Auteur (s) : Amnesty International
Organisation affiliée : Union Africaine
Type de publication : Rapport
Date de publication : Juin 2014
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Le 11 juillet 2003, lors de son deuxième sommet ordinaire à Maputo (Mozambique), la Conférence des chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine a adopté le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes (ci-après dénommé le Protocole). Ce Protocole entrera en vigueur trente jours après le dépôt du quinzième instrument de ratification ou d’adhésion.
En mai 2004, seules les Comores avaient ratifié le Protocole, et 28 autres pays l’avaient signé. Ces pays sont les suivants : Afrique du Sud, Algérie, Bénin, Burkina Faso, Burundi, Côte d’Ivoire, Congo, Djibouti, Gambie, Ghana, Guinée, Kenya, Lesotho, Libéria, Libye, Madagascar, Mali, Mozambique, Namibie, Nigéria, Ouganda, République Démocratique du Congo, Rwanda, Sénégal, Sierra Leone, Tanzanie, Togo et Zimbabwe.
Si la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (ci-après dénommée la Charte africaine) imposait déjà aux États parties d’éliminer la discrimination à l’égard des femmes et de protéger les droits humains universellement reconnus des femmes, le Protocole fournit des garanties plus complètes et plus spécifiques en matière de droits des femmes.
Il reconnaît et garantit aux femmes un large éventail de droits civils et politiques, ainsi que de droits économiques, sociaux et culturels, réaffirmant ainsi l’universalité, l’indivisibilité et l’interdépendance de tous les droits humains internationalement reconnus des femmes.
La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples va surveiller la mise en œuvre de ce Protocole par l’intermédiaire des rapports périodiques qui lui sont présentés par les États aux termes de la Charte africaine, mais c’est la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples qui «est compétente pour connaître des litiges relatifs à l’interprétation du présent Protocole, découlant de son application ou de sa mise en œuvre».
Il reconnaît et garantit aux femmes un large éventail de droits civils et politiques, ainsi que de droits économiques, sociaux et culturels, réaffirmant ainsi l’universalité, l’indivisibilité et l’interdépendance de tous les droits humains internationalement reconnus des femmes
Mécanisme de mise en œuvre
Comme précisé ci-dessus, le Protocole prévoit aussi un mécanisme de mise en œuvre. Selon l’article 26, «les États assurent la mise en œuvre du présent protocole au niveau national et incorporent dans leurs rapports périodiques présentés conformément aux termes de l’article 62 de la Charte africaine, des indications sur les mesures législatives ou autres qu’ils ont prises pour la pleine réalisation des droits reconnus dans le présent protocole». Par ailleurs, «la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples est compétente pour connaître des litiges relatifs à l’interprétation du présent Protocole, découlant de son application ou de sa mise en œuvre» (article 27).
Toutefois, en attendant la mise en place de la Cour africaine, c’est la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (ci-après dénommée la Commission africaine) qui «est compétente pour connaître des litiges relatifs à l’interprétation du présent Protocole et découlant de son application ou de sa mise en œuvre». La Commission africaine a été créée par l’article 30 de la Charte africaine.
Aux termes de cette Charte, son rôle principal est de promouvoir et de protéger les droits humains sur le continent africain. Son mandat comporte quatre volets : les activités de promotion, les activités de protection (avec notamment un mécanisme de plaintes), l’examen des rapports des États parties et l’interprétation de la Charte africaine. Elle se réunit deux fois par an, généralement en avril et en novembre, et peut aussi se réunir en sessions extraordinaires.
L’intégration du Protocole relatif aux droits des femmes dans le mécanisme de mise en œuvre de la Charte africaine s’inscrit dans la logique des dispositions de la Charte elle-même et permettra aux femmes dont les droits ont été violés aux termes du Protocole de s’adresser, en dernier recours, à la Commission africaine et à la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples afin que leurs droits soient reconnus et appliqués.
Conclusions et recommandations
L’adoption du Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes est une avancée significative qui va permettre d’intégrer pleinement les préoccupations relatives aux droits des femmes dans le système régional de défense des droits humains. Ce Protocole comble une lacune importante dans ce système, qui n’avait pour l’instant pas élaboré de cadre exhaustif pour la promotion et la protection des droits fondamentaux des femmes.
Plus important encore, le Protocole offre aux femmes une réelle voie de recours au niveau régional. Ainsi, les femmes victimes de violations des droits humains auront un instrument vers lequel se tourner et disposeront d’un moyen concret de s’adresser à des organismes qui comprendront les conséquences de ce qu’elles ont subi. Toutefois, cette possibilité ne deviendra réalité que si les États parties répondent concrètement aux besoins des femmes en matière de droits humains et prennent des mesures pour mettre en œuvre les engagements qu’ils ont pris. Amnesty International appelle donc les gouvernements africains qui ne l’ont pas encore fait à:
- condamner publiquement toutes les violations des droits fondamentaux des femmes et veiller à ne pas commettre de telles violations
- ratifier dans les plus brefs délais et sans aucune réserve le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes
- fournir des garanties constitutionnelles pour interdire la discrimination et garantir l’égalité entre les hommes et les femmes
- adopter des stratégies destinées à mettre en place des mécanismes juridiques et administratifs garantissant une justice efficace aux femmes victimes de violence
Ce Protocole comble une lacune importante dans ce système, qui n’avait pour l’instant pas élaboré de cadre exhaustif pour la promotion et la protection des droits fondamentaux des femmes
Article 2: Élimination de la discrimination à l’égard des femmes
1. Les États combattent la discrimination à l’égard des femmes, sous toutes ses formes, en adoptant les mesures appropriées aux plans législatif, institutionnel et autre. A cet égard, ils s’engagent à:
a) inscrire dans leur Constitution et autres instruments législatifs, si cela n’est pas encore fait, le principe de l’égalité entre les hommes et les femmes, et à en assurer l’application effective.
Article 3: Droit à la dignité
1. Toute femme a droit au respect de la dignité inhérente à l’être humain, à la reconnaissance et à la protection de ses droits humains et légaux.
2. Toute femme a droit au respect de sa personne et au libre développement de sa personnalité.
Article 5: Élimination des pratiques néfastes
b) interdire par des mesures législatives assorties de sanctions, toutes formes de mutilation génitale féminine, la scarification, la médicalisation et la para-médicalisation des mutilations génitales féminines et toutes les autres pratiques néfastes
c) apporter le soutien nécessaire aux victimes des pratiques néfastes en leur assurant les services de base, tels que les services de santé, l’assistance juridique et judiciaire, les conseils, l’encadrement adéquat ainsi que la formation professionnelle pour leur permettre de se prendre en charge
d) protéger les femmes qui courent le risque de subir les pratiques néfastes ou toutes autres formes de violence, d’abus et d’intolérance.
Article 6: Mariage
a) aucun mariage n’est conclu sans le plein et libre consentement des deux
b) l’âge minimum de mariage pour la fille est de 18 ans
e) les deux époux choisissent, d’un commun accord, leur régime matrimonial et leur lieu de résidence
f) la femme mariée a le droit de conserver son nom, de l’utiliser à sa guise, séparément ou conjointement avec celui de son mari
g) la femme mariée a le droit de conserver sa nationalité et d’acquérir la nationalité de son mari.
Article 8: Accès à la justice et l’égale protection devant la loi
Les femmes et les hommes jouissent de droits égaux devant la loi et jouissent du droit à la protection et au bénéfice égaux de la loi. Les États prennent toutes les mesures appropriées pour assurer:
a) l’accès effectif des femmes à l’assistance et aux services juridiques et judiciaires
b) l’appui aux initiatives locales, nationales, régionales et continentales visant à donner aux femmes l’accès à l’assistance et aux services judiciaires.
Amnesty International appelle donc les gouvernements africains qui ne l’ont pas encore fait à fournir des garanties constitutionnelles pour interdire la discrimination et garantir l’égalité entre les hommes et les femmes
Article 9: Droit de participation au processus politique et à la prise de décisions
1. Les États entreprennent des actions positives spécifiques pour promouvoir la gouvernance participative et la participation paritaire des femmes dans la vie politique de leurs pays, à travers une action affirmative et une législation nationale et d’autres mesures de nature à garantir que:
a) les femmes participent à toutes les élections sans aucune discrimination
b) les femmes soient représentées en parité avec les hommes et à tous les niveaux, dans les processus électoraux
c) les femmes soient des partenaires égales des hommes à tous les niveaux de l’élaboration et de la mise en œuvre des politiques et des programmes de développement de l’État.
Article 11: Protection des femmes dans les conflits armés
2. Les États doivent conformément aux obligations qui leur incombent en vertu du droit international humanitaire, protéger en cas de conflit armé les civils, y compris les femmes, quelle que soit la population à laquelle elles appartiennent.
3. Les États s’engagent à protéger les femmes demandeurs d’asile, réfugiées, rapatriées ou déplacées, contre toutes les formes de violence, le viol et autres formes d’exploitation sexuelle et à s’assurer que de telles violences sont considérées comme des crimes de guerre, de génocide et/ou de crimes contre l’humanité et que les auteurs de tels crimes sont traduits en justice devant des juridictions compétentes.
Article 12: Droit à l’éducation et à la formation
1. Les États prennent toutes les mesures appropriées pour:
a) éliminer toute forme de discrimination à l’égard des femmes et garantir l’égalité des chances et d’accès en matière d’éducation et de formation
2. Les États prennent des mesures concrètes spécifiques en vue de:
b) promouvoir l’inscription et le maintien des filles à l’école et dans d’autres centres de formation et l’organisation de programmes en faveur des filles qui quittent l’école prématurément.
Article 13: Droits économiques et protection sociale
Les États adoptent et mettent en œuvre des mesures législatives et autres mesures visant à garantir aux femmes l’égalité des chances en matière d’emploi, d’avancement dans la carrière et d’accès à d’autres activités économiques. A cet effet, ils s’engagent à:
a) promouvoir l’égalité en matière d’accès à l’emploi
b) promouvoir le droit à une rémunération égale des hommes et des femmes pour des emplois de valeur égale.
Article 21: Droit de succession
1. La veuve a le droit à une part équitable dans l’héritage des biens de son conjoint. La veuve a le droit, quel que soit le régime matrimonial, de continuer d’habiter dans le domicile conjugal. En cas de remariage, elle conserve ce droit si le domicile lui appartient en propre ou lui a été dévolu en héritage.
2. Tout comme les hommes, les femmes ont le droit d’hériter des biens de leurs parents, en parts équitables.
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