L’état actuel de l’avortement médicalisé au Sénégal De manière générale, je peux dire qu’on est en train de poser des pas parce que nous avons beaucoup de politiques, de programmes, de lois et de règlements en faveur des femmes. Mais, il faut reconnaître aussi qu’il reste beaucoup de choses à faire, surtout en ce qui concerne l’avortement médicalisé. Le Sénégal a ratifié pratiquement toutes les conventions, tous les protocoles qui consacrent ce droit à l’avortement. Mais sur le plan interne, l’application fait défaut, donc le principe de l’interdiction demeure avec le Code pénal et il y a beaucoup d’autres lois et règlements qui interdisent l’avortement, contrairement aux engagements internationaux que le Sénégal a eu à prendre. On est en train de faire le plaidoyer, nous avançons, mais il faut dire que nous n’avons pas encore atteint l’objectif. L’objectif, c’est l’autorisation de l’avortement en cas de viol, d’inceste et quand la santé de la mère est menacée, conformément à l’article 14 du Protocole de Maputo. L’objectif, c’est l’autorisation de l’avortement en cas de viol, d’inceste et quand la santé de la mère est menacée, conformément à l’article 14 du Protocole de Maputo Je dirai également que l’environnement socioculturel n’est pas toujours favorable. Il y a aussi l’obstacle religieux qui est présent. Beaucoup de religieux s’opposent à cette autorisation de l’avortement parce qu’ils pensent que nous sommes en train de mener un combat contre l’islam, alors que c’est tout à fait le contraire. C’est un droit et un combat pour le respect des droits humains en général, mais c’est également un combat pour le respect d’un droit humain fondamental de la femme. Mais souvent, ils ne le comprennent pas de cette façon et s’y opposent. Il y a souvent une certaine déformation du message que nous sommes en train de véhiculer. L’avortement médicalisé : enjeu de santé publique et de droit C’est non seulement un enjeu de santé publique, mais un enjeu de droit parce que le droit à l’avortement fait partie des droits les plus élémentaires de la femme, le droit de contrôler son corps, le droit de disposer de son corps. Je pense que beaucoup de défis doivent être relevés par rapport à cette autorisation de l’avortement. C’est un enjeu de santé publique avec les dernières statistiques que nous avons eues. L’avortement est interdit, mais 51 500 avortements provoqués se sont passés au Sénégal avec des complications chez 17 600 femmes qui ont eu des avortements non sécurisés et qui en sont sorties avec des complications, des hémorragies, des handicaps à vie, ou la mort tout simplement. Je pense qu’on gagnerait mieux à autoriser l’avortement non seulement pour le respect d’un droit fondamental de la femme, mais aussi pour sauver ces femmes qui sont en prison. La dernière étude qu’on a eu à faire, il y a 16 % des femmes qui sont incarcérées pour infanticide, 3 % pour avortement. C’est 19 % de la population féminine qui est incarcérée pour avortement clandestin, pour infanticide, 51 500 avortements provoqués Si vous faites le cumul, c’est 19 % de la population féminine qui est incarcérée pour avortement clandestin, pour infanticide, 51 500 avortements provoqués c’est-à-dire des avortements clandestins, mais qui, souvent, ne se passent pas dans des conditions sécurisées.
A l’État, je lui dirai tout simplement de respecter ses engagements parce que nous sommes dans un état de droit. L’État doit respecter les engagements internationaux pris, quand on regarde l’article 98 de la Constitution, toutes les conventions, tous les traités dûment ratifiés ont une obligation et une valeur supérieure sur la loi nationale, ce qui veut dire que l’État a l’obligation d’harmoniser. Donc, nous demandons à l’État d’harmoniser sa législation interne avec l’article 14 du protocole qu’il a signé et ratifié. Pour la société civile, je leur dirai de porter ce combat comme ils ont eu à le faire avec la loi criminalisant le viol parce que c’est une continuité. Je pense que le droit à l’avortement est une continuité à cette loi criminalisant le viol. Quand on est militant des droits des femmes, je ne pense pas qu’on doit porter des combats sélectifs. On doit porter tous les combats qui font avancer les femmes et qui font l’effectivité des droits des femmes. Nous demandons à l’État d’harmoniser sa législation interne avec l’article 14 du protocole de Maputo qu’il a signé et ratifié Aux agents communautaires, il faut qu’ils sachent que ce n’est pas un combat du comité de plaidoyer, ni un combat des parlementaires, ni un combat de l’État, mais c’est un combat de toute une communauté, c’est un combat pour le bien-être des femmes et des filles victimes de viol et d’inceste.