Ahmedou Ould Abdallah, ancien ministre des Affaires étrangères de la Mauritanie et ancien représentant spécial du secrétaire général des Nations Unies
Partie VI : « personne ne naît terroriste »
L’équipe de WATHI est allée à la rencontre de Monsieur Ahmedou Ould Abdallah le 17 janvier 2017 lors d’un séjour à Dakar. Cette rencontre a permis d’aborder de nombreux sujets cruciaux pour l’avenir de l’Afrique de l’Ouest et du continent : gouvernance politique en Afrique, questions économiques et place des pays africains dans la mondialisation, situation sécuritaire au Sahel et en Afrique de l’Ouest, crédibilité du discours sur le panafricanisme au regard des problèmes internes des Etats mais aussi questions sociétales et politiques dans son pays, la Mauritanie.
Né le 21 novembre 1940 à Hassi-Abdallah, village de Mauritanie alors sous administration coloniale française. Il effectua ses études secondaires à Dakar au Sénégal. M. Ould-Abdallah est titulaire d’une Licence d’économie et d’une Maîtrise de l’Université de Grenoble. Il est diplômé en sciences politiques de l’Université de la Sorbonne, à Paris. De retour au pays, il occupe un poste de direction dans l’administration. En 1968, il est nommé directeur général de la Société nationale industrielle et minière. De 1972 à 1976, il est ambassadeur de la Mauritanie à Washington DC, aux Etats-Unis.
En 1984, il quitte son poste de ministre des Affaires étrangères de Mauritanie. Il devient fonctionnaire des Nations Unies à partir de 1985 et occupe plusieurs postes dont celui de conseiller sur les questions énergétiques auprès du secrétaire général de l’institution onusienne. En novembre 1993, il est nommé représentant spécial du secrétaire général des Nations Unies au Burundi. En 2002, Kofi Annan le nomme représentant spécial pour l’Afrique de l’Ouest (UNOWA), poste qu’il occupe jusqu’à sa nomination comme représentant spécial et chef du bureau politique des Nations unies pour la Somalie. En 2010, il quitte les Nations Unies après une mission de plusieurs années en Somalie comme représentant spécial des Nations Unies.
Il a également travaillé dans les organisations non gouvernementales. Il a été, de 1996 à 2002, le directeur exécutif de la “Global Coalition for Africa”, un forum intergouvernemental basé à Washington qui intervient sur la thématique des énergies renouvelables (http://bit.ly/2lqQZ6s ). Il est l’auteur notamment de l’essai Burundi on the Brink 1995-98, publié par United States Institute for Peace (USIP) en 2000, inspiré de son expérience de diplomate onusien dans ce pays.
A 77 ans, il continu d’être très actif sur les questions de gouvernance et de sécurité en Afrique. En 2016, il a conduit la mission de supervision de l’élection présidentielle au Gabon pour le compte de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). Il a créé le Centre des stratégies pour la sécurité du Sahel Sahara (Centre 4S, http://www.centre4s.org/ ), un think tank basé à Nouakchott en Mauritanie.
Entretien réalisé par Babacar Ndiaye et Diary Sow, WATHI
«Je pense que, et je le répète souvent: «Personne ne naît terroriste». L’une des principales causes est l’exclusion. Ces groupes sociaux qui sont exclus où ces jeunes qui ont des diplômes et qui voient leurs amis de classe trouver un emploi grâce à leurs relations familiales, ils ne l’acceptent pas. Naturellement, il y a des exceptions. C’est un sujet extrêmement intéressant et passionnant, la question du terrorisme. Quand je réfléchis tout haut, il y a pour moi un aspect «orphelin» concernant les idéologies…
Avec l’effondrement de l’Union soviétique, il n’y a plus d’idéologie. Donc il fallait une idéologie de substitution. Je ne dis pas que l’Islam remplace le communisme. Les gens ont en marre des dirigeants. Que ce soit en Somalie, au Yémen, au Moyen-Orient, ou dans nos pays. Vous travaillez dur et toutes les opportunités qu’on vous donne c’est de vendre dans la rue ou auprès des automobilistes des téléphones et des produits fabriqués en Chine. On ne naît pas terroriste mais il y a une réaction face à l’injustice.
La réponse face au terrorisme dans la plupart de nos pays n’est pas adaptée. Les terroristes ont fait des études de marché contrairement à ce que les gens pensent. Ils ont vu que le Sahel est l’une des régions les plus intéressantes pour opérer parce qu’il suffit de créer des relations de proximité avec les directeurs de douane, avec la deuxième épouse du président et vous êtes couvert. Si vous importez des produits interdits et que vous donnez aux principaux concernés leur part, vous n’avez plus de problème. Vous êtes couvert. Vous pouvez transporter des produits interdits d’un pays à un autre».
Photo : ©WATHI