Auteur (s) : Banque Africaine de Développement (BAD)
Type de publication : Rapport d’étude
Date de publication : 2015
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La menace climatique et la chance pour l’Afrique
Un accord fort lors de la conférence des Nations Unies sur le changement climatique (COP21) est particulièrement vital pour l’Afrique, car le continent fait face à des risques climatiques aigus. Sept Africains sur dix dépendent pour leur survie de l’agriculture, secteur économique le plus vulnérable et le plus exposé aux impacts du climat : plus de 90 % de l’agriculture africaine repose sur les précipitations. Les hauts niveaux de pauvreté générale signalent que des millions de personnes sont déjà aux marges de la survie ; pour ces populations, même de petits changements peuvent avoir des effets dévastateurs.
Les dommages qui en découleront sur le développement des communautés, des pays et de la région dans son ensemble pourraient annihiler les progrès durement gagnés par l’Afrique.
L’incertitude est un critère de base dans le changement climatique, spécialement en Afrique où l’on pâtit de grandes lacunes dans les données d’observation du climat. Cependant, la mise en place de mesures de gestion des risques ne doit pas être retardée. Le changement climatique ébranle déjà les succès de développement de l’Afrique.
Le changement climatique s’accompagne d’opportunités
Le besoin de répondre au changement climatique présente également une chance pour stimuler la transformation économique dont l’Afrique a besoin : un développement qui résiste au climat, à faible émission de carbone, qui stimule la croissance, comble le déficit énergétique et réduit la pauvreté. Le changement climatique souligne l’urgence d’adopter des politiques saines, génératrices de croissance indépendamment de la menace climatique.
La croissance qui soutient la réduction de la pauvreté, la protection de l’environnement, l’efficacité des ressources et la croissance économique dans l’intégration parfois appelée croissance verte est une opportunité intéressante pour les pays africains.
La transition vers la croissance verte protège les moyens de subsistance ; améliore l’eau, l’énergie et la sécurité alimentaire ; promeut l’usage durable des ressources naturelles ; et stimule l’innovation, la création d’emplois et le développement économique.
L’opportunité pour l’énergie : le bouquet énergétique durable
Les pays africains doivent d’urgence augmenter la production électrique dans de vastes proportions pour atteindre l’accès universel à l’énergie mais ils ont la possibilité de le faire grâce à une combinaison appropriée d’énergies qui permettra à l’Afrique d’éclairer et d’alimenter ses villes, ses zones rurales et ses économies.
L’Afrique dispose d’un gigantesque potentiel en énergies renouvelables : hydraulique, solaire, éolienne et géothermale. La capacité de génération solaire pourrait atteindre plus de 10 000 GW ; la capacité éolienne, 109 GW ; la capacité hydraulique, 350 GW ; et la capacité géothermale environ 15 GW. L’Afrique doit libérer au maximum son potentiel d’énergies renouvelables.
Traiter les inefficacités fondamentales des systèmes énergétiques africains créera également des opportunités d’investissements. Il n’est pas acceptable que les populations africaines les plus pauvres payent l’électricité à un prix parmi les plus élevés du monde. Remédier à cela présente une opportunité d’investissement considérable. Des millions d’Africains privés d’énergie, non reliés au réseau, qui gagnent moins de 2,50 dollars américains par jour, représentent déjà un marché énergétique de plus de 10 milliards de dollars par an.
L’opportunité agricole : un cercle vertueux
L’agriculture assure la subsistance de plus de 70 % des populations africaines, aussi l’investissement dans l’agriculture revêt une importance fondamentale. À l’échelle mondiale, l’Afrique possède la plus grande quantité de terre arable non exploitée, équivalente à 25 % de la terre fertile mondiale. Alors que le changement climatique reste une menace majeure pour ce secteur, il offre également des opportunités. Avec des pratiques agricoles intelligentes face au climat, la production agricole annuelle africaine pourrait passer de 280 milliards de dollars américains à 880 milliards d’ici à 2030. Cela ouvre à l’Afrique la perspective de se nourrir et de créer des emplois.
L’opportunité urbaine : prendre la route de l’intelligence
Les cités croissent comme jamais, tout particulièrement dans le monde en développement. D’ici à 2030, 60 % de la population mondiale vivra dans des villes. Les villes sont les moteurs de la croissance économique ; elles produiront environ 85 % du PIB mondial en 2015, ainsi que de 71 à 76 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) du monde liées à l’énergie.
Des millions d’Africains privés d’énergie, non reliés au réseau, qui gagnent moins de 2,50 dollars américains par jour, représentent déjà un marché énergétique de plus de 10 milliards de dollars par an
Avec leurs populations denses, leur concentration d’infrastructures et leurs vastes surfaces bitumées, les villes sont également particulièrement vulnérables aux inondations, aux tempêtes brutales et aux autres impacts climatiques, spécialement près des côtes et sur les rivières. Les investissements en infrastructures qui seront réalisés dans les villes dans les quelques prochaines années devront être à la fois à faible émission de carbone et résistantes au climat.
Augmenter l’accès de l’Afrique aux financements pour l’adaptation
Le manque de financement est une contrainte de poids à l’exploitation des opportunités climatiques en Afrique. Le Programme des Nations Unies pour l’environnement a avancé que les coûts moyens annuels de l’adaptation au changement climatique inévitable en Afrique atteindront 7 à 15 milliards de dollars des États-Unis d’ici à 2020. Et ils seront portés à 15–18 milliards pour la décennie suivante si le monde reste sur la trajectoire qui conduit à un réchauffement climatique moyen de 3,4 °C à 4 °C.
Si l’on s’en tient à un chiffre moyen, 11 milliards de dollars seront nécessaires d’ici à 2020. Jusqu’à présent, le financement de l’adaptation pour l’Afrique, tant bilatéral que multilatéral, se monte à 516 millions de dollars par an en moyenne, en provenance de fonds mondiaux pour le climat. En outre, l’accent mis sur les projets détourne les ressources des gouvernements receveurs loin des réponses systémiques nécessaires pour étayer des approches à l’adaptation générant de vrais changements.
COP21 : Conclure un accord qui réponde aux besoins de l’Afrique
La COP21 offre aux gouvernements africains l’opportunité de prendre la tête du mouvement sur le climat, en construisant un avenir résilient au climat et à faible émission de carbone, tout en contribuant aux efforts mondiaux d’atténuation. En parlant d’une seule voix, l’Afrique peut faire partie de la solution et jouer un rôle clé dans la conception, l’adoption et la mise en œuvre du nouvel accord sur le changement climatique. Il est capital pour l’Afrique que la COP21 aboutisse aux engagements nécessaires pour limiter le réchauffement mondial moyen à 1,5 °C, et sécurise le soutien requis pour permettre une transition à basse émission de carbone à la vitesse et à l’échelle nécessaires.
L’Afrique a besoin de financement climatique supplémentaire pour l’atténuation et l’adaptation
L’Afrique, et tout spécialement l’Afrique subsaharienne, a reçu très peu de financements climatiques. De faibles financements ont été procurés par des structures fragmentées et excessivement bureaucratiques qui combinent de forts coûts de transaction avec un impact faible. La majorité du financement a été affectée à des projets de petite taille plutôt qu’à des programmes nationaux.
Le Programme des Nations Unies pour l’environnement a avancé que les coûts moyens annuels de l’adaptation au changement climatique inévitable en Afrique atteindront 7 à 15 milliards de dollars des États-Unis d’ici à 2020
L’aide bilatérale est dominante dans le financement climatique pour l’Afrique. Elle a été très concentrée sur un petit nombre de pays, avec des projets au Kenya, au Malawi, en Afrique du Sud et en Tanzanie, qui absorbent 70 % du financement d’atténuation. Le financement multilatéral de l’adaptation est fragmenté et de ce fait inefficace. En 2013, 291 millions de dollars des États-Unis ont été approuvés pour des projets en Afrique subsaharienne à travers huit fonds d’adaptation différents. Chaque fonds dispose d’une série spécifique d’institutions, de règlements et d’exigences de reporting.
Les pays développés doivent tenir leur engagement de fournir 100 millions de dollars par an d’ici à 2020 pour soutenir les actions sur le climat dans les pays en développement. Ces ressources devraient être apportées d’une façon mesurable, soumise à rapport et vérifiable, selon des voies clairement identifiables pour la tenue de l’engagement.
Les pays africains montrent déjà la voie
Certains pays africains sont aux avant-postes mondiaux pour le développement à faible émission de carbone et résistant au climat. Ils stimulent la croissance économique, élargissent les opportunités et réduisent la pauvreté, en particulier via l’agriculture.
La stratégie d’économie verte et résiliente au climat de l’Éthiopie vise à faire atteindre au pays le statut de pays à revenu moyen d’ici à 2025 tout en développant une économie verte.
Le plan de résilience climatique à faible émission de carbone du Kenya est parfaitement intégré dans le plan national de développement, Kenya Vision 2030.
L’approche de croissance verte résiliente au climat du Rwanda combine la création de richesse durable et la réduction de la pauvreté, grâce à une gestion durable des ressources naturelles et à une croissance économique résiliente au climat et verte.
Recommandations et perspectives
- Pour les gouvernants africains
– Faire la preuve de leur leadership dans la gouvernance du changement climatique. Les gouvernements africains doivent parler d’une seule voix à la COP21 et s’assurer que le nouvel accord mondial sur le climat réponde aux besoins spécifiques de l’Afrique.
– Créer des environnements favorables à l’investissement privé. Les gouvernements doivent offrir un environnement réglementaire et économique qui encourage le secteur privé à investir dans des projets verts.
– Diversifier les sources de financement. Les gouvernements africains doivent exploiter au maximum les opportunités d’obtenir des financements de la part d’une vaste gamme de sources, dont des donneurs émergents comme le Brésil, la Chine, l’Inde et l’Arabie saoudite.
- Pour la communauté internationale
– Afficher un haut niveau d’ambition pour la COP21 et pour la suite. Pour assumer leur responsabilité historique d’aide aux pays en développement, dont les pays africains, à faire face à leurs défis relatifs au changement climatique, les pays développés doivent réduire leurs émissions et fournir des ressources financières.
– Soutenir une architecture cohérente pour la finance climatique : cesser la fragmentation. La communauté internationale doit soutenir un processus plus simple qui crée la parité entre l’adaptation et l’atténuation, établisse un équilibre régional dans les allocations et donne la parole aux pays développés, en particulier aux plus vulnérables. Le Fonds vert pour le climat incarne certains de ces critères mais il doit être mieux financé pour pouvoir atteindre ses objectifs.
– Soutenir les initiatives africaines de transition vers la croissance verte. Pour garantir que l’Afrique ne devienne pas dans les années à venir le plus grand émetteur de gaz à effet de serre, les pays développés doivent soutenir deux initiatives africaines visant à contenir l’augmentation de la température mondiale moyenne en dessous de 1,5 °C : l’Initiative africaine pour l’énergie renouvelable et l’Initiative africaine pour l’adaptation et les pertes et dommages.
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