Auteur : Volosov Sarah
Organisation affiliée : ResearchGate
Type de publication : Note de synthèse
Date de publication : Mai 2017
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«Si les médias s’émeuvent qu’un enfant africain sur trois n’achève pas l’école primaire, rares sont ceux qui s’intéressent au fait que plus de trois enfants sur quatre n’ont pas accès au courant». Avec une capacité de 68 gigawatts, les Etats d’Afrique sub-saharienne (ASS) produisent à peine autant d’électricité que l’Espagne pour plus de 20 fois le nombre d’habitants.2 En outre, un quart du parc de ce potentiel est indisponible, notamment du fait de la vétusté des installations. L’économie des pays d’ASS est ainsi fortement freinée par la quantité et la qualité de l’électricité disponible, de sorte que l’accès universel à une énergie propre et abordable apparaît comme un des enjeux majeurs du développement.
Les énergies renouvelables (EnR) apparaissent comme un moyen de répondre à la double problématique d’une production suffisante et équitable d’énergie pour la population. Contrairement aux énergies fossiles, les ressources d’EnR sont relativement bien distribuées sur le territoire d’ASS, nécessitant ainsi un investissement bien moindre dans le déploiement d’un réseau de transport et de distribution.
En outre, les énergies renouvelables permettent la construction d’infrastructures de tailles et capacités variées permettant non seulement de s’adapter à la demande mais aussi à la capacité de financement des acteurs concernés. Enfin, le potentiel des EnR, et notamment hydroélectrique, suffirait à alimenter la totalité du continent en énergie.
S’il existe de grandes diversités dans la situation énergétique des pays d’ASS, on retrouve des problématiques communes telles que l’inégal accès à l’électricité (80% de la population ayant accès au réseau se situent en milieu urbain) et l’incapacité à mobiliser des financements suffisants. L’investissement nécessaire pour atteindre l’accès universel à l’électricité est estimé à 47,6 milliards de dollars par an pendant dix ans, contre 11 milliards actuellement. Ainsi, le recours à des investissements privés et des opérateurs indépendants semble être l’unique solution pour accroître rapidement la capacité de production de la région.
Le développement d’un climat d’investissement attractif
Le développement d’un marché attractif
Depuis les années 1990, les bailleurs de fonds internationaux ont fortement incité les États d’ASS à libéraliser leur secteur de l’électricité, c’est-à-dire à supprimer les monopoles légaux pour permettre l’introduction de la concurrence, voire à le privatiser. C’est notamment le cas au Nigeria où « les onze sociétés de distribution et les six sociétés de production ont été privatisé ». L’attraction des producteurs d’énergie indépendants est ainsi devenue l’une des priorités dans la mise en œuvre des réformes du secteur et ce, au niveau de la production, du transport et de la distribution.
Contrairement aux énergies fossiles, les ressources d’EnR sont relativement bien distribuées sur le territoire d’ASS, nécessitant ainsi un investissement bien moindre dans le déploiement d’un réseau de transport et de distribution
Toutefois, vingt-cinq ans après, peu de pays sont parvenus à développer un marché compétitif, les réformes ayant abouti à l’émergence de marchés hybrides composés de producteurs et distributeurs publics et privés. En outre, les entreprises publiques d’électricité continuent souvent à fixer des prix en deçà des coûts de production pour permettre aux consommateurs au faible pouvoir d’achat de continuer à bénéficier du réseau, freinant les investissements privés.
Pour développer un climat d’investissement cohérent et attractif, il apparaît nécessaire d’une part de facturer un tarif permettant le recouvrement des coûts et d’autre part de repenser le marché de l’énergie sous le prisme de la décentralisation et des EnR. Traditionnellement, le développement du secteur de l’énergie se traduit par l’extension du réseau, alors que les lignes de transport sont très onéreuses et souvent peu performantes avec des pertes pouvant aller de 20% au Sénégal à 55% au Botswana.
La décentralisation de la production d’énergie par l’installation de mini-réseaux dans les villages trop éloignés du réseau et le développement de systèmes individuels, tels que les kits solaires, dans les zones peu peuplées avec une demande potentielle faible, permettrait à la population rurale d’avoir un meilleur accès à l’électricité à moindre coût.
Ces mesures doivent être présentées comme des solutions de long terme et non comme de simples mesures transitoires. En effet, les EnR utilisées en réseau isolé sont souvent plus compétitives que les énergies fossiles. Pour encourager les investissements privés, les Etats doivent communiquer sur leurs potentiels d’EnR et sur la structure de la demande d’énergie, notamment par le biais de cartographies.
La nécessité de sécuriser les investissements privés
L’investissement en ASS est souvent considéré comme risqué par les investisseurs. Le développement d’une réglementation claire et protectrice des investissements apparaît comme nécessaire pour attirer des opérateurs privés.
Ceci passe notamment par le développement de garanties étatiques telles que l’octroi, au profit des opérateurs privés, de lettres de confort, d’assurances contre le risque politique ou de garanties contre l’expropriation et la nationalisation. En effet, les opérateurs refuseront de commencer les travaux sans ces garanties, tel que l’illustre le blocage constaté au niveau de la centrale hydroélectrique de Mbimbi Mayi Munene en RDC.
Par ailleurs, la mise en place de garanties financières créera un climat plus favorable aux investissements. Ainsi, la Côte d’Ivoire a sécurisé le paiement des factures des opérateurs indépendants par un décret qui régit l’affectation des ressources du secteur de l’électricité.
Toutefois, la signature de ces contrats nécessite une certaine capacité financière dont ne disposent pas tous les États et pose un risque d’augmentation du prix de l’électricité pour le consommateur final en cas de dépréciation de la monnaie locale. Enfin, les États ont intérêt à permettre aux industriels, gros consommateurs d’électricité (et notamment les industries extractives), de contracter des conventions d’achat d’électricité avec les producteurs indépendants, voire à investir directement dans des centrales électriques en échange, par exemple, d’une réduction des tarifs sur le long terme.
La clarification des procédures de passation des marchés est également nécessaire pour réduire les barrières à l’entrée. Toutes les informations concernant les procédures doivent être facilement disponibles, avec, par exemple, l’établissement d’un site Internet (Tanzanie), et l’obtention des autorisations annexes, telles que les autorisations environnementales, doit être simplifiée. Bien que contraire à la concurrence, la procédure de gré à gré devra être utilisée dans les pays qui attirent peu d’opérateurs privés, dont les capacités institutionnelles sont insuffisantes pour passer des appels d’offres internationaux ou dont le potentiel disponible n’est pas déterminé.
Favoriser une fourniture équitable en énergie: l’accès à l’électricité pour les populations à faible pouvoir d’achat
Une régulation qui répond aux besoins de la population
Si les opérateurs indépendants permettent d’augmenter la production d’électricité en ASS, rien ne garantit que celle-ci soit équitablement distribuée. Ainsi, la Côte d’Ivoire se positionne comme un pays exportateur net d’électricité alors que seuls 74% de sa population y a accès. C’est pourquoi, les États ont mis en place un (ou plusieurs) régulateur(s) afin d’encadrer l’activité des opérateurs et notamment de s’assurer de la cohérence de l’allocation des marchés et d’une couverture équitable en électricité du territoire. Pourtant, cette régulation est aujourd’hui souvent défaillante. Pour être efficace, la régulation doit être adaptée aux différents projets. Ainsi, pour favoriser leur développement, l’État peut dispenser les opérateurs de mini-réseaux ou de systèmes indépendants d’autorisation ou prévoir des procédures simplifiées.
La passation des marchés publics est également un outil de régulation important. A travers des critères sociaux et environnementaux, le pouvoir adjudicateur peut contraindre les investisseurs privés à s’attaquer au déficit énergétique. Ainsi, pour toutes ses concessions, le Sénégal impose aux candidats de proposer un plan d’électrification locale.
D’autre part, les États disposant d’un marché suffisamment mature peuvent préférer passer des contrats de fourniture d’électricité car, contrairement aux concessions, ils permettent de mettre les candidats en compétition non seulement sur les prix, mais aussi sur la technologie et les sites de production.
Si les opérateurs indépendants permettent d’augmenter la production d’électricité en ASS, rien ne garantit que celle-ci soit équitablement distribuée
Le développement de mesures concrètes en faveur de la population
Un des enjeux majeurs de la réduction du déficit énergétique, au-delà des coûts de raccordement au réseau généralement trop élevés, est la fixation d’un prix de vente de l’électricité adapté au pouvoir d’achat de la population. Il n’existe pas de politique tarifaire parfaite et les États ont développé divers mécanismes: le plafonnement des tarifs ou de la marge bénéficiaire (Nigéria), l’établissement d’une grille tarifaire dégressive ou la mise en place de subventions aussi bien sous la forme d’aide à la consommation d’énergie (Afrique du Sud) que de soutien aux EnR (Kenya).
Enfin, des acteurs publics comme privés ont essayé de développer des modes de paiement adaptés aux besoins de la population à faible pouvoir d’achat. C’est ainsi que l’Afrique du Sud a mis en place un système de compteurs prépayés qui permet aux foyers connectés au réseau de payer au fur et à mesure de leur besoin de consommation.
D’autre part, de nombreuses entreprises développent des kits solaires rechargeables à l’unité sans engagement de consommation minimum (Kenya, Tanzanie). Enfin, soutenu par les bailleurs de fonds internationaux, le Ghana a élaboré une solution d’octroi de micro-crédit pour financer l’acquisition de panneau solaire. Cette démarche est intéressante car elle pourrait également permettre le financement de la connexion des foyers les plus pauvres au réseau.
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