Instruments de protection des droits humains L’instrument juridique de référence en terme de droits humains en Afrique reste la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, qui a été adoptée par les États en 1981 et qui est entrée en vigueur en 1986. Mais ce qu’il faut noter c’est que la Charte a été adoptée dans un contexte très particulier. Les dispositions sur les droits humains que vous trouvez dans la Charte sont un peu vagues. Mais, ce qui est pertinent avec la Charte, c’est que l’article 66 permet aux États d’adopter des protocoles et également des accords particuliers pour pouvoir compléter la Charte. C’est dans cet esprit-là que les chefs d’État se sont réunis en 2003 pour adopter le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes, plus connu sous le nom de Protocole de Maputo parce que adoptée au Mozambique. Il est entré en vigueur en 2005. Jusqu’au mois de juillet 2017, sur les 54 États, 39 avaient ratifié le Protocole de Maputo. Le protocole contient 32 articles, vraiment complets, qui portent sur nos droits. C’était vraiment le texte salutaire en Afrique parce que pour une fois, les chefs d’État se réunissent pour adopter un texte qui parle de nos droits. L’instrument juridique de référence en terme de droits humains en Afrique reste la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples D’ailleurs, l’article 14 du protocole intitulé « le droit à la santé et aux fonctions reproductives » est un article très complet. Il invite les États à respecter davantage le droit à la santé sexuelle et reproductive qui comprend le droit à décider de sa fécondité, le droit de choisir librement d’avoir le nombre d’enfants souhaités et le droit d’avoir accès aux méthodes contraceptives de son choix et également d’avoir l’information sur la planification familiale. La ratification n’est autre chose que la confirmation, donc la reconnaissance. Et outre le protocole de Maputo sur le plan international, nous pouvons citer plusieurs autres textes que nos États ont signé et ratifié. Je m’en vais donner pour exemple le pacte de décembre 1966 relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et également la Convention sur l’élimination de toute les discriminations à l’égard des femmes de 1979. Pour en venir à la pratique, les moments les plus importants du débat sur la reconnaissance officielle des droits reproductifs ont eu lieu en 1994. C’était très beau de voir 165 États se réunir au Caire pour définir ce qu’est la santé de la reproduction. Ils ont unanimement décidé, de définir la santé comme un droit de la personne humaine et outres Le Caire, il y a aussi les engagements de Londres en 2012 sur la planification familiale, où nos États se sont réunis pour prendre des engagements en faveur de programmes de planification familiale. Charité bien ordonnée commence par soi-même, j’aurais dû évoquer le partenariat de Ouaga, qui est né en décembre 2011, où les Chefs d’État de neuf pays de l’Afrique de l’Ouest ont compris la nécessité de l’urgence d’agir d’où la phase plénière du partenariat de Ouaga, l’urgence d’agir pour permettre aux femmes, aux filles et aux jeunes d’avoir accès à davantage de méthodes contraceptives. Aujourd’hui, nous sommes à la seconde phase du partenariat de Ouagadougou, qui est la phase d’accélération qui prendra bientôt fin en décembre 2020. Obstacles majeurs Je trouve que les obstacles se situent à plusieurs niveaux. D’abord, au plan légal et politique, je parlais tantôt du Protocole de Maputo, qui était entré en vigueur en 2005. Quinze ans que ce protocole est entré en vigueur, mais malheureusement, l’on constate une lenteur dans la mise en œuvre. Dans la plupart dans nos États c’est resté lettre morte. Et l’autre défi aussi, c’est l’absence d’une pleine justiciabilité des droits liés à la santé sexuelle et reproductive. Il y a très peu de justiciabilité et cela alimente les violations. L’autre fut aussi un lien avec la représentativité des femmes. Peu de femmes prennent part à l’élaboration des lois. Malheureusement, celles qui sont là ne mettent pas forcément en avant les priorités de nos droits, et ne savent pas ce qui est prioritaire pour nous les femmes. Il y a quelques lacunes au niveau de la loi sur la santé de la reproduction. Dans certains pays, aujourd’hui il n’y a même pas de lois sur la santé de la reproduction. C’est le cas de la Côte d’Ivoire qui jusque-là n’a pas de lois. Dans d’autres pays où la loi existe depuis 2005 notamment au Sénégal, elle reste lettre morte. Il y a une loi qui a été adoptée, mais malheureusement qui peine à être mise en œuvre parce qu’il n’y a pas de décret d’application de cette loi. L’autre défi c’est l’absence d’une pleine justiciabilité des droits liés à la santé sexuelle et reproductive Sur le plan sanitaire, il y a des défis quant à l’accessibilité géographique qui constitue un réel défi pour les femmes et les jeunes et l’accessibilité financière également. Aujourd’hui, les données font état d’une proportion de femmes qui souhaite retarder leur grossesse ou même ne pas en prendre du tout ou avoir beaucoup plus d’enfants que ce qui a été prévu. Mais malheureusement, les moyens manquent. Et les jeunes, j’aimerai m’appesantir sur les jeunes, cette tranche d’âge qui rencontre beaucoup de difficultés quant à l’accès parce que sur le plan social, les pesanteurs socioculturelles font de la sexualité des jeunes un tabou, silence total, on n’en parle pas, aucune éducation sur la sexualité et les jeunes font face à beaucoup de défis. Les défis connus, visibles ce sont des grossesses précoces, des grossesses non voulues, mais il y a également les IST puisque les jeunes n’ont aucune information sur la santé de la reproduction. Malheureusement, c’est un spectre continue, cela entraîne la violation d’autres droits tels que le droit à l’éducation, le droit à l’autonomisation parce que vous ne pouvez pas dire que vous faites la promotion de l’autonomisation des jeunes filles si cette fille-là n’a pas eu la chance de continuer l’école parce qu’elle a contracté une grossesse en cours de route.
Les recommandations d’abord à l’endroit de la Commission africaine des droits de l’homme, elle fait déjà un excellent travail, mais je donnais tantôt les chiffres de ratification du protocole en date de juin 2017. Nous voyons que sur 54 pays, seulement 39 l’ont ratifié et il reste du boulot à faire pour inciter les autres États à signer et également à ratifier le protocole. Donc, à la Commission africaine de mener des campagnes de ratification du Protocole de Maputo, mais pas seulement, parce qu’un instrument juridique, quelle que soit sa beauté, s’il n’est pas mis en œuvre, reste lettre morte. Ce que je recommande aussi, c’est de mener des campagnes dans la région pour la mise en œuvre. Feu Kofi Annan, ancien Secrétaire Général de l’ONU, disait en 2005, que si les dernières années se sont concentrées sur l’élaboration de politiques énormes en faveur de la protection des droits de l’homme, il va falloir tourner la page pour passer à une seconde aire, celle qui est orientée vers la mise en œuvre effective. Il va falloir prendre des mesures nécessaires pour vulgariser, disséminer ces textes au niveau de la communauté D’abord, c’est de féliciter nos États, nos gouvernements qui ont reconnu l’existence de ces droits aussi bien à travers la signature et la ratification d’un certain nombre de textes. Je parlais tantôt du Protocole de Maputo, ce fameux protocole que j’aime bien car dédié aux femmes. En 94, ils sont allés au Caire pour reconnaître les droits de la personne humaine, le droit à la santé comme les droits fondamentaux de la personne humaine. En 95 à Beijing pour échanger de la question des droits des femmes, en 2012 à Londres et en 2011 pour certains pays du partenariat de Ouaga, c’est salutaire. Mais, il va falloir penser à la mise en œuvre, il va falloir prendre des mesures nécessaires pour vulgariser, disséminer ces textes au niveau de la communauté, pourquoi pas les traduire en langues locales, parce que ce sont des textes qui ont été adoptés pour la population. Les femmes de la communauté rurale ne maîtrisent pas forcément le protocole de Maputo, n’ont peut-être aucune connaissance de l’existence de cet article 14 du Protocole de Maputo. Il y a lieu de traduire ces textes en langue locale pour les disséminer auprès de la communauté pour une meilleure appropriation et j’invite également les États à allouer davantage de ressources au secteur de la santé. En 2001, nos États se sont réunis à Abuja pour accorder 15 pour cent du budget national au secteur de la santé. Aujourd’hui, cet engagement peine à être réalisé, donc que les États puissent prendre les mesures nécessaires pour faire de cet engagement une réalité pour le bonheur de la femme, pour le bonheur des jeunes, pour le bonheur des enfants.