Auteurs : Karim El Aynaoui & Aomar Ibourk, Président exécutif & Senior fellow, Policy Center for the New South
Policy Center for the New South (PCNS) est un Think tank marocain dont la mission est de contribuer à l’amélioration des politiques publiques, aussi bien économiques que sociales et internationales, qui concernent le Maroc et l’Afrique, parties intégrantes du Sud global.
Date de publication : 22 février 2022
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Site de l’organisation : Policy Center for the New South
La migration internationale est un phénomène qui s’est accru ces dernières années en Afrique, en raison de plusieurs facteurs dont le boom démocratique, la pauvreté, l’instabilité politique et la transition vers l’intégration continentale, entre autres. L’Organisation internationale pour les migrations estime qu’entre 2008 et 2017, le nombre de nouveaux arrivants en provenance d’un autre pays africain a presque doublé, passant de 13,3 millions à 25,4 millions de migrants au cours de la décennie, soit un taux de croissance annuel moyen de 7,5 pour cent. 26% des migrants africains ont comme destination extérieure l’Europe, alors que 50% des migrants africains résident dans des pays du continent. Il importe pour l’Afrique et l’Europe de développer des partenariats bilatéraux pour favoriser les bonnes conditions d’identification, d’anticipation, de développement et de portabilité des compétences. WATHI a choisi ce document, car il met en lumière l’importance des questions de reconnaissance des qualifications au niveau de la gestion de l’intégration des immigrés en Afrique. En effet, les pays de la région prennent conscience de ces enjeux et se dotent ou élaborent de plus en plus des politiques ou stratégies en matière de migration.
Pour profiter au mieux des relations avec leurs partenaires, aussi bien sur le continent qu’en Europe ou ailleurs, les pays africains doivent améliorer la compatibilité des systèmes de développement, de reconnaissance, d’identification et d’anticipation des compétences en matière de migration. Cela demande de :
Les extraits proviennent des pages : 73-76 ;78-79 ;81
La portabilité des compétences au cœur d’un partenariat de co-développement Afrique-Europe
L’accentuation des mouvements migratoires et la multiplication de leurs formes et implications ont suscité beaucoup d’attention de par le monde, particulièrement en Afrique. C’est dans ce contexte d’importance croissante qu’est intervenue l’adoption du Pacte mondial pour faciliter une migration sûre, ordonnée et régulière. Au centre des aspirations portées par ce Pacte mondial se positionnent le soutien de la coopération internationale en matière de gouvernance des migrations ainsi que la multiplication des choix politiques pour répondre à certaines des questions les plus urgentes.
Dans cette perspective, l’Europe et l’Afrique ont toujours exprimé leur volonté pour favoriser leur coopération dans les domaines des compétences et de la migration. Pour l’Europe, veiller à ce que le capital humain des Africains se développe pleinement et soit reconnu dans tout le continent revêt une grande importance, non seulement pour la gestion de la question migratoire, mais aussi, pour le bien-être et la stabilité dans le Vieux continent. En Afrique, le boom démographique et la transition vers l’intégration continentale exigent une amélioration des capacités humaines productives, entre autres, par la formation et la mobilité.
La réalisation des objectifs des agendas africains et la reprise après la pandémie de la Covid-19 dépendront, entre autres, des efforts déployés pour renforcer le capital social et la gouvernance de la migration, mais également des mesures prises pour s’attaquer aux lacunes et défis du marché. La portabilité des compétences est, alors, une condition importante pour favoriser les partenariats dans le domaine des compétences et de la migration.
La réalisation des objectifs des agendas africains et la reprise après la pandémie de la Covid-19 dépendront, entre autres, des efforts déployés pour renforcer le capital social et la gouvernance de la migration
En Afrique, le boom démographique et la transition vers l’intégration continentale exigent une amélioration des capacités humaines productives, entre autres, par la formation et par la mobilité. Aussi, la réalisation des objectifs des agendas africains et les exigences d’une reprise après la pandémie de la Covid-19 dépendront, entre autres, des efforts à déployer pour renforcer le capital social et la gouvernance de la migration, mais également pour s’attaquer aux lacunes et aux défis du marché du travail par des mesures telles que les partenariats bilatéraux pour la mobilité des compétences. Une question qui se pose dans ce contexte est de savoir quel est l’état des lieux de la mobilité des compétences en Afrique, notamment en ce qui concerne leur portabilité.
La migration africaine : quelques faits stylisés
Les tendances migratoires africaines continuent de s’intensifier. En effet, le nombre de migrants internationaux africains s’est remarquablement accru ces vingt dernières années, passant de 15.1 millions en 2000 à 25.4 millions en 2020. Comparativement aux autres régions du monde, cette progression de 76 % en vingt ans place le continent africain au top en termes de croissance, et a contribué à la hausse de la part des migrants internationaux en Afrique par rapport au total mondial de 9 % en 2000 à 10 % en 2020 (par rapport à la population totale, le stock de migrants internationaux est passé de 2,5 % en 1990 à 1,9 % en 2020).
Les migrants ressortissants d’Afrique et ceux y résidant ne représentent que des parts respectives de 15 % et 10 % du total mondial en 2020
Malgré l’accentuation relative des mouvements migratoires en Afrique, les migrants ressortissants d’Afrique et ceux y résidant ne représentent que des parts respectives de 15 % et 10 % du total mondial en 2020. L’Asie a été l’origine de 43 % des migrants et en a accueilli 31 %. En Europe, ces pourcentages sont autour de 23 % et 30 %, respectivement. Pour l’Amérique latine et les Caraïbes, ils se situent à environ 4 % et 16 %, respectivement. L’Amérique du Nord, qui a accueilli 22 % des migrants internationaux, n’est l’origine que d’environ 1 %.
La répartition des migrants internationaux résidant en Afrique indique que 60 % se trouvent en Afrique de l’Est (30 %) et en Afrique de l’Ouest (30 %). Les autres régions sont très proches en termes de parts. En effet, l’Afrique centrale accueille 15 % des migrants internationaux, contre 13 % pour l’Afrique du Nord et 12 % pour le Sud de l’Afrique. En outre, huit pays ont accueilli la moitié des migrants résidant en Afrique en 2020, à savoir : la Côte d’Ivoire (11 %), l’Ouganda (8 %), le Soudan (6 %), le Nigeria (6 %), l’Ethiopie (5 %), le Kenya (5 %), la République démocratique du Congo (4 %), et le Sud Soudan (4 %).
Dans leur grande majorité, les migrants africains ne se dirigent pas vers l’Europe ou l’Amérique du Nord, mais la part du lion de la migration africaine reste au sein du continent. En effet, l’Afrique est la première destination des migrants africains, avec 52 % du total des migrants, suivie par l’Europe (27 %), l’Asie (12 %) et l’Amérique du Nord (8 %).
En 2019, l’Afrique était le continent le plus jeune pour les migrants internationaux, avec un âge médian de 30,9 ans, et une part des jeunes âgés de 15 à 39 ans se situant autour de 40 %. En Afrique de l’Ouest, les jeunes (15-39 ans) représentaient 51 % de tous les migrants. Leurs parts se sont élevées à 43 % en Afrique de l’Est, 50 % en Afrique centrale, 52 % au Sud de l’Afrique et 41 % au Nord.
Dans leur grande majorité, les migrants africains ne se dirigent pas vers l’Europe ou l’Amérique du Nord, mais la part du lion de la migration africaine reste au sein du continent
Les réfugiés ne représentent qu’environ 20 % des migrants africains et la majorité des migrants d’Afrique sont motivés par des raisons économiques, notamment la recherche d’un emploi et de meilleures opportunités économiques. A titre d’exemple, 70 à 90 % des personnes interrogées dans 14 pays de l’Afrique de l’Ouest, lors des enquêtes de l’Afro baromètre, ont indiqué des considérations économiques (y compris « trouver du travail », « difficultés économiques », « pauvreté » et « meilleures perspectives commerciales ») comme la raison majeure motivant leur décision d’émigrer
La gestion et l’intégration de l’immigration en Afrique de l’Ouest : la place de la reconnaissance des qualifications
Aujourd’hui, alors que la migration de main-d’œuvre est la forme dominante des flux migratoires en Afrique, la gestion et l’intégration de l’immigration est devenue une nécessité pour le développement. Cela est d’autant plus important que le continent avance à pas de géant vers l’intégration par la mise en œuvre, entre autres, de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) et du protocole continental de libre circulation.
L’importance est associée également aux éventuels effets positifs de la migration sur la transformation structurelle et la réaffectation des ressources d’activités à faible productivité vers des activités à plus forte productivité, à l’amélioration de la productivité du travail dans les secteurs qui connaissent des taux de migration relativement élevés et les secteurs à forte intensité de compétences, et à la réduction des pénuries de main-d’œuvre.
En Afrique de l’Ouest, la migration de main-d’œuvre comprend la migration temporaire, saisonnière et permanente, ainsi que les mouvements transfrontaliers à court terme. Les migrations saisonnières sont courantes dans la région agropastorale du Sahel. Le commerce et l’agriculture sont les secteurs d’immigration les plus courants dans les pays de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). La grande majorité des étrangers occupent des emplois peu qualifiés dans le secteur informel, qui, dans la plupart des pays, ne permet pas l’accès au permis de séjour et encore moins de résidence.
Dans ce contexte, la plupart des pays de la région se dotent de politiques ou stratégies sur la migration, ou du moins en prévoient l’élaboration. Hormis la Guinée et le Togo, tous les pays de la CEDEAO font référence à la migration au niveau de leurs stratégies de développement. Toutefois, très peu sont les pays qui voient dans les travailleurs étrangers un élément indispensable pour répondre aux besoins du marché du travail national.
La Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) est la seule jusqu’à présent à avoir adopté un cadre régional de qualifications
Ceci se reflète souvent au niveau de la législation du travail, dont les formalités et les conditions manquent de précision et de clarté, dans la plupart des pays lorsqu’il s’agit de questions des immigrés (permis de séjour, permis de résidence, délivrance des visas, renouvellement, etc.). Néanmoins, certains codes nationaux du travail sont mis en place pour garantir l’égalité de traitement des travailleurs nationaux et étrangers en ce qui concerne leurs droits et obligations (comme c’est le cas au Burkina Faso, au Cabo Verde, au Ghana, en Guinée-Bissau, en Côte d’Ivoire, au Liberia, au Mali, au Nigeria, au Sénégal et au Togo).
La Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) est la seule jusqu’à présent à avoir adopté un cadre régional de qualifications qui va au-delà de l’enseignement supérieur en Afrique. Toutefois, de nombreuses expériences passées et présentes offrent une base sur laquelle concevoir des mécanismes permettant de développer des systèmes de reconnaissance des qualifications tant dans l’enseignement supérieur que dans l’enseignement et la formation techniques et professionnels (EFTP).
Source photo : PCNS