rupture of caring and/or treatments.
If health centres managed by trained medical staff had been available in the region during the spring 2014, thousands of lives would have been saved and the virus would not have propagated that easily. The reduction in the spread of Ebola in West Africa is mainly due to the capacities of detection and quarantine of people infected, and to safer funeral practices of victims.
Ebola is a humanitarian crisis that quickly evolved into an economic crisis. Beyond the economic aspect, the social and anthropological dimensions of the epidemic are too often neglected despite the fact that they require an approach that takes into account the cultural context. The cross-cutting nature of these challenges should incentivise experts to share their knowledge in order to formulate more adapted responses, taken locally by community and political leaders. As the international attention has rightly focused on the absence of a treatment and vaccine, we should not undermine the weakness of health systems and importance to reinforce them. Health is a public good, which is too often neglected by national and international leaders. It should become a priority for African politicians if we want to be able to contain epidemics like Ebola and pandemics such as HIV.
Without a local effort to build effective health systems, it will be impossible to have a sufficient impact to face epidemics and infectious diseases more broadly. The issue of governments’ and ministries’ responsibilities in public health challenges should be closely watched in order to encourage policy-makers to take measures to protect populations.
The sanitary vulnerability of countries deprived of health systems is also a challenge for developed countries because they can always find themselves exposes to emerging or re-emerging pathogens. Setting up an African network of surveillance and warning will be a key element in future epidemics.