Violation des droits humains Je dirai qu’il y a une véritable régression en matière de droits humains en Afrique. Personne n’aurait imaginé qu’après les conférences nationales du Bénin et tout ce qui s’est passé après, le multipartisme, le développement des droits et libertés sur le continent africain, les alternances démocratiques qui ont eu lieu dans toute l’Afrique, qu’on allait se retrouver dans une situation actuelle avec des présidents qui sont prêts à violer les droits humains pour avoir un troisième mandat. Des présidents qui cherchent à s’éterniser au pouvoir si on prend le cas des pays d’Afrique centrale, le Congo, le Gabon ou le Cameroun. Mais en Afrique de l’Ouest, c’est le troisième mandat qui est la cause de cette régression, vous avez des chefs d’État qui sont élus, qui ont fait le nombre de mandats qui étaient en vigueur dans les constitutions et qui parce qu’ils veulent rester au pouvoir, veulent changer la Constitution. Aujourd’hui, cette situation fait que les droits humains se sont détériorés dans la région notamment la Guinée et la Côte d’Ivoire. Pour le Sénégal, on n’est pas encore dans la même situation qu’en Guinée ou en Côte d’Ivoire, mais il y a énormément de craintes à se faire car la situation va se détériorer dans les mois et les années à venir. Plus on s’ approchera de 2024 et plus la situation pourra se détériorer parce qu’avec l’exploitation pétrolière qui va arriver, on a toutes les raisons de soupçonner que l’actuel chef d’État essaierait de briguer un troisième mandat. Cela pourra provoquer une détérioration de la situation des droits humains au Sénégal. Mais en Afrique de l’Ouest, c’est le troisième mandat qui est la cause de cette régression, vous avez des chefs d’État qui sont élus, qui ont fait le nombre de mandats qui étaient en vigueur dans les constitutions et qui parce qu’ils veulent rester au pouvoir, veulent changer la Constitution La nouveauté dans tout cela, c’est que le contexte international rend difficile les choses parce qu’il y a quelques années, avant l’avènement de Trump aux États-Unis ou de Macron en France, on pouvait compter sur une pression que pouvaient exercer les grandes puissances sur les États africains pour qu’ils observent la démocratie, qu’ils respectent les Constitutions et qu’ils respectent les droits humains. Mais dans tous ces pays, les dirigeants actuels, non seulement du point de vue moral, ne peuvent pas donner de leçon aux chefs d’État africains, mais ils s’en “fichent” totalement de la démocratie en Afrique. Ce qui les intéresse, c’est les affaires, c’est les contrats miniers, pétroliers, les grands travaux qu’on donne à leurs entreprises. Les obstacles majeurs Le premier obstacle de mon point de vue, c’est la conscience citoyenne. Pour beaucoup de citoyens en Afrique, la défense des droits humains, c’est encore une affaire d’activistes. Ce sont les activistes qui doivent descendre dans la rue, qui doivent manifester et qui doivent se faire tabasser. Mais les citoyens ordinaires, ils ne se sentent pas concernés par ce combat-là, alors que leurs droits aussi sont en cause. Donc, nous réussirons à faire la différence que le jour où on aura une plus grande conscience citoyenne en Afrique et la défense des droits humains, c’est d’abord leur propre affaire. Le deuxième problème auquel on est confronté évidemment c’est à la fois la séparation et l’indépendance des pouvoirs, notamment du pouvoir judiciaire. Pour beaucoup de citoyens en Afrique, la défense des droits humains, c’est encore une affaire d’activistes, ce sont les activistes qui doivent descendre dans la rue, qui doivent manifester et qui doivent se faire tabasser Vous savez, dans un État de droit, le rempart des citoyens contre les abus du pouvoir exécutif c’est la justice. Mais lorsque la justice n’est pas indépendante ou lorsqu’elle ne joue pas ce rôle de rempart, évidemment, les citoyens sont obligés de prendre en charge leur défense et cela se fait au prix d’énormes pertes en vies humaines. J’aurai pu dire la même chose pour les parlements nationaux qui ne jouent pas le rôle. Le troisième handicap auquel je pourrais faire allusion est le cas du Sénégal, si je prends le cas des droits économiques, sociaux et culturels, c’est vraiment la faiblesse du syndicalisme. Le travail de la Commission Je pense que la Commission fait relativement bien son travail et fait des rapports comme le prévoit son statut à l’Union africaine. Le problème, c’est la mise en œuvre de ces rapports, on ne peut pas soupçonner la Commission de ne pas faire son travail, elle fait son travail malgré les moyens limités. Le problème c’est l’attitude des États par rapport à la Commission. Si les États ne respectent pas les recommandations de la Commission et ne respectent pas ses décisions, bien entendu la Commission ne peut absolument rien faire. Vous savez chaque État africain a lui-même ses propres problèmes avec la Cour, avec la Commission africaine, et personne ne veut critiquer l’autre. Si vous critiquez l’autre, demain cela sera votre tour d’être critiqué. Donc ils se passent la pommade et finalement, comme j’ai dit cela au détriment de ces mécanismes, au détriment des citoyens africains. Le problème que nous avons, c’est l’attitude des États par rapport à la Commission, si les États ne respectent pas les recommandations de la Commission, ne respectent pas ses décisions, bien entendu la Commission ne peut absolument rien faire Les défis Il faut que nous ayons en Afrique des citoyens éduqués, nos États le savent très bien. La plus grosse menace contre la tyrannie ce sont les citoyens éduqués, lorsque que vous avez des citoyens éduqués bien entendu, il est difficile d’exercer la tyrannie ou la dictature sur ses citoyens. Il faut que nous ayons en Afrique des citoyens éduqués, nos États le savent très bien L’autre chose, c’est de se battre pour que nous ayons en Afrique des justices indépendantes.Il faut faire de sorte qu’on ait partout des systèmes judiciaires indépendants qui puissent protéger les citoyens contre les abus auxquels ils peuvent être confrontés. Le recours à la rue pour manifester et recevoir des grenades lacrymogènes peut entraîner des morts. Ce n’est pas cela qu’il faut prôner dans un État démocratique.
Ma recommandation est vraiment d’encourager la jeunesse africaine à s’engager en faveur des droits humains et à privilégier la recherche de la connaissance. Nous avons besoin d’une jeunesse bien formée et bien éduquée en Afrique. Nous avons besoin de créer des opportunités pour ces jeunes parce que lorsque la population est éduquée, lorsque la population a des opportunités, c’est à ce moment-là qu’on a une réelle démocratie. La bonne gouvernance, la démocratie et le respect des droits humains peuvent aider à créer des opportunités dans le pays. Ma recommandation est vraiment d’encourager la jeunesse africaine à s’engager en faveur des droits humains et à privilégier la recherche de la connaissance D’un côté, il faut continuer à se battre pour que la démocratie soit approfondie, pour que la bonne gouvernance soit consolidée. En même temps, il faut mettre l’accent sur la formation des jeunes et la conscientisation des citoyens pour espérer justement qu’on ait une société émergente. L’émergence ne doit pas rester un slogan creux.
2 Commentaires. En écrire un nouveau
Tout est clair cette régression des droits humains se sent même dans les libertés individuelles bafouées. Merci de engagement avec abnégation pour vos sorties qui sont des interventions instructives et voir une éducation digne des valeurs humaines.
Bons diagnostics et esquisses de solutions pertinents.