Dans son rapport intitulé Une seule humanité, des responsabilités partagées, le Secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-moon dresse l’état des lieux de l’action humanitaire après neuf ans d’expérience à la tête de l’organisation internationale. Ce document, qui présente également les conclusions tirées de trois ans de consultations en vue du Sommet humanitaire mondial d’Istanbul (23-24 mai), vise essentiellement à définir un agenda à destination des chefs d’Etat et des différents acteurs humanitaires. Parmi les principaux axes de progrès identifiés figurent le besoin de mobiliser la volonté politique nécessaire, de mieux respecter les normes de droit international lors de conflits, et de faire le maximum pour inclure l’ensemble des personnes affectées par les crises humanitaires. Mais la recommandation évoquée le plus longuement et qui mérite le plus d’attention dans le cadre de l’Initiative de WATHI sur le virus Ebola tient au renforcement des capacités locales et à la rupture de la distinction classique entre action humanitaire ponctuelle et développement social sur le long-terme.
Qu’il s’agisse d’urgences sanitaires, de crises alimentaires ou de catastrophes naturelles, toute intervention humanitaire se traduit par l’arrivée simultanée d’une multitude d’organisations dans le but de sauver des vies et de diminuer la souffrance humaine. Le manque de coordination entre ces intervenants disposant généralement de mandats très différents et la difficulté à venir efficacement en aide aux citoyens les plus affectés reviennent souvent comme principaux obstacles lors de la gestion de crises. De plus, même si celles-ci bénéficient initialement d’une grande attention médiatique, elles sont progressivement reléguées au second plan, incitant au passage la communauté internationale à détourner l’attention vers d’autres priorités. Ce mode d’intervention ponctuelle contribue inévitablement à la situation actuelle de dépendance dans laquelle se trouvent de nombreux pays démunis d’institutions politiques et d’infrastructures robustes.
Mettre fin au dénuement suppose le renforcement des systèmes locaux, l’anticipation des crises et le dépassement du clivage aide humanitaire-développement. – Ban Ki-moon
Mettre fin à cette situation de dépendance requiert que chaque crise soit vue comme une opportunité de renforcer les capacités locales. Dans le cas des crises sanitaires, ceci signifie passer du traitement d’une épidémie prévisible à l’adoption de méthodes robustes d’anticipation de ce type de maladies dans le futur. Toute intervention humanitaire se doit donc d’établir un constat des capacités de réponse existantes des acteurs publics locaux et nationaux. Afin d’obtenir un constat aussi proche que possible de la réalité sur le terrain, la participation des citoyens dans l’estimation des besoins et la définition des priorités se révèle primordiale. Enfin, des mécanismes de retour d’information guidés par des principes de redevabilité et de transparence doivent être établis afin de démontrer aux populations l’efficacité des programmes de formation mis en place.
Afin que de telles mesures soient appliquées, un réel changement de paradigme dans la façon de « faire de l’humanitaire » est obligatoire. Tout d’abord, il faut arrêter de mesurer le succès d’une intervention en fonction du nombre de projets déployés ou du nombre de spécialistes envoyés sur le terrain afin de se focaliser exclusivement sur les résultats obtenus. Il est également nécessaire d’arrêter de créer des structures gérées par des acteurs humanitaires internationaux qui fonctionnent en parallèle des systèmes nationaux et privilégier à la place l’amélioration des structures locales existantes. Enfin, la communauté internationale doit arrêter de penser à ce qu’elle peut faire mais se pencher plutôt sur ce dont les populations locales ont besoin, et baser l’intervention humanitaire uniquement sur ce besoin plutôt que sur son propre mandat.
Crédit photo: Radio France Internationale