FRANÇAIS
L’épidémie Ebola a mis en évidence plusieurs lacunes dans gestion de cette crise par les autorités nationales. Ce document, qui est le résultat de deux ans d’interventions de Médecins sans frontières (MSF) sur le terrain, suggère qu’une plus grande prise en compte des préférences des populations locales, le développement de stratégies qui peuvent maintenir un système de soins normal pendant une épidémie, et la mise en place de politiques globales de la santé du travail pour le personnel médical national et international, seront cruciaux dans le futur.
L’incinération des patients décédés d’Ebola a été effectuée uniquement à Monrovia, une situation à laquelle les populations locales ont vu d’un mauvais oeil. Les pratiques funéraires ouest-africaines permettent aux familles de dire au revoir à leurs proches décédés et les tombes sont des endroits régulièrement visités pour leur rendre hommage. Les obsèques sont également un rassemblement social où les gens se rencontrent et parlent de divers problèmes tels que les litiges fonciers, l’héritage et autres transactions. L’incinération ne permettait pas aux populations de vivre le deuil comme ils en avaient l’habitude.
Les personnes interviewées ont reconnu que pendant le pic de l’épidémie, lorsqu’il y avait un grand nombre de cadavres infectés, l’incinération était nécessaire pour réduire la propagation du virus. Elles ont tout de même exprimé du ressentiment par rapport à l’application de cette mesure par les autorités bien après le pic de l’épidémie. D’après elles, des formes socialement plus acceptables d’enterrement sûr auraient permis de réduire le nombre de cadavres.
En août 2014, le gouvernement libérien mis un quartier de la capitale de Monrovia en quarantaine, utilisant au passage l’armée pour éviter la propagation du virus. Cette décision n’a pas été bien reçue par la population locale : « Nous n’avons pas compris la logique. Au lieu de nous apporter du secours avec des hôpitaux et des ambulances, ils nous ont mis en quarantaine. Que devons-nous faire ? » MSF n’a pas soutenu l’organisation de la quarantaine parce qu’elle n’a pas été perçue comme une mesure efficace.
L’État a imposé la crémation des corps de personnes morte du virus Ebola au Libéria et la mise en quarantaine de celles qui ont été en contact avec elles en Sierra Leone. Cette mesure a provoqué une grande peur et une méfiance chez les populations touchées qui ont parfois donné lieu à un comportement qui a augmenté la propagation du virus. En cas de nouvelle flambée d’Ebola, il sera nécessaire d’intégrer des solutions basées sur la communauté pour contrôler l’épidémie.
Avant cette flambée, la Sierra Leone, la Guinée et le Libéria avaient de très faibles ratios de personnel de santé par rapport à leur population respective. L’apparition consécutive de l’épidémie a eu un effet dévastateur sur les personnels de santé nationaux dont des centaines ont succombé à l’infection au cours de l’épidémie. Une telle perte d’un personnel déjà rare a eu un impact sévère sur la façon dont les services de santé des pays touchés ont répondu aux besoins de santé de leurs citoyens hormis Ebola.
Selon diverses études, lors de l’épidémie d’Ebola il y a eu une baisse importante au niveau de nouveaux diagnostics du VIH et de la fréquentation des cliniques par les personnes à qui le VIH avait été récemment diagnostiqué et qui devaient suivre un traitement. Cela a été causé par la peur des patients qui ne voulaient pas risquer de se faire contaminer dans les cliniques, la fermeture de cliniques en raison d’un manque de personnel ou leur réticence à recevoir de nouveaux patients qui auraient pu avoir des symptômes similaires à ceux causés par le virus Ebola.
Au cours de l’année 2014, MSF a entrepris à Monrovia une recherche sur les effets de l’épidémie sur les soins relatifs à la maternité et les soins de santé pour des maladies autres qu’Ebola. Les résultats montrent qu’il y a eu une diminution importante du nombre d’établissements ouverts et, pour ceux qui l’étaient encore, une réduction de la fréquentation et des déficits au niveau des procédures de contrôle des infections des patients ont été enregistrés. Un exercice de modélisation effectué par le personnel de MSF estime que le taux de mortalité maternelle au cours de cette période était environ 15 fois supérieur à celui du taux de base. Ces chiffres donnent une indication de l’effet néfaste qu’Ebola a eu sur les services de soins de santé maternelle à Monrovia. Dans un grand centre de soins dans les zones rurales de la Sierra Leone, MSF a découvert une réduction de 36% de présence d’enfants de moins de 5 ans en 2014 par rapport à l’année précédente.
Un domaine de recherche jusque-là négligé est l’évaluation de l’effet qu’a eu l’urgence Ebola sur le staff médical. Des professionnels ont été chargés du traitement des malades d’Ebola dans des zones ou le taux de mortalité était d’au moins 50% et où les conditions étaient difficiles. Ils devaient faire leur possible pour ne pas contracter le virus eux-mêmes. Les psychologues MSF ont enquêté sur la charge qui pesait sur les travailleurs de la santé et ils ont découvert que le risque de contagion, l’équipement de protection inconfortable, la charge de travail, le danger et la difficulté à faire face à des morts et des personnes en grande souffrance faisaient partie intégrante des problèmes quotidiens de ces travailleurs. Cette information a permis à MSF de proposer un soutien personnalisé à tous les secouristes Ebola pendant et après leurs services.
ENGLISH
This Ebola outbreak highlighted various shortcoming in the way in the epidemic was handled by national authorities. This document, which is the result of over two years of intervention on the ground by Doctors without Borders (MSF), suggests that taking more into account the preferences of communities, developing strategies that can sustain normal healthcare during epidemics and designing comprehensive occupational health policies for both national and international staff will be critical in the future.
Cremation was used for patients who died from Ebola in Monrovia only and was not well received by some members of the community. West African funerals allow families to say goodbye to their recently deceased family member and graves provide a place where they can visit regularly to pay their respects. Funerals are also a social gathering where people can meet and discuss crucial issues such as land disputes, inheritance and other transactions. Replacing funerals with cremation denied families and communities these opportunities for shared grieving.
Interviewees accepted that during the height of the outbreak when there were a large number of infected dead bodies, cremation was needed to reduce spread of the virus. However, they resented the way this order continued to be enforced by senior government officials long after the peak of the epidemic when more socially acceptable forms of safe burial could be used for the reduced number of dead bodies.
In August 2014, the Liberian government quarantined an entire neighbourhood of the capital Monrovia using military personnel in an attempt to prevent further spread of the virus. This was not well received by the community: “We didn’t understand the logic, instead of helping us with clinics and ambulances, they pushed us in. What were we supposed to do?”. MSF did not support the use of quarantine for controlling the outbreak because it was not viewed as an effective measure.
State imposed cremation of Ebola cases in Liberia and quarantine of contacts in Sierra Leone caused significant fear and mistrust among affected populations which sometimes resulted in behaviour that increased the spread of the virus. In any future flare ups of Ebola, it will be necessary to incorporate community led solutions for controlling the outbreak.
Prior to this outbreak, Sierra Leone, Guinea and Liberia had very low ratios of healthcare staff to their respective populations. The consequent onset of the epidemic had a devastating effect on national health care workers with hundreds succumbing to the infection over the course of the outbreak. Such a loss of already scarce staff had a severe impact on how health services of affected countries could meet the non-Ebola health needs of their citizens.
It was noted in various studies that during the Ebola outbreak there was a major drop in clinic attendance of new HIV positive diagnosis and new HIV infected patients entering care in the affected countries. This was due to a combination of: patients being afraid to attend clinics because of the known risk of catching Ebola, clinics closing because of a lack of staff and clinics reluctant to see new patients who may have symptoms compatible with Ebola.
During 2014, MSF in Monrovia undertook to research the effects of the outbreak on maternity care and general non-Ebola health care. The findings suggested that there was an important decrease in the number of facilities open and for those which remained open, there was a reduction in patient attendance and deficits with infection control procedures. A modelling exercise by MSF staff estimated that the maternal mortality rate over this period was potentially 15 times that of the background rate giving an indication of the detrimental effect Ebola had on normal maternity care services in Monrovia. In a large primary health care centre in rural Sierra Leone, MSF showed that there was a 36% drop in attendance of children under the age of 5 years in 2014 compared to the previous year.
An area of neglected research is assessing what effect working in an Ebola emergency had on healthcare staff. These professionals were tasked with treating EVD patients who had a mortality rate of at least 50% in challenging clinical settings while at the same time trying to avoid getting infected themselves. MSF psychologists have investigated the burden placed on health workers and found that “risk of contagion, uncomfortable protective clothing, work overload, danger, facing death and people with great suffering” were some of the daily issues faced by these workers. This information allowed MSF to offer tailored counselling to all Ebola emergency workers during and after their service.