Carl Manlan
L’Afrique peut financer sa propre transformation. Ce changement doit passer par la création d’emplois. Ainsi le financement du développement doit soutenir la création d’entreprises et d’emplois axés sur les ressources naturelles qui intègrent davantage de travailleurs africains dans l’économie productive. Nous pouvons le faire, ici et maintenant, en mettant à contribution la richesse accumulée dans les banques et en empêchant les flux financiers illicites qui drainent le continent des capitaux dont il a besoin.
Les Africains ont déjà commencé à lever des fonds pour lutter contre des problèmes continentaux qui menacent nos sociétés. À cet égard, j’ai dirigé le Fonds de solidarité Africa Against Ebola, qui a recueilli des fonds pour mener la riposte contre la pandémie d’Ebola en Guinée, au Libéria et en Sierra Leone, en 2014. Les grandes entreprises africaines avaient contribué à plus de 30 millions de dollars US à cette initiative (http://www.africaagainstebola.org/fr/partenaires.php) .
Cette solidarité africaine contre un virus qui a menacé d’étouffer le développement économique de l’Afrique a financé les activités de 850 professionnels de la santé provenant de 20 pays africains. La riposte de l’Afrique face à la crise en Guinée, au Libéria et en Sierra Leone a donné un aperçu des possibilités que peuvent offrir les actions conjointes et coordonnées.
Nous pouvons renforcer des fondations érodées par les inégalités et la pauvreté. La riposte contre Ebola est née de la volonté d’acteurs politiques, économiques et de la société civile d’agir de manière décisive contre une épidémie qui a entraîné la perte de 2,3 milliards de dollars US aux économies de la Guinée, du Libéria et de la Sierra Leone et qui a ralenti la transformation de l’Afrique. Ces efforts déployés par les Africains ont montré que les ressources financières et humaines de l’Afrique étaient disponibles pour contribuer aux efforts de la communauté internationale.
La riposte de l’Afrique face à la crise en Guinée, au Libéria et en Sierra Leone a donné un aperçu des possibilités que peuvent offrir les actions conjointes et coordonnées.
Mais le déploiement à plus grande échelle des efforts nécessite une coordination des politiques au niveau global afin d’arrêter et de réorienter les flux financiers illicites qui drainent l’Afrique de ses richesses sous la forme de sociétés-écrans, de comptes fiduciaires anonymes, de fondations caritatives fictives et d’autres techniques de blanchiment d’argent et de transferts frauduleux.
Le Groupe de haut niveau sur les flux financiers illicites en provenance d’Afrique présidé par l’ancien président sud-africain Thabo Mbeki estime que la fuite des capitaux en Afrique se chiffre à 50 milliards de dollars US par an. Cela a un effet dévastateur sur les recettes fiscales et les finances publiques. La réduction des flux financiers illicites augmenterait les recettes fiscales du continent qui sont aujourd’hui estimées à 520 milliards de dollars US. Les recettes provenant des minéraux combustibles et non combustibles sont estimées quant à elles à 168 milliards de dollars US.
Un autre élément clé est le déblocage d’une partie des 600 milliards de dollars US que les banques centrales africaines ont placés sur les marchés étrangers. Ces réserves financent les déficits étrangers alors que les retours sur investissement sont meilleurs en Afrique et que le profil de risque s’améliore. Les actifs du régime complémentaire des fonds de pension sud-africains et nigérians ont respectivement une valeur de 115 milliards de dollars US et 25 milliards de dollars US.
La fortune cumulée des 50 personnes les plus riches en Afrique est estimée à 100 milliards de dollars US. La diaspora transfèrerait au moins 40 milliards de dollars US par an, tandis que la capitalisation boursière africaine s’élève à 800 milliards de dollars US.
L’Afrique dispose de 1000 milliards de dollars US « dans la banque ». Il faut commencer à les dépenser.
Tout cela constituerait un fonds de plus de 1000 milliards de dollars US potentiellement disponible pour financer la transformation de l’Afrique. Pour investir cet argent dans l’économie tout en faisant en sorte que les règles soient à l’avantage de l’Afrique, il faudrait négocier avec les banques centrales et les détenteurs d’actifs liquides sur la nécessité d’accroître l’investissement dans les communautés.
En Afrique du Sud, les 50 plus grandes entreprises amassent environ 650 millions de dollars US de liquidités. En conséquence, la croissance n’est pas au rendez-vous et les emplois qui pourraient propulser l’économie vers de nouveaux sommets ne sont pas créés. Les entreprises préfèrent détenir des liquidités pour en partie se protéger en cas de baisse de la notation de la dette souveraine de l’Afrique du Sud par l’agence de notation Moody’s qui a déjà averti qu’elle allait revoir sa cote de crédit. Mais ces importantes liquidités doivent se convertir en investissements ciblés, par exemple pour former les travailleurs aux nouvelles compétences nécessaires à l’économie et faire de l’Afrique du Sud la destination de choix pour les investissements.
L’aide appartient au passé. L’Afrique doit mobiliser ses milliardaires, ses contribuables et ses entreprises pour mettre en commun des capitaux suffisants qui peuvent stimuler des investissements ciblés dans ses industries de transformation des ressources naturelles. Cela est possible. Nous avons besoin de trouver le bon équilibre pour être en mesure de générer de la richesse et donner à l’Afrique et à ses générations futures la possibilité de prendre en main leur propre destin. L’Afrique dispose de 1000 milliards de dollars US « dans la banque ». Il faut commencer à les dépenser.
Photo: http://www.africaagainstebola.org/
Carl Manlan est le Secrétaire exécutif sortant du Fonds de solidarité Africa Against Ebola et titulaire de la Bourse d’études New Voices Fellow 2016 de l’Institut Aspen.