Contribuer, par la recherche scientifique, la formation et l’information scientifique au renforcement des capacités du Burkina Faso et des autres pays de l’Afrique de l’Ouest et du Centre en lien avec les principaux enjeux de développement, est l’une des missions fondamentales du CRES. Pour atteindre cet objectif, le CRES s’est doté d’un modèle de production des connaissances, assorti de schémas de gestion et de transfert de ces connaissances. De manière générale, le CRES s’est fixé quatre missions: la recherche scientifique fondamentale et appliquée, l’enseignement supérieur, l’information scientifique et les services à la collectivité. Les canaux utilisés par le CRES pour la dissémination des résultats de ses recherches sont : a) les revues scientifiques internationales, b) les notes de recherches du CRES, c) le cahier des changements climatiques, d) la collection science pour la Gouvernance, e)le Journal de la recherche du CRES et f) la Lettre scientifique du CRES. Depuis sa création, le CRES travaille à être une institution libre de toute tutelle et porteuse de valeurs humanistes. Solidement ancré dans son territoire, le Burkina Faso, le CRES aspire également à accroître progressivement son attractivité et son rayonnement en Afrique et à l’international. Au cœur du projet du CRES, il y a la production et la diffusion des connaissances dans des domaines stratégiques pour le développement en Afrique.
L’activité principale du Centre africain de recherche scientifique et de formation (CRES) est la recherche avec un volet doctoral assez important. Le CRES offre aussi un cadre de formations diplômantes et continues, ainsi que des services à la société : la collecte et le transfert de l’information, l’appui aux décideurs politiques et aux acteurs de développement, pour l’intégration de la science dans la prise de décision des politiques de développement. Nous sommes surtout axés sur le transfert des connaissances, le développement des compétences en lien avec les questions de développement et les politiques, avec un focus sur les changements climatiques et l’environnement. Le financement de la recherche Nous n’avons pas de véritables financements pour la recherche. Le CRES vit de ses ressources propres avec les frais de scolarité des différentes formations offertes. Cependant, nous comptons mettre en place un système de financement basé sur les appels à projets. Nous l’avons fait par le passé. Nous allons le reprendre et nous allons nous impliquer dans les programmes pour que la recherche soit financée convenablement au regard des résultats assez probants que nous avons actuellement. Je pense que le CRES doit avoir la capacité de “vendre” son expertise et en vivre. Nous avons reçu des financements de l’État, des startups, mais je ne suis pas dans cette optique. Je suis dans une optique qui est de s’affirmer et de “vendre” notre expertise. C’est selon moi la voie de l’indépendance intellectuelle. Les résultats de la recherche Nous avons développé un modèle de mobilisation et de transfert des informations météorologiques aux populations à la base. Ce modèle permet aux populations de recevoir à des moments donnés, l’information météorologique dans un format spécifique et dans leur langue. Ce modèle est un grand succès et je sais qu’il est largement utilisé au Burkina par beaucoup de chercheurs et par d’autres hors du Burkina. C’est un résultat qui améliore considérablement le vécu des populations, car en recevant ces informations, les populations peuvent prendre des décisions concernant leurs activités.
98% des projets que l’on rencontre ne sont pas des projets scientifiques, mais plutôt commerciaux
Le CRES a construit au cours de ces dix dernières années un ensemble de questions à propos de la résilience. Les considérations actuelles de la résilience au niveau des catastrophes portent plus dans des pratiques que les modèles théoriques qui régissent l’action. Nous avons développé une théorie globale à travers des modèles qui définissent la résilience, mais aussi à travers un outil méthodologique qui s’appelle «Climprospect». Nous avons travaillé à le promouvoir et cela a pris 10 ans. Le modèle se fonde un peu sur la mécanique quantique et sur d’autres éléments de la physique mathématique. Il y a toute une boîte noire, mais il y a une version accessible à tout utilisateur. Nous faisons beaucoup de formations à cet effet. C’est un modèle qui est très utilisé aujourd’hui. L’importance de la recherche Il apparaît de plus en plus que les changements climatiques constituent un catalyseur qui va participer au délitement de certains pays, notamment au Sahel. Cela pose la question pour les scientifiques de l’efficience et de la performance des processus de résilience. Ce sont des questions qui appellent des réponses assez conséquentes. On n’a pas ces réponses aujourd’hui, mais il faut les chercher. Pour cela, a-t-on un cadre adéquat permettant la recherche?
Nous avons développé un modèle de mobilisation et de transfert des informations météorologiques aux populations à la base. Ce modèle permet aux populations de recevoir à des moments donnés, l’information météorologique dans un format spécifique et dans leur langue
En développant des méthodologies plus robustes, plus en phase avec notre contexte cela participera à résoudre ce grand problème. La résilience en général, la résilience de la sécurité alimentaire sont des problèmes secondaires. Les problèmes de premier ordre sont les changements climatiques et les mutations qui peuvent remettre en cause les États. On commence d’ailleurs à lier ce qui se passe au Sahel à ces aspects. Ainsi, en plus de participer à construire des conditions de développement durable, je pense que la question même de l’existence des États est remise en cause par ce phénomène. La science a un rôle important à jouer évidemment avec une interface, avec les acteurs du développement et les décideurs. Je pense que la voie la plus indiquée c’est que des centres comme le nôtre accueillent en séjour scientifique des gens qui vont retourner dans l’administration pour la prise de décisions. Je pense que la recherche pour qu’elle soit utile doit jouer sur trois registres. Il y a le contenu, il y a le format et il y a l’adéquation entre les préoccupations, le format et le contenu. Sans le respect de ces principes, un projet ne peut marcher. Pour notre projet par exemple, Il s’agit de recueillir l’information auprès des services de la météorologie, ensuite de la simplifier et de traduire cette information en trois langues, puis de diffuser l’information à des moments bien définis. C’est un processus très rigoureux qui explique le succès de notre projet. L’information brute météorologique n’intéresse pas la population. Une personne était chargée de simplifier cette information, une autre devait la passer en langue locale par le canal de trois radios qui devaient impérativement diffuser cette information à des heures bien précises. Les défis de la recherche Le domaine de la recherche a besoin de leadership. Nous avons besoin de quelqu’un qui sert de locomotive. Pour cela, il faut que nos centres nationaux de recherche fonctionnent en tant que tel. Ainsi, ils créeront un climat qui permettra à la recherche de se développer. Vous savez que les instituts publics sont en train de mourir et que les instituts privés prennent la relève. C’est le coup de grâce pour l’Afrique et c’est un danger; parce que ces instituts privés ne font pas de la recherche et j’ai l’impression qu’on ne mesure pas assez ce danger.
L’actualité fait que la priorité actuelle c’est la sécurité et pas la recherche. Il est même indécent d’évoquer la recherche actuellement au Burkina. Personne n’a vraiment envie de vous écouter
Il est impossible de se développer sans la recherche, mais les cadres publics chargés de la recherche sont en train de se déliter. 98% des projets que l’on rencontre ne sont pas des projets scientifiques, mais plutôt commerciaux. Remarquez dans la sous-région, même au Sénégal, les jeunes chercheurs de nos instituts sont plutôt préoccupés par l’obtention d’un poste à la Banque mondiale, au PNUD ou ailleurs. Si les meilleurs s’en vont, ce n’est pas avec les médiocres que la recherche va progresser. Les difficultés Le CRES est dans un environnement où faire de la recherche est difficile parce que par exemple, on n’a pas toujours accès aux données que l’on veut et elles n’ont pas toujours la qualité que l’on souhaite avoir. Nous sommes dans un environnement toujours tourné vers l’urgence au lieu d’un cadre où des grands programmes de recherche sont lancés pour plus d’impact. Beaucoup de centres de recherche, dont le CRES, fonctionnent dans ce contexte et il faut que cela s’améliore. On est emporté par l’environnement ambiant, par les questions de données et de financement.
Nous sommes dans un environnement toujours tourné vers l’urgence au lieu d’un cadre où des grands programmes de recherche sont lancés pour plus d’impact
L’actualité fait que la priorité actuelle c’est la sécurité et pas la recherche. Il est même indécent d’évoquer la recherche actuellement au Burkina. Personne n’a vraiment envie de vous écouter. Je pense qu’il faut que les populations plus instruites considèrent la recherche comme une ressource de développement au même titre que l’argent et la terre. Sans quoi, nous n’allons pas nous en sortir. Le CRES est dans cette dynamique non seulement de produire une information de qualité, mais aussi et surtout de la rendre accessible.
Titulaire d’un Doctorat en Sciences physiques et mathématiques, ses domaines d’expertises sont la réduction des risques de catastrophes, la résilience face aux changements climatiques, la recherche scientifique en appui à la résilience face aux changements climatiques. Il est actuellement le directeur du Centre africain de recherche scientifique et de formation ( CRES).
The African Center for Scientific Research and Training contributes to the reinforcement of the capacities of Burkina Faso and other countries of West and Central Africa in relation to main development issues through scientific research, training, and scientific information. To achieve this objective, CRES has developed a knowledge production model, with schemes for the management and transfer of this knowledge. In general, CRES has four missions: basic and applied scientific research, higher education, scientific information, and community service. The channels used by CRES to disseminate the results of its research are: a) international scientific journals, b) CRES research notes, c) the climate change journal, d) the scientific collection for governance, e) the CRES Research Journal, and f) the CRES Scientific Newsletter. Since its creation, CRES has worked to be an institution free of any tutelage and bearing humanist values. Firmly anchored in its territory, Burkina Faso, CRES also aspires to gradually increase its attractiveness and influence in Africa and internationally. At the heart of the CRES project is the production and dissemination of knowledge in strategic areas for development in Africa.
The main activity of the African Center for Scientific Research and Training (CRES) is research with a fairly large doctoral component. The CRES also offers a framework for diplomas and continuing education, as well as services to society: the collection and transfer of information, support to political decision-makers and development actors for the integration of science in the decision-making process of development policies. We focus on knowledge transfer and skills development in relation to development issues and policies, with a focus on climate change and the environment. Research funding We don’t have any real funding for research. CRES is funded by its own resources with the tuition fees for the various training courses offered. However, we intend to set up a funding system based on calls for projects. We have done so in the past. We are going to take it over and we are going to get involved in the programs so that research is properly funded in light of the fairly convincing results we currently have. I think that CRES must have the capacity to “sell” its expertise and make a living from it. We have received funding from the State, from startups, but I don’t see it that way. I am in favor of asserting myself and “selling” our expertise. I believe this is the way to intellectual independence. Research results We have developed a model for mobilizing and transferring meteorological information to people at the grassroots level. This model allows populations to receive weather information in a specific format and in their own language at specific times. This model is a great success and I know that it is widely used in Burkina by many researchers and by others outside Burkina. It is a result that considerably improves people’s lives, because by receiving this information, people can make decisions about their activities.
98% of the projects we encounter are not scientific projects, but rather commercial projects
CRES has built up a set of questions about resilience over the last ten years. Current considerations of resilience at the level of disasters are more practical than theoretical models that govern action. We have developed a global theory through models that define resilience, but also through a methodological tool called “Climprospect”. We worked to promote it and it took 10 years. The model is based a little bit on quantum mechanics and other elements of mathematical physics. There’s a whole black box, but there’s a version that’s accessible to any user. We do a lot of training for that. It’s a model that is widely used today. The importance of the research It is increasingly apparent that climate change is a catalyst that will contribute to the disintegration of certain countries, particularly in the Sahel. This raises the question for scientists of the efficiency and performance of resilience processes. These are questions that call for fairly consistent answers. We do not have these answers today, but we must look for them. Do we have an adequate framework for research? By developing more robust methodologies, more in line with our context, this will help to solve this major problem. Resilience in general and the resilience of food security are secondary issues. The primary problems are climate change and mutations that can challenge states. What is happening in the Sahel is beginning to be linked to these aspects. Thus, in addition to participating in building conditions for sustainable development, I think that the very question of the existence of states is called into question by this phenomenon. Science obviously has an important role to play with an interface, with development actors and decision-makers. I think that the most appropriate way forward is for centers such as ours to receive people who are going to go back to the administration for decision-making. I think that research has to play on three registers in order to be useful. There’s content, there’s format, and there’s the fit between the concerns, the format and the content. Without respect for these principles, a project cannot work. For our project, for example, it involves collecting information from meteorological services, then simplifying and translating this information into three languages, and then disseminating the information at specific points in time. It’s a very rigorous process that explains the success of our project. Raw meteorological information is of no interest to the population. One person was in charge of simplifying this information, while another had to pass it on in the local language through three radio stations, which had to broadcast this information at specific times. Research Challenges The research field needs leadership. We need someone to act as a locomotive. To do that, we need our national research centers to function as such. In this way, they will create a climate that will allow research to develop. You know that public institutes are dying and that private institutes are taking over. This is the final blow for Africa, and it is a danger, because these private institutes are not doing research and I have the impression that this danger is not sufficiently appreciated.
Current events mean that the current priority is safety and not research. It is even indecent to talk about research currently in Burkina. No one really wants to listen to you
It is impossible to develop without research, but the public frameworks for research are falling apart. 98% of the projects we encounter are not scientific projects, but rather commercial ones. Note that in the sub-region, even in Senegal, young researchers in our institutes are concerned about obtaining a position at the World Bank, UNDP, or elsewhere. If the best ones leave, it is not with the mediocre ones that research will progress. Difficulties CRES is in an environment where doing research is difficult because, for example, you don’t always have access to the data you want and they don’t always have the quality you want. We are in an environment that is always focused on urgency instead of an environment where major research programs are launched for greater impact. Many research centers, including CRES, operate in this context and it needs to improve. We are swept along by the surrounding environment, by data and funding issues. Current events mean that the current priority is safety and not research. It is even indecent to talk about research currently in Burkina. Nobody really wants to listen to you. I think that more educated people need to consider research as a development resource on the same level as money and land. Otherwise, we’re not going to make it. CRES is in this dynamic not only to produce quality information, but also and above all to make it accessible.
Holder of a PhD in Physical and Mathematical Sciences, his areas of expertise are disaster risk reduction, resilience to climate change, and scientific research in support of resilience to climate change. He is currently the Director of the African Center for Scientific Research and Training (CRES).