Le Laboratoire mixte international Mali cohésion territoire (Macoter) est un laboratoire interdisciplinaire de haut niveau, tourné vers les grands enjeux socioéconomiques qu’appellent la reconstruction post-conflit et le développement du Mali, autour du thème « Reconfigurations maliennes : cohésions, territoires et développement ». Laboratoire mixte international (LMI) Macoter est un projet pilote qui vise à constituer une interface entre les sciences sociales et les politiques publiques et internationales du développement. Il contribue à produire une science utile, des savoirs empiriques et des analyses propres à la recherche fondamentale, mis à disposition des décideurs. Le LMI Macoter est le premier laboratoire interdisciplinaire de recherche et de formation en sciences humaines et sociales au Mali. Le caractère innovant du LMI réside dans le fait qu’il s’agit du premier laboratoire de recherche interdisciplinaire en SHS au sein de l’université publique au Mali. Renforçant le partenariat Nord-Sud à long terme, et inaugurant une collaboration inédite entre plusieurs universités maliennes, le LMI préfigure une unité de recherche proprement malienne. À ce titre, l’originalité du projet est non seulement de produire une recherche au Sud et par le Sud, mais de former également de jeunes diplômés sur un standard de rang international depuis le Mali. Le LMI Macoter est constitué de 42 membres, dont 8 doctorants. L’équipe est internationale (Mali, France, Côte d’Ivoire) et témoigne d’une forte interdisciplinarité en sciences sociales et sciences juridiques : anthropologie, droit, économie, géographie, sciences politiques, histoire, sciences de l’éducation, ethnomusicologie. Créé en 2016 par une équipe de chercheurs français et maliens, le LMI Macoter est régie par une convention partenariale entre :
Les activités principales de recherche « La vocation première d’un laboratoire, c’est faire de la recherche. Au Laboratoire mixte Macoter (LMI), du fait de la collaboration entre la France et le Mali à travers l’Institut de recherche pour le développement et les trois universités tutelles, nous menons des activités de recherche en tant que laboratoire international. Le laboratoire a quatre thématiques phares. Nous avons une thématique sur les territoires et les dynamiques de mobilité, un axe qui permet de réfléchir sur les cohésions sociales à travers les prescriptions religieuses et l’économie morale du développement. Nous avons aussi un axe qui interroge les questions de terroirs, d’identité et de médiation et le dernier axe qui réfléchit sur les questions de conflits locaux et globaux. En plus de ces thématiques, nous avons mis en place des équipes de recherche qui sont plus opérationnelles et travaillent autour d’un objet bien précis. La première équipe de recherche travaille sur la question foncière et sur la décentralisation. La deuxième équipe travaille sur les nouvelles mobilités à travers la migration. On a également une troisième équipe qui travaille sur l’État, la société, la suppléance versus gouvernance pour analyser cette notion qu’on essaie de développer au sein du laboratoire. La suppléance, c’est le champ délaissé par l’État, comme le secteur économique où la société supplée l’État à travers les activités d’utilité publique portées par d’autres acteurs. Et enfin, la quatrième équipe se penche sur les questions de culture, de médiation, de connexion et de déconnexion. À côté de cette organisation, en terme de recherche proprement dite, en plus de nos activités, le laboratoire accueille des programmes de recherche. Je prendrai ici l’exemple du programme financé par la coopération suédoise que nous venons d’achever et qui avait comme objectif d’étudier la migration dans la région de Kayes.
Si je prends l’exemple de la crise dans laquelle nous sommes depuis 2012, en mobilisant les sciences sociales, en octroyant des financements aux sciences sociales, cela pourrait permettre d’aller en profondeur dans la compréhension de cette crise et d’analyser les causes profondes de ce conflit au Mali
Le LMI a mobilisé ses chercheurs qui travaillent sur la migration pour réfléchir à travers trois axes mis en place dans le cadre de ce projet. Le premier axe a été porté par les économistes pour essayer d’analyser l’économie de cette migration dans la région de Kayes. Le deuxième axe a été porté par les sociologues pour comprendre la sociologie de cette migration, le profil des migrants, les routes empruntées par les migrants et pourquoi ce désir de partir. Et enfin, le dernier axe portait sur les questions de territoire pour essayer de comprendre, à travers l’aspect territorial, comment se conçoit cette migration et quel était l’intérêt territorial ou l’intérêt territorialisé de cette migration. » L’importance de la recherche en sciences sociales « Ce que j’aimerais souligner ici c’est que les sciences sociales ont quand même ce rôle à jouer dans l’analyse et la compréhension des problématiques d’ordre social. Si je prends l’exemple de la crise dans laquelle nous sommes depuis 2012, en mobilisant les sciences sociales, en octroyant des financements aux sciences sociales, cela pourrait permettre d’aller en profondeur dans la compréhension de cette crise et d’analyser les causes profondes de ce conflit au Mali. On le dit souvent, les sciences sociales posent la question du pourquoi. Pourquoi telle chose se passe ? Pourquoi on a du mal à trouver une stratégie d’adaptation des mécanismes pour mettre en place des choses ? Tout le contraire des sciences exactes ou des sciences physiques qui posent la question du comment. Il faut accompagner le pourquoi pour comprendre réellement les idées reçues sur les problématiques du moment. Donc, en termes de résultats, nous avons énormément de production scientifique. Nous produisons des articles publiés dans les revues internationales. Nous avons des ouvrages publiés et beaucoup de collègues qui font des communications dans des manifestations scientifiques nationales et internationales. » L’impact des résultats des travaux de recherche « Les sciences sociales produisent du savoir. La production de ce savoir permet aux décideurs de prendre connaissance de ce savoir ou des résultats des travaux des chercheurs pour la mise en place des politiques publiques. C’est un des rôles phares des sciences sociales. En plus de cela, en terme d’impact direct, il est essentiel de mobiliser les décideurs pour que cela arrive au niveau des populations. Une des volontés du LMI Macoter , c’est de créer un outil plus adapté, justement pour pouvoir faire le pont entre les universitaires et le monde, que ce soit le monde du développement, le monde des ONG, ou surtout avec les décideurs politiques. C’est ce que nous avons essayé de mettre en place à travers le Forum universitaire de Bamako, tenu en novembre dernier. Nous avons organisé une conférence internationale sur la transition. L’idée est de mobiliser les universitaires, les acteurs de la société civile et les acteurs de la société publique et politique pour réfléchir ensemble sur la transition. Ce forum intitulé « penser la transition à travers les principes de l’État », a permis de débattre autour d’une problématique que le Mali vit. Nous avons eu des enseignements assez intéressants par rapport à la transition, tout en mobilisant justement l’histoire pour comprendre l’historicité de cette transition au Mali. » Les sources de financement « L’Institut de recherche pour le développement nous finance annuellement pour mener nos activités de recherche. C’est ce qui nous a permis jusqu’à aujourd’hui de financer les missions de terrain et de faire de la production.
La recherche doit se faire à l’université, mais les chercheurs brillants, qui ont des compétences pour analyser et critiquer les politiques publiques, sont en dehors de l’université pour mener cette recherche
En plus du financement de l’IRD, les universités maliennes abondent à travers les bourses de master et à travers les bourses de thèse. On a entre 5 et 9 bourses financées intégralement par les structures partenaires, c’est à dire les universités. En plus du financement de l’IRD et de nos tutelles qui sont les trois universités en sciences sociales, Nous accueillons des programmes de recherche qui nous permettent de remobiliser un peu des fonds pour financer la thèse de nos étudiants. » Les principales difficultés « La première difficulté, c’est le financement de la recherche. Les sciences sociales ne sont pas financées de façon générale en Afrique, en particulier au Mali. Le gouvernement malien ne finance pas les sciences sociales. Je pense que c’est le moment de faire le plaidoyer auprès des décideurs pour abonder en terme de financement quitte à rééquilibrer les fonds dédiés aux sciences exactes pour trouver des mécanismes pour réfléchir sur les problématiques qui nous concernent. Ce manque de financement fait que beaucoup de collègues universitaires préfèrent aller vers les consultances. Aujourd’hui, ces jeunes très brillants, qui sont au niveau des universités, sont sollicités par les ONG, par des organisations internationales pour faire des travaux ou faire de la recherche.
Le Mali est à la deuxième édition du Fonds compétitif pour la recherche, qui permet de financer la recherche au Mali, mais 50, voire 80% de ces fonds sont destinés aux sciences exactes
Or, la recherche doit se faire à l’université, mais les chercheurs brillants, qui ont des compétences pour analyser et critiquer les politiques publiques, sont en dehors de l’université pour mener cette recherche. C’est une grosse difficulté. » Message aux décideurs « Je crois que mon message va plutôt à l’endroit de l’État. J’ai beaucoup parlé du financement, j’ai beaucoup parlé de cette difficulté pour les universités en sciences sociales de faire de la recherche parce que justement, il n’y a pas de financement. Le Mali est à la deuxième édition du Fonds compétitif pour la recherche, qui permet de financer la recherche au Mali, mais 50, voire 80% de ces fonds sont destinés aux sciences exactes. Je pense que c’est le moment pour l’État de rééquilibrer un peu ce financement en faveur des sciences sociales. Je plaide pour que l’État nous entende enfin, pour qu’il commandite des études que les sciences sociales, à travers justement le LMI Macoter, pourront porter et mener à bien. Je pense que le LMI a les capacités de porter des grands programmes de recherche ici au Mali, qui permettront aux trois universités de se retrouver dans cette recherche parce qu’elle va mobiliser les chercheurs séniors et juniors dans la compréhension de la problématique qui sera commanditée depuis la Présidence. »
Dr Fatoumata Coulibaly est enseignante chercheure à la faculté d’histoire et de géographie de l’université des sciences sociales et de gestion de Bamako depuis 2014. Ses travaux de recherche en thèse ont porté sur les questions de géographie électorale au Mali. Elle est la co-directrice du Laboratoire mixte international Mali Cohésion Territoire, Macoter.
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Bonjour,
Je souhaiterais avoir le contact de madame Coulibaly pour des fins de commentaires en rapport avec sa thèse doctorale.
J’espère qu’elle tombera sur ce commentaire.
Magnifique plaidoyer. Merci de mettre en lumière des chercheurs brillants en Afrique de l’ouest. Son discours fait sens.