En 2012, le nouveau président élu Macky Sall fit de la lutte contre la corruption son cheval de bataille avec la création d’une structure dédiée à cette mission au Sénégal. L’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (OFNAC) vit le jour avec à sa tête Madame Nafi Ngom Keita de l’Inspection générale d’Etat (IGE). L’ambition avouée de cette nouvelle structure est de contribuer à la mise en place d’une gouvernance vertueuse et sobre prônée par le nouveau pouvoir. La première mission de la nouvelle équipe fut de recevoir la déclaration de patrimoine des autorités étatiques.
Le Sénégal brille encore par sa capacité à mettre en place des institutions qui sur le papier contribuent au renforcement de notre démocratie mais dans la pratique ne répondent pas aux attentes.
Les résistances et les entraves à la bonne exécution de cette mission furent multiples. Certains ministres et responsables de service public avaient refusé de se soumettre à cette exigence légale. Les médias sénégalais avaient fait état de menaces de certaines autorités à l’encontre de la présidente de l’OFNAC. Ce premier signal a montré à suffisance la complexité de la tâche du nouvel organe en charge de la lutte contre la corruption. A ce jour, personne n’est en mesure de dire si toutes les autorités concernées ont effectué leurs déclarations de patrimoine. Le Sénégal brille encore par sa capacité à mettre en place des institutions qui sur le papier contribuent au renforcement de notre démocratie mais dans la pratique ne répondent pas aux attentes.
L’OFNAC n’échappe pas à cette règle. Personne ne peut douter de la motivation et de l’enthousiasme de Nafy Ngom Keita à conduire à bien sa mission. Mais ceux qui l’ont nommée avaient-ils réellement l’intention de faire de l’OFNAC une institution crédible de lutte contre toutes les formes de corruption. La polémique actuelle avec le départ précipité de madame Keita de la tête de l’institution montre la difficulté de venir à bout de la corruption sous nos cieux. La volonté est proclamée partout mais les actions d’envergure qui témoignent d’un sentiment réel de lutte contre la corruption sont peu visibles.
Il est dommage de constater que la presse nationale n’a pas suffisamment exploité les éléments de ce rapport.
Lors de sa passation de service avec la nouvelle présidente, madame Ngom Keita a eu des mots justes. Elle a affirmé que « la difficulté du combat contre la corruption est que les corrupteurs et les corrompus utilisent la force financière obtenue grâce à cette même corruption pour nous combattre ». Cette phrase a particulièrement retenu mon attention. Le premier rapport d’activités (2014-2015) de l’OFNAC a pointé du doigt des faits de corruption dans les secteurs de l’éducation, de la santé, des impôts, de l’emploi, des collectivités locales, des transports terrestres et des marchés publics (http://bit.ly/2cAXpwk , http://bit.ly/293peeR ).
Il est dommage de constater que la presse nationale n’a pas suffisamment exploité les éléments de ce rapport. Elle tombe toujours dans le piège de l’actualité dictée par le pouvoir. Et si le départ de madame Ngom Keita était une diversion pour « noyer » le rapport et détourner l’opinion des éléments constitutifs de ce document ? La gestion des résultats du rapport par les autorités et le sort réservé à sa présidente concourent à décrédibiliser l’OFNAC. Il ressort de cet épisode que les manquements identifiés dans l’administration sénégalaise et les faits présumés de corruption relevés par l’OFNAC ne semblent pas être la préoccupation première des autorités.
Les organisations de la société civile doivent effectuer un travail de sensibilisation auprès des populations sur la mission de l’OFNAC et sur les résultats des rapports de l’institution.
Lutter contre la corruption semble se réduire à un slogan au moment où des sanctions étaient attendues contre les personnes qui ont été épinglées dans le rapport. Quelle attitude doit avoir le citoyen face à cette situation et quel regard porter aujourd’hui sur l’OFNAC ? Son utilité est clairement remise en cause car la décision de mettre fin aux fonctions de l’ex-présidente avant son terme interpelle sur la volonté réelle de lutter contre la corruption.
Asseoir la crédibilité de l’institution et de son rapport annuel est le premier pas significatif dans cette lutte contre la corruption sinon elle sera un organe budgétivore de plus au Sénégal. Les organisations de la société civile doivent effectuer un travail de sensibilisation auprès des populations sur la mission de l’OFNAC et sur les résultats des rapports de l’institution. Cette mobilisation citoyenne autour de la question de la corruption est indispensable pour pousser les gouvernants à prendre les mesures adéquates lors de la publication des rapports annuels de l’OFNAC.
Photo: OFNAC
Babacar Ndiaye est diplômé en sciences politiques et relations internationales de l’Université d’Auvergne Clermont 1 (France). Il est spécialiste des questions de sécurité et de gouvernance en Afrique de l’Ouest.