Moussa Hassan Ousseini
Le progrès économique de l’Afrique subsaharienne doit s’appuyer sur le développement de la science et de la technologie à l’image des pays développés. À l’occasion du sommet de l’Union africaine (UA) à Addis-Abeba en janvier 2007, les chefs d’État ont demandé à tous les pays de l’UA de consacrer au moins 1 % de leur produit intérieur brut (PIB) à la recherche et au développement.
Au Niger, le budget octroyé au domaine de la science et de la technologie est très insuffisant. Par exemple, en 2018, alors que le budget général s’élevait à 2003,8 milliards de francs CFA (soit 3 milliards d’euros), seuls 49,9 milliards de francs CFA (soit 76 millions d’euros) ont été dédiés à l’Enseignement Supérieur et à la Recherche (CurieXplore Fiche Niger, 2022). Ce montant représente seulement 3,79 % du budget global du Niger. Ce chiffre explique le faible niveau de développement de la science et de la technologie au niveau national, mais ce n’est pas le seul facteur comme en témoigne l’environnement de travail des chercheurs.
En effet, ces derniers soulignent l’insuffisance d’équipement en laboratoire et en atelier, le manque de financement et la mauvaise qualité d’internet. C’est pourquoi, la contribution de la science et de la technologie pour le développement du Niger est encore à un niveau embryonnaire. D’ailleurs, beaucoup de pays d’Afrique subsaharienne partagent cette réalité.
Au Niger, le budget octroyé au domaine de la science et de la technologie est très insuffisant
Malgré cette situation qui dénote les conditions précaires de la recherche, les chercheurs subsahariens continuent de produire des résultats dans plusieurs domaines scientifiques tels que l’agronomie, la santé, la géologie et la foresterie. Cependant, il est important de savoir que les sciences et technologies de l’ingénierie et des mathématiques sont faiblement concernées par ces recherches puisqu’elles ne représentent que 29 % des recherches scientifiques d’Afrique subsaharienne (Banque mondiale, 2014). Cela nuit fortement au développement des secteurs du transport, de l’énergie et des industries qui sont des secteurs clés susceptibles de lutter contre la pauvreté et de transformer les économies du continent.
Actuellement, le Niger fait face à un autre défi dans le développement de la science : la jeune génération s’intéresse de moins en moins aux filières scientifiques. Si le domaine scientifique n’est pas massivement investi par les jeunes, plusieurs filières scientifiques risqueraient de disparaître dans un futur proche. Cette réalité n’est pas propre au Niger mais à de nombreux pays d’Afrique subsaharienne. Cela s’explique par une faible qualité de l’enseignement de base en sciences et mathématiques et un enseignement supérieur qui priorise les sciences humaines et sociales.
De plus, le secteur scientifique n’est pas du tout investi de manière égale par les hommes et les femmes. La participation féminine dans le domaine scientifique baisse au fur et à mesure qu’on avance dans le cursus académique. Au Niger (Institut national de statistique, INS 2018), dans le primaire, le ratio de filles est de 84 % alors que dans l’enseignement supérieur, il est de 29 %. Cette variation décroissante de la participation féminine en milieu académique ne permet qu’à très peu de femmes de réaliser des carrières dans la recherche scientifique.
Cette réalité a notamment motivé l’organisation annuelle de la Semaine africaine des sciences (SAS) par le Next Einstein Forum (NEF) avec le soutien de l’Institut africains des sciences mathématiques (AIMS) et de ses partenaires. L’AIMS croit fermement qu’une transformation socio-économique du continent ne peut s’accomplir sans une parité des genres dans les domaines associés aux sciences, aux technologies, à l’ingénierie et aux mathématiques (STIM).
Actuellement, le Niger fait face à un autre défi dans le développement de la science : la jeune génération s’intéresse de moins en moins aux filières scientifiques
Assurer une participation plus importante des femmes dans l’innovation et la recherche est le moyen le plus simple et le plus rapide de répondre aux besoins de développement de nos sociétés. C’est le rôle qu’AIMS continue de jouer en Afrique à travers toutes ses initiatives en intégrant cette dimension afin de promouvoir et développer une présence plus ample de talents féminins dans les STIM en Afrique.
Améliorer la qualité de l’enseignement supérieur en STIM serait aussi bénéfique pour le Niger et l’Afrique subsaharienne. Aujourd’hui, plus de 70 % de la population nigérienne a moins de 25 ans (INS, 2021). Pour que ce pays puisse bénéficier pleinement de cet atout démographique, les jeunes ont besoin d’être formés à l’exigence du marché des technologies de l’information et de l’intelligence artificielle.
La participation féminine dans le domaine scientifique baisse au fur et à mesure qu’on avance dans le cursus académique
Dans ce contexte, il faut une responsabilité et une volonté politique pour que la recherche puisse jouer un rôle dynamique dans l’atteinte des Objectifs de développement durable (ODD) au Niger. L’une des solutions serait la création d’un environnement de recherche scientifique favorable qui exige la disponibilité des laboratoires et ateliers de travail équipés et de financements plus conséquents pour encourager la recherche. Cette volonté a été récemment amorcée par les autorités de Niamey avec l’adoption d’une Politique nationale en science, technologie et innovation (POSTINI) et le Fonds d’appui à la recherche scientifique et à l’innovation technologique (FARSIT).
Crédit photo : agendaniamey.com
Moussa Hassan Ousseini est ambassadeur du Next Einstein Forum (NEF) Niger. Il est enseignant-chercheur à l’Université Dan Dicko Dankoulodo de Maradi au Niger.
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En tant que jeune étudiant et nigérien, je partage à 100% votre analyse Monsieur Dr. En matière du progrès, la question des acquis scientifiques constitue le pilier principal. La rigidité de ce dernier consisterait à la maîtrise des atouts technologiques et innovants par les jeunes afin d’amorcer un meilleur développement.