Dia Ndiaye
Le numérique est aujourd’hui considéré quasi unanimement comme le principal levier de développement économique et social : « croissance, emplois et services sont les avantages les plus importants qu’apportent les investissements dans le numérique. Les technologies numériques aident les entreprises à devenir plus productives ; les populations à trouver des emplois et élargir leurs possibilités, et les pouvoirs publics à fournir des services de meilleure qualité à tous.
Dans les pays développés où la transformation numérique des entreprises et du secteur public s’accélère, il est vu comme « la solution » pour retrouver un bon niveau de croissance économique : le marché unique numérique pourrait apporter des centaines de milliards de dollars aux économies de ces pays et stimuler ainsi la création d’emplois, la croissance, la concurrence, l’investissement et l’innovation.
Il pourrait élargir les marchés, offrant ainsi de meilleurs services à des prix plus avantageux, transformer les services publics et créer de nouveaux emplois. Il favoriserait la création de nouvelles entreprises et permettrait aux entreprises existantes de se développer et d’innover au sein d’un marché de plus de 500 millions de personnes.
Dans les pays en développement, où l’investissement dans des infrastructures numériques apparaît aussi indispensable que celui consacré aux infrastructures électriques ou de transport, la capacité de rupture inhérente au numérique offre l’opportunité d’entrer immédiatement dans la troisième révolution industrielle, et de réduire par-là, même les écarts par rapport aux pays développés.
La préservation de l’environnement, un impératif
La 21e Conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique (COP21) a permis en 2015 de donner à la lutte contre le réchauffement climatique une dimension universelle (accord de Paris, signé par une grande partie des pays du monde) et d’en reconnaître l’impérieuse nécessité à travers l’adoption d’objectifs mesurables, définis à un horizon relativement proche. Depuis lors, les modèles prévisionnistes se sont affinés, un nouveau rapport du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) a été publié et les conséquences observables du réchauffement climatique se sont multipliées.
Chaque jour qui passe pose davantage le problème du changement climatique qui connaît une acuité croissante. Devant cette urgence planétaire, il n’est pas question d’échouer, car il en va de l’avenir de l’espèce humaine et de milliers d’autres espèces. La responsabilité des humains est d’autant plus grande qu’ils ont une responsabilité directe dans les différentes perturbations qui touchent la planète. De plus, ils sont les seuls à pouvoir directement changer le cours des événements. Et si l’intelligence artificielle venait en aide aux humains dans leur lutte contre le réchauffement climatique ?
En utilisant du Deep Learning associé à de la Computer Vision (vision par ordinateur), il est possible de classifier et trier les déchets selon leur aspect visuel et cela de manière automatisée à très haute cadence. Le tri des déchets est ainsi largement optimisé car accéléré et fiabilisé
L’intelligence artificielle au service de la réduction d’émissions de CO2
Selon un rapport du Capgemini Research Institute, l’intelligence artificielle pourrait aider les organisations à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 16% au cours des 3 à 5 prochaines années. L’intelligence artificielle (IA) est l’ensemble des théories et des techniques mises en œuvre en vue de réaliser des machines capables de simuler l’intelligence humaine.
Elle consiste en une constellation de technologies différentes, qui fonctionnent de concert pour permettre aux machines de percevoir, de comprendre, d’agir et d’apprendre à des niveaux d’intelligence comparables à ceux des humains.
L’IA ne se limite pas à une seule technologie. Des technologies comme le Machine learning (ML) et le traitement automatique du langage naturel (NLP) font partie de l’IA. Chacune d’entre elles évolue à son propre rythme et suit son propre parcours, mais lorsqu’elles sont associées aux données, à l’analyse ou encore à l’automatisation, elles peuvent aider les entreprises, les pouvoirs publics à atteindre leurs objectifs de développement. L’intelligence artificielle peut aider à limiter l’impact de l’humain sur son environnement dans différents secteurs.
La reconnaissance d’image pour optimiser le tri des déchets
Le tri des déchets est déjà en partie automatisé notamment grâce à la différence de densité des matériaux recyclables. Toutefois, cela ne suffit pas toujours. Certains déchets sont très proches au niveau de leur composition mais réellement différents en ce qui concerne leur utilisation ou leur couleur. Ces déchets demandent donc un traitement particulier pour les trier. En utilisant du Deep Learning associé à de la Computer Vision (vision par ordinateur), il est possible de classifier et trier les déchets selon leur aspect visuel et cela de manière automatisée à très haute cadence. Le tri des déchets est ainsi largement optimisé car accéléré et fiabilisé.
Au Sénégal, afin de répondre à la problématique de gestion des déchets, deux étudiants, Alioune Badara Mbengue et Papa El Hadji Mandiaye Gningue, ont eu l’idée de créer une poubelle intelligente et connectée. Mbal-IT, du nom du projet, propose une solution intelligente et crédible et pleine d’espoir aux objectifs de développement durable d’aujourd’hui.
IA et transports : moins de kilomètres, moins de carburant, moins de CO2
La mondialisation des économies, l’élévation des niveaux de vie et le développement du tourisme ont contribué depuis la fin du XXe siècle à accroître le volume des transports, de passagers et de biens. Ce mouvement va se poursuivre d’ici 2050 et le transport est le secteur où la progression des émissions de CO2 est aujourd’hui la plus forte.
Le secteur des transports, responsable de 24 % des émissions mondiales de CO2, est également dans la ligne de mire des experts de l’IA. Le transport routier, qui accapare à lui seul 75 % de ces émissions, devra subir une révolution dans les années à venir, grâce à des technologies telles que le véhicule électrique autonome ou encore la route intelligente.
Des projets expérimentaux de route intelligente ont pour but de déployer des IA capables de faire baisser les taux de pollution pendant les épisodes de canicule et d’améliorer la gestion du trafic. Il est également question d’installer un éclairage intelligent, économe en énergie, et de déployer des équipements communicants qui fournissent aux véhicules connectés des informations et autres consignes sur les vitesses à adopter, en fonction des conditions météorologiques, de circulation, etc.
L’IA permet d’épargner de nombreux kilomètres inutiles, engendrant gain de temps, d’argent mais aussi une réduction de l’impact environnemental
En outre, sans aller vers une technologie de rupture, il est déjà possible d’optimiser l’existant. Si les cartes, puis le GPS nous ont permis d’optimiser nos déplacements, nous pouvons aller plus loin. Notamment lorsque nous nous intéressons aux transports en commun et aux transports de fret. L’IA permet aujourd’hui, via la recherche opérationnelle, d’optimiser nos trajets, que ce soit pour les véhicules terrestres mais également pour l’aviation civile. L’IA permet d’épargner de nombreux kilomètres inutiles, engendrant gain de temps, d’argent mais aussi une réduction de l’impact environnemental.
Au Sénégal, un jeune étudiant du nom de Djim Momar Lo a développé un système intelligent de détection de la somnolence au volant. Ce système intègre des capteurs qui permettent aux conducteurs d’avoir un tableau de bord à partir duquel ils peuvent optimiser leurs trajets, en choisissant le chemin le plus court vers leur destination, et où le trafic est plus fluide.
Une agriculture raisonnée grâce à l’IA
Les nouvelles technologies reposant sur l’intelligence artificielle, l’IoT, le big data, la robotique et l’analyse avancée, permettent le développement d’une agriculture de précision. Selon les estimations de McKinsey & Company, le marché de l’agriculture robotique devrait passer de 1 milliard dollars en 2014 à entre 14 et 18 milliards dollars en 2020. Donner aux agriculteurs des outils pour observer, mesurer et analyser les besoins tant de leurs exploitations que de leurs employés permet une meilleure gestion des ressources tout en réduisant l’impact environnemental et le gâchis.
Les algorithmes de machine learning permettent de suivre et de prédire l’évolution des exploitations en fonction de paramètres prédéfinis, dont bien évidemment le climat. Plusieurs solutions proposent des outils de pointe combinant données collectées en temps réel (météo, état des semences, niveaux d’irrigation, etc.), historiques et informations de sources diverses pour évaluer l’état des exploitations et proposer des recommandations en fonction des variations de climat, de l’apparition de maladies, de la situation du marché, etc.
Au Sénégal, « Tolbi » est une startup qui évolue dans l’agriculture intelligente et dans l’agriculture de précision. Il s’agit d’un dispositif technologique qui a pour objectif d’apporter des solutions rapides aux difficultés rencontrées par les agriculteurs locaux. L’outil ainsi mis à leur disposition leur permet d’accéder en temps réel à des informations cruciales telles que les besoins en eau de leur champ afin de faciliter l’irrigation et par la même occasion faire évoluer les récoltes en quantité et en qualité.
Selon les estimations de McKinsey & Company, le marché de l’agriculture robotique devrait passer de 1 milliard dollars en 2014 à entre 14 et 18 milliards dollars en 2020
Fort de cette analyse, nous pouvons affirmer que l’IA n’est pas qu’énergivore ou destructrice de l’environnement. Sans apporter une solution universelle, elle permet néanmoins de faire des petits pas vers la protection de l’environnement en s’attaquant à des problématiques du quotidien, tel que le tri des déchets. De quoi promouvoir une nouvelle fois le côté vertueux de ces technologies.
« L’intelligence artificielle au service de l’environnement » serait un sujet décisif pour la journée mondiale de l’environnement. Une occasion de sensibiliser toutes les couches sociales de l’Afrique en faveur de l’environnement. Que chacun prenne individuellement sa responsabilité pour protéger son environnement immédiat. Cette responsabilité constitue une décision mineure qui améliore, non seulement son environnement physique, mais aussi et efficacement l’ensemble de la planète Terre.
Source photo : ZDNet
Dia Ndiaye est ingénieur sénégalais, polytechnicien. Il travaille sur des sujets d’intelligence artificielle appliquée au secteur des télécommunications. Avant de suivre un cursus ingénieur en France, Dia Ndiaye a obtenu une Licence en Mathématiques à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Il est le cofondateur de l’Institut des algorithmes du Sénégal, une école spécialisée dans les technologies de l’intelligence artificielle et d’analyse de la donnée.