La situation des droits des femmes et des filles au Sénégal Pour être objective, je commencerai par dire que par rapport au début de mon militantisme qui se situe en 1974, ou même un peu avant parce que quand j’étais à Saint-Louis, j’avais créé le réveil des femmes à Saint-Louis, une association de femmes, pour un peu vulgariser leurs droits. Ensuite, je suis membre fondatrice de l’Association des juristes sénégalaises donc, en partant de ce revers-là, je peux dire qu’il y a eu d’énormes progrès. Des progrès, mais qu’il reste encore beaucoup de choses à faire. Par rapport, d’une part, à la législation, c’est vrai qu’on a dans notre pays, depuis les indépendances, depuis les Constitutions, les premières constitutions, dans les faits, dans le droit, on dit bien qu’il y a une égalité entre les hommes et les femmes. Mais, le problème s’est toujours posé au niveau des faits parce qu’on se rend compte que cette égalité n’est pas effective et qu’il y a encore de nombreuses de discriminations. Je ne parle pas de droits des femmes parce que ce ne sont pas des droits particuliers aux femmes, ce sont des droits humains qui appartiennent à toute personne Alors, avec l’avènement des instruments internationaux, aussi bien au niveau international qu’au niveau régional, on a vu qu’il y a eu beaucoup de progrès qui ont été faits puisque notre pays, le Sénégal, a adhéré à toutes les conventions internationales et régionales, et pour la plupart sans réserve. Cela veut dire qu’ils n’ont pas trouvé de dispositions particulières qui pouvaient faire qu’ils ne le fassent pas sans réserve ou avec des réserves. Et malheureusement, il n’y a pas eu encore d’harmonisation entre ces instruments internationaux que je viens de citer et notre législation nationale, c’est un peu là où le bât blesse parce qu’on se rend compte qu’on aurait pu faire des avancées beaucoup plus importantes. Mais malheureusement, il y a encore beaucoup de discriminations, beaucoup de choses qu’il faut faire pour que la femme puisse effectivement jouir de tous ses droits. Je ne parle pas de droits des femmes parce que ce ne sont pas des droits particuliers aux femmes, ce sont des droits humains qui appartiennent à toute personne qui sont inhérentes plus exactement à la personne humaine. Et les femmes en font partie. Il y a aussi des droits spécifiques pour la femme en raison de sa fonction de reproduction. Les obstacles majeurs Les obstacles majeurs je dirai d’abord, il y a un problème de mentalité qui émane de l’éducation de base qui est très importante. Et si nous voulons quand même que des progrès soient beaucoup plus importants et plus visibles, il faudrait déjà qu’on joue sur ce levier dans la mesure où, du point de vue des mentalités, il y a eu des progrès quand même. Mais, on a toujours ce statut de la femme qui existe au niveau de notre pays, à savoir que la femme est toujours considérée, il ne faut pas avoir peur de le dire, comme un peu inférieur à l’homme. On éduque l’enfant, la fille par rapport à certains critères. La fille doit rester à la maison. La fille doit aider sa mère. Le garçon est beaucoup plus, disons libre de faire ce qu’il fait, celui qui ne doit pas pleurer. Donc, vous voyez, ce sont des stéréotypes qui existent encore de nos jours, il faut malheureusement le dire. Et c’est ce qui crée un premier frein. Le deuxième, c’est l’aspect religieux. Ça ne veut pas dire que la religion est un frein, loin de là, parce qu’il y a des problèmes d’interprétation de la religion. Moi, je disais une fois que s’il y avait que de bons musulmans au Sénégal et que je me répète, nous n’aurions pas de problème ! Parce que la religion est très claire par rapport à la situation de la femme. Mais les interprétations sont telles que l’on veut mettre sur le compte de la religion ce qui n’existe pas. Il y a des religieux qui sont très fermés et qui interprètent la religion de telle façon que, finalement, la femme n’a pratiquement pas de droit Alors il y a des religions, des religieux plus exactement, qui sont, disons, très fermés et qui interprètent la religion de telle façon que, finalement, la femme n’a pratiquement pas de droit, si ce n’est que de suivre ce que son mari dit, si ce n’est simplement de s’occuper de sa famille et de son mari. Ce qui me désole, c’est que vous savez, le Sénégal a été le premier pays à avoir un code de la famille en 1972, et tous les pays de la sous-région se sont inspirés de ce code de la famille pour faire le leur. Et ces pays sont des pays musulmans pour la plupart comme nous et beaucoup de pays sont arrivés à l’autorité parentale. Et moi, ça me désole parce que nous sommes en retard par rapport à ces pays. Après en avoir été un modèle. Il y a aussi ce problème de l’avortement médicalisé. Vous avez vu les dégâts que les viols et les violences sexuelles ont fait dans notre pays et nous avons réussi à voir la criminalisation du viol et de la pédophilie. Je pense que de façon conséquente, il faudrait que nous ayons aussi la possibilité, comme le prévoient les instruments internationaux et régionaux. Comme instrument, je prends en exemple le Protocole de Maputo. Pourquoi le Protocole de Maputo? Parce que c’est un protocole africain qui a été élaboré par des États africains dans un environnement purement africain et pour la femme africaine. C’est le protocole additionnel à la Charte africaine. Donc, ce protocole, dans son article 14, dit qu’il faut autoriser l’avortement médicalisé dans des circonstances précises. Viol? Danger lorsque la vie de la mère est en danger ou défaitisme? Je crois que c’est extrêmement important.
Je commencerais par le gouvernement. Il faut qu’il assume ses responsabilités à ce niveau. Il faut qu’il respecte ses engagements. Je crois que de plus en plus, nous devons, au niveau de la société civile, disons, demander à l’État de respecter ses engagements et lui demander de rendre des comptes. Il doit être redevable des engagements qu’il a pris au niveau des organisations internationales. Secundo, la société civile doit être structurée. Notre problème est que nous travaillons beaucoup en rangs dispersés. Et quand je dis société civile, c’est toutes les organisations de défense des droits humains. Il faut que nous sachions que nous devons être solidaires. Nous devons savoir ce que nous voulons. Il nous le faut. Il faut qu’on évite, et c’est ce qui se passe souvent, des problèmes de positionnement. Nous avons de nombreuses organisations en charge de la défense des droits humains, il faudrait qu’elles se regroupent chaque fois qu’il y a un problème, une violation des droits humains : qu’on travaille la main dans la main. Et c’est ainsi qu’on peut faire pression sur l’État. Il faut qu’on soit tous ensemble et qu’on puisse ensemble trouver des solutions et travailler en synergie. Il faudrait que la jeunesse s’implique de plus en plus, parce que nous avons joué notre partition. Comme je le dis souvent, nous sommes là pour encadrer les jeunes, pour les mettre en avant. Quand il faut venir devant, on se met devant parce que nous avons peut-être un peu plus d’expérience. Nous avons peut-être participé à pas mal de combats qui nous ont permis d’avancer. Mais à l’heure actuelle, la jeunesse doit être à l’avant. Et il faut que la jeunesse comprenne qu’il ne peut y avoir de conflit de générations. Qu’elle comprenne cela. Nous avons été formés par nos mères, par des anciennes qui étaient là devant et qui sont les véritables pionnières, qui ont ouvert la porte à cette avancée des droits humains. Il faut qu’on soit tous ensemble et qu’on puisse trouver des solutions et travailler en synergie Je suis quand même confiante parce que je constate que les jeunes sont impliqués. Les jeunes sont conscients de leur responsabilité. Mais je crois que les nouvelles générations arriveront à faire en sorte que l’égalité hommes femmes dans notre pays soit effectivement une réalité.