Sénégal : référendum du 20 mars, ni séisme politique ni jubilation
Charles Sanches
Le séisme politique tant attendu avec ce référendum sur quinze points de réforme constitutionnelle ne sera finalement pas arrivé. Les Sénégalais, une fois de plus, ont déjoué tous les pronostics, préférant renvoyer dos à dos opposition et pouvoir. Le « oui » gagne d’une courte tête, certes. Mais pour une consultation référendaire engagée comme un plébiscite, ce résultat est un revers pour le président et ses alliés. La retenue de la majorité après les annonces des premières tendances prouve qu’elle a conscience qu’il s’agit d’une victoire en demi-teinte.
Du côté de l’opposition, les dégâts sont circonscrits même si le probable grand challenger du candidat Macky Sall en 2019, l’actuel maire de Dakar Khalifa Sall y laisse quelques plumes. Les prochaines semaines vont permettre de savoir s’il traversera une zone de turbulences à l’intérieur de son parti, le Parti socialiste.
Victoire de l’équilibre
Au final, c’est le peuple sénégalais qui gagne. D’abord, les résultats confirment une volonté de stabilité institutionnelle de sa part tout en avertissant le président qu’il l’a à l’œil. Il est attendu au tournant.
Le président saura-t-il décrypter les messages que lui ont envoyés les électeurs ? Tous les électeurs, les abstentionnistes compris. Le pilotage partisan du référendum, principal grief d’une partie de la société civile et les excès guerriers du chef de parti qu’il est aussi, expliquent en partie le désenchantement des populations.
Le mensonge et les amalgames de l’opposition et d’une partie de la société civile savamment entretenus et distillés, le parti pris de certains médias privés qui ont voté « oui », la rupture d’équilibre du média principal d’Etat, la télévision nationale, qui s’est engagée dans une propagande éhontée en faveur du « oui » ainsi que les accusations récurrentes d’achat de conscience auront affecté la sincérité du scrutin dans un pays dont on a une certaine habitude à vanter l’exemplarité démocratique.
La pratique du compromis
Les conseillers du Président Sall se frotteront les mains sans grand entrain. La réforme constitutionnelle passe mais elle est sans saveur, sans punch. Elle laissera un espace politique plus que jamais fragmenté. Au Président Sall d’en tirer toutes les conséquences idoines dont la première est d’engager un dialogue avec l’opposition. C’est plus dans son intérêt et dans celui du peuple sénégalais que de l’opposition. Francine Noël, prolixe romancière canadienne écrivait dans Myriam première : «La politique c’est la pratique du compromis».
Charles Sanches est spécialiste des droits de l’homme et du genre. Blogueur connu, il est le fondateur de Génération Blog, une organisation indépendante qui promeut les valeurs de partage et d’éthique à l’ère du numérique.