Auteur : Le Grand Continent
Type de publication : Article
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Alors qu’environ 10 000 personnes étaient enregistrées comme positives au coronavirus en Afrique au 7 avril, l’épidémie a déjà eu des impacts énormes. Les conséquences pour les migrants, les réfugiés, les apatrides et tous les citoyens en déplacement ont été et continueront d’être particulièrement graves. La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), la plus grande zone de libre circulation de l’Afrique (15 pays), est un exemple de la vulnérabilité des migrants, quelles que soient les conditions dans lesquelles ils se trouvent.
Les conséquences pour les migrants, les réfugiés, les apatrides et tous les citoyens en déplacement ont été et continueront d’être particulièrement graves. La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), la plus grande zone de libre circulation de l’Afrique (15 pays), est un exemple de la vulnérabilité des migrants, quelles que soient les conditions dans lesquelles ils se trouvent, tant aux risques pour la santé publique qu’aux mesures adoptées pour y faire face.
Mouvements de masse, envois de fonds et blocages
Les restrictions de circulation, les fermetures de frontières et les couvre-feux imposés dans toute la CEDEAO à partir de la mi-mars ont affecté des millions de personnes en déplacement, des camps de réfugiés surpeuplés dans les zones arides du Mali, du Burkina Faso, du Niger et du bassin du lac Tchad, en proie à des conflits, aux réseaux de trafics volatiles et ramifiés, des réfugiés urbains dans des mégapoles comme Lagos et Accra aux millions de travailleurs ruraux saisonniers dans des maisons d’hôtes en Côte d’Ivoire ou au Burkina Faso.
Les restrictions aux mouvements régionaux et internes et aux activités économiques vitales, avec une fermeture partielle des marchés, le retrait fréquent des étalages informels et l’interdiction des activités des vendeurs de rue, ont eu des répercussions immenses sur les travailleurs migrants nationaux et internationaux et leurs familles, souvent employés dans le secteur informel, qui, selon les estimations, permet à 30 à 80 pourcent des travailleurs de la région de la CEDEAO de vivre.
Alors que des centaines de milliers de migrants internes ont eu la possibilité de quitter Bamako, Lagos, Dakar ou Abidjan pour rejoindre leur village d’origine, pour les migrants internationaux, ce processus a été plus risqué et parfois impraticable. Toute la carte de l’Afrique de l’Ouest est parsemée d’épisodes de blocus, dont certains étaient en cours au moment de cette publication : 75 Nigériens étaient bloqués dans un no man’s land à la frontière entre le Mali et le Burkina Faso, 800 voyageurs étaient retenus pendant nombre de jours à la frontière entre le Togo et le Bénin et 600 étaient bloqués à la frontière entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso, comme le rapporte l’Organisation internationale pour les migrations.
D’une part, ces mouvements auront un impact sur les secteurs économiques qui dépendent de la main-d’œuvre migrante, tels les travaux de construction, l’agriculture et le commerce, pouvant également être liés à la perturbation des chaînes d’approvisionnement en stocks et en denrées alimentaires. D’autre part, les flux d’envois de fonds ralentissent déjà considérablement. En 2018, la Banque mondiale a suivi 27 milliards de dollars de transferts de fonds vers les pays de la CEDEAO. Ces flux représentent 15 à 20 % de l’économie nationale en Gambie et au Liberia, et des parts moins importantes mais pertinentes dans d’autres pays.
Isolement et vulnérabilité accrue pour les migrants et les réfugiés
Les migrants étant laissés sans emploi et bloqués dans des pays autres que le leur, où ils ont un accès limité à toute source de revenus, ces sommes ont déjà chuté de manière drastique au cours du dernier mois. Selon Hugo Brady, conseiller de l’ICMPD, « des opérateurs comme Western Union ou MoneyGram font état d’une baisse de 40 à 85 % dans des pays en situation de blocage comme l’Italie et le Royaume-Uni », qui abritent des centaines de milliers d’Africains de l’Ouest. Il pourrait alors être vital de réduire le coût des transactions en espèces pour atténuer les effets de cette baisse soudaine et spectaculaire.
Les personnes en déplacement, vers l’Afrique du Nord ou vers des États côtiers plus riches de la région de la CEDEAO, sont et seront de plus en plus souvent bloquées dans des pays où elles n’avaient pas prévu de rester, sans accès aux prestations sociales et au marché du travail. Une condition d’« immobilité involontaire, qui les rendra encore plus démunis et vulnérables », prévient Roberto Forin. Des politiques spécifiques, notamment de régularisations, d’autorisation de séjour temporaires et d’aide sociale, doivent être adoptées afin d’éviter le recours à des activités de contrebande, la montée des sentiments xénophobes et la manipulation des divers griefs par des groupes armés ainsi que des acteurs non étatiques.
Une dernière remarque concerne l’évolution de la gestion des frontières dans toute la région de la CEDEAO. À quelques exceptions près, seuls les commerçants munis de documents et transportant des marchandises sont autorisés à franchir les frontières terrestres, maritimes et aériennes de la région, ce qui constitue une fermeture sans précédent depuis la signature du protocole de libre circulation de la CEDEAO il y a quarante ans.
Réaménagement des frontières locales
Néanmoins, la combinaison de frontières vastes et poreuses et d’agences de contrôle peu efficaces, souvent dénoncées pour leurs pratiques de corruption, constitue un mélange dangereux en termes de stratégies d’endiguement et pourrait conduire à un financement accru des contrôles aux frontières par des donateurs européens volontaires, préoccupés par la pandémie autant que par les schémas de mobilité et les réseaux de contrebande de la région vers l’Afrique du Nord, et potentiellement vers les côtes européennes.
Si la CEDEAO, créature fragile, veut survivre aux fermetures et aux verrouillages, elle devra reconnaître la contribution fondamentale des migrants à la vie économique et sociale de la région, améliorer les relations entre les pays et leurs diasporas et repenser la libre circulation et l’intégration régionale, en négociant avec ses principaux partenaires et donateurs internationaux. Si des déclarations publiques et des décisions motivées par l’émotion peuvent accompagner l’augmentation attendue du nombre de cas positifs – un seuil de 10 000 devrait être atteint dans chaque pays de la région vers la mi-mai selon les projections de la London School of Hygiene & Tropical Medicine5 –, il sera crucial pour l’avenir de traiter la question des migrants et des réfugiés dans l’une des régions les plus mobiles du monde.
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