Auteur : E. Gyimah-Boadi, Fondation Kofi Annan
Gyimah-Boadi est cofondateur et membre du conseil d’Afrobarometer, une institution de recherche panafricaine impartiale qui mène des enquêtes portant sur les approches publiques s’agissant des questions de démocratie, de gouvernance, d’économie et de société dans plus de 30 pays. M. Gyimah-Boadi est également l’ancien directeur exécutif de CDD-Ghana, et professeur de sciences politiques à l’université du Ghana, à Legon.
La Fondation Kofi Annan est une organisation indépendante à but non lucratif, créée en Suisse en 2007 par feu l’ancien secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan. Elle se bat pour un monde plus juste et plus pacifique, où personne n’est laissé pour compte, où les principes démocratiques et l’État de droit sont respectés, et où les divisions sont comblées par le dialogue et la coopération internationale.
Author: E. Gyimah-Boadi, Kofi Annan Foundation
Gyimah-Boadi is a co-founder and board member of Afrobarometer, a pan-African, non-partisan research institution that conducts surveys of public approaches to democratic, governance, economic and social issues in over 30 countries. Mr Gyimah-Boadi is also the former Executive Director of CDD-Ghana, and a Professor of Political Science at the University of Ghana, Legon.
The Kofi Annan Foundation is an independent not-for-profit organization, established in Switzerland in 2007 by the late former UN Secretary-General Kofi Annan. They fight for a fairer and more peaceful world, where no one is left behind, democratic principles and the rule of law are upheld, and divides are bridged through dialogue and international cooperation.
Site de l’organisation : kofiannanfoundation.org
Date de publication : Décembre 2021/December 2021
Lien vers le document original
De nombreux coups d’État et tentatives de coup d’État ont à nouveau gangrené l’Afrique de l’Ouest au cours des 18 derniers mois, avec des coups d’État réussis au Mali, au Burkina Faso, en Guinée et des tentatives en Guinée-Bissau et au Niger. La plupart des pays d’Afrique de l’Ouest semblent désormais vulnérables à ces prises de pouvoir militaires, les gouvernements semblant de plus en plus fragiles. La conclusion du document est donc claire, la démocratie souffre dans la région. WATHI a choisi ce document car il présente un bref historique de la consolidation démocratique en Afrique de l’Ouest après la guerre froide ; évalue et cherche à expliquer le recul des normes et valeurs démocratiques récemment observé ; et met en avant les dividendes de la paix démocratique en Afrique de l’Ouest ainsi que les liens entre démocratie, droits humains et sécurité. Why did we choose this document? Numerous coup d’états and attempt coup d’états have once again gangrened West Africa over the last 18 months with success coups in Mali, Burkina Faso, Guinea and attempted in Guinea-Bissau and Niger. Most West African countries now seem vulnerable to these military takeovers as governments seem increasingly frail. The conclusion from the document is therefore clear, democracy is suffering in the region. WATHI has chosen this document as it gives a brief history of post-Cold War democratic consolidation in West Africa; assesses and seeks to explain the recent decline in democratic norms and values; and highlights the democratic peace dividend in West Africa and the links between democracy, human rights, and security.
Il existe de nombreux signaux d’alarme inquiétants qui devraient être pris en compte par les pays de la zone WATHI. La démocratie dans la région est en train de s’effriter, et des leçons devraient être tirées de documents tels que ceux-ci pour arrêter la route de la violence, des régimes autoritaires et des coups d’état que l’Afrique de l’Ouest connait actuellement. Principaux enseignements tirés du document : La CEDAO doit : What lessons for the countries of the WATHI zone? There are many worrying warning signs that should be heeded by WATHI countries. Democracy in the region is crumbling, and lessons should be drawn from documents such as these to stop the road to violence, authoritarian regimes and coups that West Africa is currently following. Key lessons from the document: ECOWAS must:
de la progression et du recul de la gouvernance démocratique dans son pays, et d’intégrer ses conclusions et ses observations aux canaux et processus nationaux et sous-régionaux de gouvernance démocratique, de promotion de la paix et de gestion des conflits.
Les extraits proviennent des pages : 5, 6, 7, 9, 10, 12, 13, 14, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 27, 28, 29, 30, 32, 33, 34, 35
La Révolution démocratique post-guerre froide en Afrique de L’Ouest
Comme dans le reste de l’Afrique et du monde, une vague de libéralisation politique et de transitions démocratiques déferle sur la sous-région de l’Afrique de l’Ouest à la fin des années 1980 et au début des années 1990. Entre 1990 et 1993, le Benin, la Guinée, le Mali, le Niger et le Togo organisent des conventions sur le modèle de la Conférence nationale souveraine, ouvrant la voie, pour la majorité d’entre eux, à de nouvelles constitutions démocratiques libérales, ou à l’amendement des constitutions existantes.
Au milieu des années 1990, la tendance à l’œuvre en Afrique de l’Ouest est résolument favorable à l’institutionnalisation d’une démocratie multipartite, fonctionnant notamment par le biais d’élections multipartites. Au cours de la décennie suivante, les élections pluralistes deviennent la norme dans la région, certaines s’avérant libres et équitables, érigeant de facto l’Afrique de l’Ouest en région modèle en matière de transition démocratique sur le continent.
L’autoritarisme ne disparaît pas pour autant, en témoigne la situation en Gambie, en Guinée-Bissau et au Togo. Mais aucun pays d’Afrique de l’Ouest n’entre dans le XXIe siècle sans avoir connu, au moins dans une certaine mesure, une réforme démocratique.
En outre, les parlements des nations ouest-africaines se renforcent, formalisant un certain degré de surveillance législative sur la présidence et la branche exécutive.
Le réseau en expansion constante de radios FM, chaînes de télévision (gratuites ou par câble), journaux et magazines privés dans de nombreuses nations d’Afrique de l’Ouest à partir du milieu des années 1990 met à mal le monopole étatique sur les médias d’actualités. La censure officielle est sensiblement allégée dans la plupart des pays, favorisant l’émergence d’une pratique journalistique d’investigation et l’exposition par les médias locaux de certains crimes et délits commis par les autorités.
Un indicateur de l’adoption des normes démocratiques dans la sous-région est le Protocole A/SP1/12/01 sur la Démocratie et la Bonne Gouvernance additionnel au protocole relatif au mécanisme de prévention, de Gestion, de règlement des conflits, de maintien de la Paix et de la Sécurité de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).
En se prévalant de ce Protocole et d’autres conventions et pactes pro-démocratiques adoptés par l’Union africaine (UA) – laquelle refuse toute reconnaissance officielle aux gouvernements et dirigeants qui accèdent au pouvoir par des voies « anticonstitutionnelles » – la CEDEAO interdit de manière effective l’accession au pouvoir gouvernemental par le biais de coups d’État militaires. L’exécution de conventions et protocoles régionaux pro démocratiques permet ainsi à la CEDEAO de mettre au ban des nations de manière officielle.
Le réseau en expansion constante de radios FM, chaînes de télévision (gratuites ou par câble), journaux et magazines privés dans de nombreuses nations d’Afrique de l’Ouest à partir du milieu des années 1990 met à mal le monopole étatique sur les médias d’actualités
Les classements « Freedom in the World » (« La liberté dans le monde ») établis par Freedom House permettent de mesurer les progrès accomplis en matière de libéralisation politique de l’Afrique de l’Ouest au cours de la décennie ayant suivi les transitions démocratiques des années 1990. En moyenne, sur la décennie 1981-1990, neuf des 15 pays de la CEDEAO ont été classés, chaque année, comme « non libres ». Ce nombre est passé à cinq pour la décennie 1991-2000, puis à trois pour la décennie 2001-2010.
Démocratisation de l’Afrique de l’Ouest : Les dividendes de la paix et du développement
Il n’est pas évident d’établir un lien causal direct entre les réformes démocratiques des années 1990 et la paix sans précédent qui prévaut alors dans la région. Et pour cause : les différends qui émaillent la communication des résultats des élections multipartites entraînent des conflits violents et des guerres civiles dans des nations ouest-africaines telles que le Nigéria, le Libéria ou la Sierra Leone.
Cependant, la démocratisation des systèmes politiques – et particulièrement le constitutionnalisme, à commencer par l’indépendance des organes judiciaires et de gestion des élections et les limites constitutionnelles au renouvellement des mandats présidentiels – contribue fortement à normaliser les modes de transition pacifiques, reléguant les coups d’État militaires au rang des mauvais souvenirs.
On peut raisonnablement avancer que la programmation d’élections régulières, associée à l’espoir réaliste parmi les partis et candidats de voir le pouvoir transmis aux vainqueurs légitimes, constitue un facteur clé de la quasi-disparation des coups d’État militaires dans la région.
Incontestablement, les progrès socioéconomiques des pays d’Afrique de l’Ouest au cours des années 2000 sont largement imputables aux politiques particulièrement généreuses de financement du développement. Les progrès en matière de gouvernance démocratique constituent des critères d’éligibilité pour bénéficier de l’assistance et des subventions concessionnelles au développement de la part des nations occidentales/du G7 et des agences financières multilatérales/internationales.
Le récent recul de la gouvernance démocratique dans la sous-région
Le statut de région pionnière de l’Afrique de l’Ouest en matière de gouvernance démocratique ne se dément pas sur de nombreux aspects. La plupart des dirigeants de la sous-région continuent d’être désignés via des processus électoraux largement démocratiques. Les présidents ont en majorité respecté les limitations imposées quant au nombre de mandats autorisés.
En se prévalant de ce Protocole et d’autres conventions et pactes pro-démocratiques adoptés par l’Union africaine (UA) – laquelle refuse toute reconnaissance officielle aux gouvernements et dirigeants qui accèdent au pouvoir par des voies « anticonstitutionnelles » – la CEDEAO interdit de manière effective l’accession au pouvoir gouvernemental par le biais de coups d’État militaires
Cependant, les événements qui ont eu lieu plus récemment en Afrique de l’Ouest offrent un tableau moins réjouissant quant au niveau de démocratie et de gouvernance. Si les urnes demeurent le principal mécanisme de désignation des dirigeants, la qualité des élections se dégrade. Les présidents sortants hésitent de moins en moins à s’adonner au bourrage des urnes et à fomenter des plans pour éliminer l’opposition, tirant apparemment parti des nouvelles priorités de l’Occident (à savoir la lutte contre l’extrémisme violent et les autres menaces géopolitiques) et du laxisme observé dans l’application des protocoles en faveur de pratiques démocratiques et d’élections transparentes, sous la houlette d’organes africains continentaux et sous régionaux.
En outre, les élections dans la région de la CEDEAO s’accompagnent de plus en plus d’intimidations et de violences. Des éléments probants indiquent également la résurgence de tentatives de contourner les urnes, avec une remise en cause des élections comme seule voie de changement de pouvoir acceptable. Les événements récents au Mali et au Niger soulèvent à juste titre des inquiétudes sur le spectre du retour des armes lors des transitions de pouvoir en Afrique de l’Ouest.
Les signes d’un possible recul démocratique dans certains pays d’Afrique de l’Ouest abondent. Dans une région qui a failli adopter la limitation constitutionnelle du nombre de mandats en tant que norme régionale de la CEDEAO il y a quelques années seulement, les tentatives des présidents sortants de renouveler leur mandat au-delà de la limite constitutionnelle tendent à se généraliser.
Les partis d’opposition demeurent, mais leurs activités sont de plus en plus limitées, voire criminalisées, et leurs chefs pourchassés. Des menaces à la démocratie sont même observées au Ghana, pourtant classé comme « libre » depuis 2000.
Les Facteurs de recule de la gouvernance en Afrique de L’Ouest
Les Facteurs internes
Les manipulations du processus électoral impliquent aussi souvent la suppression de fichiers d’électeurs par l’intermédiaire de lois restrictives, l’inscription de « noms fantômes » dans les listes électorales, et l’intimidation des électeurs. Les bulletins falsifiés, le bourrage des urnes, les erreurs volontaires dans le décompte des votes ou l’annonce des résultats, ou encore le piratage des systèmes de transmission des résultats des scrutins constituent d’autres formes de fraude électorale déployées en vue d’affaiblir la démocratie.
La présence de plus en plus prégnante de consultants internationaux en relations médias et RP pose de nouveaux défis pour la politique démocratique ouest-africaine, en particulier en ce qui concerne l’intégrité électorale.
On peut raisonnablement avancer que la programmation d’élections régulières, associée à l’espoir réaliste parmi les partis et candidats de voir le pouvoir transmis aux vainqueurs légitimes, constitue un facteur clé de la quasi-disparation des coups d’État militaires dans la région
Les campagnes électorales, y compris les primaires et les autres scrutins internes aux partis, sont devenues extrêmement coûteuses. Ce sont elles qui, pour l’essentiel, dictent la hausse des coûts et la financiarisation de la politique dans les démocraties africaines.
L’économie politique intérieure constitue un autre obstacle à la démocratisation de l’Afrique de l’Ouest. Ces dernières années, les économies ouest-africaines ont enregistré des taux de croissance élevés. Cependant, cette croissance ne s’est pas toujours accompagnée d’une hausse du nombre d’emplois, et ses dividendes n’ont pas été distribués de manière équitable entre les citoyens. Les innombrables pauvres qui ont été laissés sur le bord de la route peuvent voir leurs voix achetées, ou être recrutés pour commettre des actes de violence partisane, ce qui représente un danger mortel pour la démocratie dans la région.
La culture politique autoritaire toujours présente, fondée sur le statu quo précolonial, colonial et post-colonial, constitue un autre facteur entravant la démocratisation en Afrique de l’Ouest. Bien qu’en partie apaisées, les divisions ethnico-régionales font toujours partie du paysage politique ouest-africain. Ce vestige de la stratégie consistant à « diviser pour régner », prévalant sous le joug colonial, continue de gangrener la politique démocratique dans la région, avec des effets dévastateurs.
Les facteurs externes
L’environnement externe de la démocratisation en Afrique de l’Ouest est devenu de plus en plus défavorable, contrastant fortement avec le contexte mondial et régional qui prévalait au cours des quinze premières années de la renaissance démocratique dans la sous-région.
Avant tout, le projet de gouvernance démocratique ouest-africain souffre de l’absence de défenseurs investis. Par opposition, les leaders actuels de la CEDEAO semblent se préoccuper davantage de l’économie de la région que d’une éventuelle convergence constitutionnelle.
Il en est de même pour les mécanismes de la CEDEAO et de l’UA, insuffisants pour surveiller de manière systématique les événements émaillant les pays d’Afrique de l’Ouest et alerter la communauté internationale au sujet des menaces émergentes affectant la démocratie.
La conjoncture mondiale n’a pas favorisé un tant soit peu l’essor démocratique ouest-africain au cours de la décennie écoulée. Alors que l’élan pro-démocratique né des événements internationaux post-guerre froide s’essouffle, les aides internationales qui avaient essaimé dans son sillage en faveur des mouvements et processus pro-démocratiques en Afrique (sections locales de Transparency International, organisations domestiques de surveillance des scrutins, et autres groupes de défense prônant la reddition de comptes) ont elles aussi marqué le pas.
Les signes d’un possible recul démocratique dans certains pays d’Afrique de l’Ouest abondent
Cette tendance défavorable est sous-tendue par divers événements ayant ponctué la fin de la première décennie du nouveau millénaire, en particulier la crise financière et énergétique mondiale de 2008-2009, qui a suscité parmi les nations occidentales le souhait de pallier les bouleversements économiques et sociaux qui s’en sont suivis tant au niveau national que régional.
Bien qu’il semble désormais avoir perdu en vigueur, le récent essor mondial du commerce des marchandises issues de l’extraction a eu un impact négatif sur la démocratisation en Afrique de l’Ouest. Cet essor a suscité les convoitises de la Chine et d’autres économies non occidentales à la croissance rapide, peu soucieuses du caractère responsable ou non de la gouvernance exercée par les États associés et les partenaires externes.
Malheureusement, la démocratisation n’est pas réellement parvenue à refréner les tendances cleptocratiques des leaders politiques et de leur entourage dans les États d’Afrique de l’Ouest. Les coups portés à la démocratie en Occident, aux États-Unis en particulier, ont eu des conséquences dramatiques sur la capacité de ces pays à défendre l’idéal démocratique, en Afrique de l’Ouest comme ailleurs.
Les sept dernières années ont vu l’émergence spectaculaire de partis et dirigeants populistes d’extrême droite aux États-Unis, en Europe et en Amérique latine, mettant en danger les systèmes de contre-pouvoirs institutionnels ainsi que l’État de droit alors que ces dirigeants tentent de renforcer leur emprise sur les rênes du pouvoir.
Gouvernance démocratique en Afrique de L’Ouest – Extrémisme violent, insurrections, et autres défis sécuritaires grandissants
Certains des défis les plus sérieux auxquels est confrontée la gouvernance démocratique d’Afrique de l’Ouest aujourd’hui, et qui contribuent au recul de celle-ci, peuvent être qualifiés d’épisodiques. Parmi ceux-ci, on compte en premier lieu les menaces de sécurité grandissantes dans certaines parties de la région de la CEDEAO.
Au Niger et au Mali, les tensions et les éruptions de violence entre les forces gouvernementales et les rebelles touaregs et d’autres groupes ethniques du nord des deux pays s’intensifient à la fois en termes de fréquence et de bilan humain depuis le décès de Kadhafi et le retour des Touaregs et des mercenaires qui avaient combattu à ses côtés.
L’impact de la Covid-19 sur la démocratie, la bonne gouvernance et l’intégrité électorale
La COVID-19 a engendré de nouvelles menaces à l’encontre des processus démocratiques partout en Afrique de l’Ouest. En raison de la pandémie, une coercition excessive a été exercée dans l’exécution des mesures de santé publique : à un moment, plus de citoyens nigérians auraient été tués par les agents de sécurité « faisant appliquer » les restrictions liées à la pandémie que par le coronavirus lui-même.
Les risques pour la paix, le développement, et les droits humains dans la région
En outre, seuls 38 % des Africains de l’Ouest estiment que leur gouvernement propose une offre démocratique complète. Le recul démocratique en Afrique de l’Ouest advient par ailleurs dans un contexte de frustrations grandissantes des citoyens à l’égard de leurs conditions économiques et sociales.
Des réponses gouvernementales inadaptées
Malheureusement, les réponses des gouvernements face à l’expression du mécontentement des citoyens quant à la mauvaise gouvernance économique et politique, à la corruption, à l’impunité des responsables officiels, aux abus de pouvoir et aux violations des droits humains sont de plus en plus insuffisantes, et parfois tout simplement inadaptées.
Malheureusement, la démocratisation n’est pas réellement parvenue à refréner les tendances cleptocratiques des leaders politiques et de leur entourage dans les États d’Afrique de l’Ouest
En définitive, la répression exercée par le Gouvernement, associée à l’absence de réponses crédibles à la mauvaise gouvernance, à la négligence, à la pauvreté endémique, aux inégalités et au chômage des jeunes, aggravera certainement le mécontentement populaire et renforcera la défiance entre les citoyens et leur Gouvernement. Pire encore, ces événements constituent un terreau fertile pour l’État islamique et les autres groupes extrémistes violents, en leur permettant de gagner du terrain dans de nouveaux territoires en Afrique de l’Ouest, et en particulier les régions du Sahel.
Synthèse et conclusions
Au cours des quinze premières années du millénaire, la gouvernance démocratique a enregistré des progrès constants dans la région de la CEDEAO, contribuant ainsi à y instaurer un climat de paix et à favoriser son développement socioéconomique. Cependant, la gouvernance démocratique a commencé à reculer dans la région ces dernières années. Des témoignages et les résultats des enquêtes Afrobarometer montrent que cette tendance va à l’encontre des préférences et des aspirations des citoyens ordinaires, largement favorables à la démocratie.
Par ailleurs, les tentatives des gouvernements et des élites politiques d’exercer un contrôle autoritaire et d’asservir l’État ne font qu’élargir le fossé entre les attentes des citoyens en matière de bien‑être matériel et leur réalité quotidienne.
En l’absence d’une gouvernance favorable à la démocratie, transparente et inclusive assurée par les acteurs étatiques et sous-régionaux, la région de la CEDEAO pourrait entrer dans une dangereuse phase de confrontations intenses et prolongées opposant les gouvernements et les élites politiques d’une part, et les citoyens et les communautés mécontents de l’autre. Les menaces qui pèsent sur la démocratie et la gouvernance responsable ne peuvent être dissociées des préoccupations plus globales concernant les problèmes croissants en matière de sécurité, notamment les menaces existantes et nouvelles que représentent l’agitation publique et les insurrections dans l’ensemble de la sous-région.
Les dirigeants de la région de la CEDEAO et leurs partenaires et alliés, tant continentaux que mondiaux, doivent prendre des mesures pour combler le fossé entre les aspirations populaires à la démocratie, à la liberté et au développement socioéconomique, et la réalité, caractérisée par une offre insuffisante, voire défaillante.
Source photo : kofiannanfoundation.org/