Dia Ndiaye
Définie comme l’ensemble des théories et des techniques mises en œuvre en vue de réaliser des machines capables de simuler l’intelligence humaine, l’Intelligence artificielle (IA) occupe une place de plus en plus importante dans le quotidien de nos sociétés. Longtemps confinées aux œuvres de fiction, les applications pratiques de l’IA ont connu une croissance et servent maintenant à trouver le meilleur itinéraire sur la route, à conseiller sur des films qui pourraient plaire ou encore assistent des spécialistes de la santé dans leurs diagnostics.
Il ne s’agit pourtant que de la pointe de l’iceberg du potentiel de l’IA. Il est estimé que les gains de productivité générés par l’introduction de l’IA seront comparables à ceux générés par l’utilisation du moteur à vapeur lors de la première révolution industrielle. Déjà, les géants du Web et des petites et grandes entreprises du secteur technologique déploient sur une base régulière, des systèmes d’IA pour soutenir leur offre de services et générer plus de valeurs.
L’IA poursuit son évolution à un rythme rapide. Elle jouera un rôle essentiel dans notre vie quotidienne et possède un immense potentiel en matière de bien-être économique et social. Si les possibilités modulables de l’intelligence artificielle peuvent être correctement valorisées, celle-ci peut rapidement accélérer la réalisation des Objectifs de développement fixés par l’Organisation des Nations unies, dans l’optique du développement durable et du progrès économique, mais son utilisation soulève aussi de nombreuses questions d’ordre social, économique et éthique.
Nombre de gouvernements et d’organisations tâchent donc de se préparer à l’heure actuelle à une adoption et une utilisation à grande échelle de ces technologies. Les progrès dans le domaine de l’IA sont étroitement liés aux politiques relatives aux données, notamment la protection des données et la législation en matière de respect de la vie privée.
Il est estimé que les gains de productivité générés par l’introduction de l’IA seront comparables à ceux générés par l’utilisation du moteur à vapeur lors de la première révolution industrielle
En outre, l’IA et ses technologies génèrent d’importants défis de compétition internationale et de géopolitique qui doivent être affrontés directement par les États. Et ces derniers ne peuvent profiter de cette potentialité de l’IA que lorsque le cadre est bien défini.
Un besoin vital de recueillir et stocker davantage d’informations
Parmi l’éventail des capacités dont nos gouvernements ont besoin afin de fonctionner efficacement et d’exploiter les résultats du développement, les informations sont essentielles. Sans informations fiables sur la localisation et les activités des agents économiques sur son territoire, un État ne peut pas aisément exercer ses fonctions régaliennes (coercitives, fiscales et administratives). Les données ont même été décrites comme étant l’élément vital de toute prise de décision.
Les gouvernements ont besoin de données pertinentes, précises et granulaires sur leur population afin de mener des politiques efficaces. Les “big data”, l’intelligence artificielle et ses technologies peuvent fournir des sources d’information alternatives et complémentaires pour faciliter l’élaboration de politiques et favoriser le développement social et économique.
Outil d’aide à la décision
Célébrée par certains comme la « plus grande révolution depuis celle de l’électricité », l’intelligence artificielle est en train de transformer l’économie, la santé, l’éducation, l’agriculture, la sécurité, la culture, les services publics… Présente dans les entreprises et dans l’industrie, l’IA et ses technologies se déploient aussi dans les administrations centrales comme auprès des collectivités territoriales.
Les avantages de l’adoption de telles technologies ne sont plus à démontrer : gain de temps, réduction des coûts, reconquête du pouvoir de décision des fonctionnaires, réinvestissement de la responsabilité individuelle au sein d’entités parfois qualifiées de bureaucratiques. Grâce à l’utilisation de l’intelligence artificielle, les organisations internes évoluent.
Paradoxalement, le recours à la technologie permet de remettre l’humain au centre, notamment dans les relations entre les administrations et les administrés, même si la nature des interactions change. L’intégration de l’IA est pensée non pas afin de faire « à la place de », mais pour permettre aux agents de dégager du temps, valorisant les tâches les plus complexes, qui requièrent des niveaux d’échanges forts et font appel à l’intelligence émotionnelle.
Paradoxalement, le recours à la technologie permet de remettre l’humain au centre, notamment dans les relations entre les administrations et les administrés, même si la nature des interactions change.
Dans ce contexte, les secteurs publics peuvent adopter les technologies en lien avec l’intelligence artificielle principalement dans l’éducation, la santé, les transports et la sécurité. Ces politiques publiques intègrent les nouvelles technologies comme moyen de répondre aux exigences quantitatives (plus de données, accès facilité, rapidité et agilité) et qualitatives (meilleure information ciblée, fluidité, portabilité, support disponible et accessibilité à tout moment) croissantes des citoyens.
Des technologies prometteuses pour l’administration publique
La performance d’un grand nombre de techniques d’intelligence artificielle bien connues (reconnaissance manuscrite, faciale, croisement de données, agent conversationnel, etc.) se base sur l’utilisation d’algorithmes basés en machine learning et qui peuvent être parfois complexes à appréhender. Plusieurs techniques reposant sur le « data mining » et le « machine learning » peuvent être largement utilisées par les administrations.
Certaines villes dans le monde ont déjà commencé à utiliser des robots conversationnels nourris à l’IA pour échanger avec leurs habitants. D’autres confient à des algorithmes l’analyse de photos prises par des drones pour vérifier que toutes les constructions détectées sont bien déclarées au cadastre. Grâce à l’IA, il est possible de détecter et d’arrêter les cybers attaques contre les réseaux d’éclairage connectés dans les villes.
L’IA au service de l’emploi permet aussi de faire correspondre l’offre et la demande et d’ajuster les offres de formation aux besoins des métiers en tension. Dans les réseaux d’énergie, les algorithmes d’IA réduisent les consommations, optimisent les processus et anticipent les défaillances, une aide précieuse pour accompagner la transition énergétique des territoires. Dans la cyber sécurité, c’est encore à l’aide d’algorithmes qu’on cherche à détecter les comportements et les « signaux faibles » qui peuvent être précurseurs de cyber attaques.
Les pays du continent africain ne pourront tirer profit de ces technologies émergentes que si leurs régions, leurs départements, leurs communes et leurs préfectures investissent massivement en IA et dans ses algorithmes. Cela nécessite une définition exacte et claire des cas d’usage. Plusieurs possibilités s’offrent aux gouvernants. L’intelligence artificielle peut permettre d’améliorer la gestion de la relation usagers.
Pour cela, il est nécessaire de définir une nouvelle ère pour l’administration publique, qui se préoccupe désormais très officiellement de la relation avec ses usagers et les citoyens. Le déploiement de l’intelligence artificielle doit s’inscrire dans cette démarche, centrée autour du citoyen. Le scope d’intervention de l’administration publique est large, tout comme les potentialités de l’intelligence artificielle pour l’appuyer dans la recherche de l’amélioration de son lien avec les citoyens.
L’IA peut être ainsi utile pour certaines missions de l’administration publique. Elle permet par exemple de cibler les interventions de l’administration et la définition des politiques publiques, favorisant du coup un meilleur ciblage en amont des contrôles, ou à des fins d’organisation des ressources.
Parmi les secteurs d’application multiples et variés, citons celui de la justice, où les données de jurisprudence peuvent être exploitées afin d’extraire des informations structurées qui appuieront les magistrats dans l’objectivation de leurs décisions
On peut avoir recours à l’intelligence artificielle pour extraire et analyser l’information. Dans de nombreux domaines de son exercice, l’administration publique dispose d’un volume important de données archivées au fil des années. Le recours à ces données est parfois nécessaire dans la réalisation de certaines missions et leur processus d’extraction peut se retrouver confronté à une hétérogénéité de supports et/ou formats (manuscrit, numérique, vocal, etc.). L’IA peut s’avérer d’un grand secours dans l’exploitation des données disponibles notamment par le biais de techniques comme le traitement automatique du langage naturel (NLP), la reconnaissance optique de caractères, la reconnaissance des images, des visages, etc.
Parmi les secteurs d’application multiples et variés, citons celui de la justice, où les données de jurisprudence peuvent être exploitées afin d’extraire des informations structurées qui appuieront les magistrats dans l’objectivation de leurs décisions. L’intelligence artificielle s’apparente donc à un outil d’aide à la décision et d’évaluation des politiques publiques.
De nombreux logiciels sont déjà utilisés pour évaluer les politiques publiques. Les algorithmes qui intègrent ces logiciels ont pour but de simuler les comportements des acteurs économiques, mais en tenant compte du fait que la rationalité est limitée dans un monde complexe. Ils permettent de faire varier certains critères pour analyser les résultats produits et peuvent donc être utilisés en tant qu’outil d’aide à la décision.
Crédit photo : Futura Sciences
Dia Ndiaye est diplômé de l’École polytechnique de Paris X, en France. Il y a étudié l’intelligence artificielle appliquée au secteur des télécommunications. Avant d’étudier en France, Dia Ndiaye a obtenu une Licence en Mathématiques à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Il est le cofondateur de l’Institut des algorithmes du Sénégal.