Kabinet Fofana
Après Ibrahim Boubacar Keïta et Alpha Condé, Roch Marc Christian Kaboré a été destitué, lui aussi, ce lundi 24 janvier 2022 soit cinq mois après l’assaut de Sèkhoutoureya – du nom du palais présidentiel guinéen. Quelques coups de kalashnikov et d’armes automatiques ont suffi pour congédier un président élu quoique décrié, ces derniers temps, dans sa politique de défense. Pour la septième fois, les hommes en treillis ont encore ouvert une période de transition au Faso.
On avait naïvement pensé que nous n’allons plus revoir des militaires contraindre des présidents – élus par le truchement d’élections formelles, à démissionner et d’annoncer furtivement sur les antennes des radios et télévisions la dissolution de la constitution et du gouvernement. Hélas, nous ne sommes pas, à l’évidence, sortis définitivement de la gueule des coups de force qui remontent aux années 70.
Oscillants entre restauration de la sécurité, rassemblement pour le salut du peuple ou encore développement et démocratie, les militaires qui sont arrivés au pouvoir au Mali, en Guinée, au Tchad – dans une moindre mesure – et depuis lundi au Burkina, ne sont pas si différents de leurs aînés putschistes du point de vue rhétorique. Ils se nomment Comité national du rassemblement et du développement (CNRD), Comité national pour le salut du peuple (CNSP), Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR).
Si les réformes constitutionnelles opportunistes sont aussi des formes dégradantes de conservation du pouvoir politique, et que par ricochet les coups de force militaires apparaissent comme réparateurs, il en est de même de l’usage des kalashnikov pour faire dégager un président élu démocratiquement parce qu’il n’a pas tenu ses promesses de campagne
On comprend aisément qu’ils n’ont fait qu’exhumer ces vieux discours d’antan. S’ils savent opérer au gré d’un contexte idéal, suscitant ainsi liesses populaires bombardées sur les chaines de télévisions nationales, rien n’a en réalité changé du mode opératoire. Sinon qu’à part l’ancien président tchadien Idriss Deby tué officiellement dans une campagne, les nouveaux « militaires-politiciens » prennent soin d’épargner la vie du président déchu. D’ailleurs, ils se vantent d’avoir opéré le coup de force « sans effusion de sang ».
La montée des militaires-politiciens, une menace pour la CEDEAO
Plus généralement, la CEDEAO constitue le véritable contrepoids aux juntes guinéenne et malienne. Dans un contexte marqué par une remise en cause systématique du personnel politique déterminée par une opération de drague orchestrée par les militaires-politiciens et la défiance à laquelle est confrontée l’organisation ouest-africaine de la part du CNSP et du CNRD, le Burkina n’est plus dirigé par Kaboré.
C’est maintenant le MPSR qui décide des engagements du Burkina au sein de l’organisation. On sait déjà ce que sera la trame de la position des nouvelles autorités. En une année et demi donc, la partie ouest-africaine du continent qui était jusque-là présentée comme la plus stable, est désormais plus que sous tension avec le risque d’une contagion de coups d’Etat.
Si les réformes constitutionnelles opportunistes sont aussi des formes dégradantes de conservation du pouvoir politique, et que par ricochet les coups de force militaires apparaissent comme réparateurs, il en est de même de l’usage des kalashnikov pour faire dégager un président élu démocratiquement parce qu’il n’a pas tenu ses promesses de campagne. En ce sens qu’il appartenait aux Burkinabè de sanctionner Kaboré dans les urnes en raison de sa difficulté à juguler le djihadisme. C’est aussi cela l’incongruité de la démocratie. Il faut faire avec !
Crédit photo : Alwihda
Kabinet Fofana est un politologue. Il intervient comme analyste politique sur la chaine panafricaine Africa 24 et dans les médias guinéens. Il dirige l’Association guinéenne de sciences politiques, un think tank de droit guinéen spécialisé dans les études politiques notamment les sondages d’opinion.