Auteurs : Coulibaly Youssouf
Organisation affiliée : Revue ivoirienne des sciences historiques
Type de publication : Article de revue scientifique
Date de publication : 2019
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La Côte d’Ivoire, pays de l’Afrique de l’ouest dispose d’une longue façade maritime qui lui permet de jouer un rôle non négligeable dans ce transport depuis le XVème siècle. À partir de 1950, avec l’ouverture du premier port à Abidjan, le transport maritime de la Côte d’Ivoire connait une importante évolution.
Les années 1950 et 2000 marquent des périodes très importantes dans la vie du port d’Abidjan et dans celle des dockers. 1950, marque l’année d’ouverture du port d’Abidjan, précisément mis en service le 23 juillet 1950, et accueillant désormais tous les navires en direction de la Côte d’Ivoire. Le port devient ainsi un secteur pourvoyeur d’emplois, qui aura besoin d’un grand nombre de travailleurs que la main-d’œuvre locale ne peut satisfaire. Ce déficit de travailleurs amène le colonisateur à mettre en place de nouvelles politiques migratoires qui finissent par attirer des migrants d’horizons divers faisant ainsi de la Côte d’Ivoire le principal pôle d’attraction des migrations ouest africaines.
L’an 2000 est une année très mouvementée chez les dockers en Côte d’Ivoire, elle marque la mise en application effective du décret 99-510 du 4 août 1999 , nouvelle réglementation régissant le monde des dockers. La mise en application de ce décret est à la base de plusieurs arrêts de travail suivis de marches de contestation des dockers, notamment celle du 23 février 2000 avec l’arrestation de nombreux dockers.
La main-d’œuvre docker du port d’Abidjan à l’époque coloniale : de la main d’œuvre locale à la ruée de la main d’œuvre étrangère ,1950-1960
À l’arrivée des premiers européens sur la côte se sont les populations de la côte qui sont les premiers à exercer ce travail, la manutention des marchandises étaient très difficile, rude et dangereuse à l’époque elle se faisait à bord des pirogues. Le rôle de docker était joué par les piroguiers d’une écurie donnée, appartenant à un négociant de la place, qui à son tour jouait un peu le rôle de compagnie de manutention et de transit.
Avec la construction des wharfs, les manœuvres de la manutention ont souvent donné l’image de « gros bras » car nombre de marchandises étaient transportées dans des sacs portés sur la tête et sur le dos. Les Kroumen et certains peuples lagunaires de la Côte d’Ivoire ont été employés à ce travail avant la construction du port, la manutention des marchandises se faisait à bord des pirogues.
Depuis l’époque du wharf, l’administration coloniale a tourné ses efforts de recrutement de main-d’œuvre docker à l’intérieur du pays. En fait, avec la croissance exponentielle du trafic au wharf de Grand-Bassam à partir des années 1924, l’on passe de 650 manœuvres fournis par Korhogo et Boundiali en 1928, à 900 en 1929 provenant de Korhogo, Boundiali et Ferké. Ces recrutements de l’époque étaient forcés mais avec l’abolition du travail forcé en 1946 et la construction du port d’Abidjan en 1950 le travail de docker va attirer des ethnies ivoiriennes de l’intérieur du pays à savoir les Guéré, les wobé, les Malinké, les Bété, les Bakwé, les Baoulé
L’on assiste à un exode très important de population des autres régions du pays en direction de la ville d’Abidjan. Le travail de docker était vu comme le métier des étrangers pour le simple fait que ce travail est très pénible avec une rémunération très faible, seul les populations ivoiriennes venues pour la plupart des régions Nord, Centre et Ouest se dirigeaient vers le métier docker. La corporation docker en Côte d’Ivoire n’avait pas de statut à l’époque coloniale. De même en France jusqu’aux années 1930 l’ouvrier docker du port n’était protégé par aucune convention collective.
La fin du travail forcé décrétée par Félix Houphouët-Boigny en 1946 se traduit par une remontée des salaires. 1946 marque une rupture dans la colonisation dans la mesure où les sujets deviennent « citoyen » français, la remontée des salaires en vigueur dans l’Afrique française n’est sensible que dans les territoires émergents tels que la Côte d’Ivoire. Dès 1950, le travail au port exerçait un fort pouvoir d’attraction sur le Soudan, la Haute-Volta et bien d’autres pays africains.
Le dynamisme du port d’Abidjan à partir de son ouverture crée plusieurs emplois annexes avec une rémunération assez bonne pour les personnes en quête d’emplois, ce qui justifia la ruée de plusieurs vagues de migrants en direction de la ville d’Abidjan. Le métier de docker était le métier le plus pratiqué par ces migrants, Ouédraogo Moussa nous dira : « Ce métier de docker était vu comme le travail des boyôrodjan ».
L’on assiste à un exode très important de population des autres régions du pays en direction de la ville d’Abidjan. Le travail de docker était vu comme le métier des étrangers pour le simple fait que ce travail est très pénible avec une rémunération très faible, seul les populations ivoiriennes venues pour la plupart des régions Nord, Centre et Ouest se dirigeaient vers le métier docker
L’une des raisons qui encourageaient aussi ce grand nombre de manœuvre étrangers vers le métier Docker est celle du salaire. A partir des années 1950, Abidjan devient une grosse agglomération et le travail de docker est considéré comme un débouché professionnel. Le travail docker garantissait un salaire chaque quinze du mois ou après l’accomplissement d’une tâche au port. A la différence du travail dans les plantations où il fallait attendre la récolte ou la fin de la saison pour avoir son salaire.
De l’avènement d’une politique migratoire souple aux tentatives de nationalisation du métier de docker (1960-2000)
Après l’indépendance, l’appel à la migration de travail ne s’est pas démenti. On constate néanmoins une diversification de cet appel à l’immigration. La politique migratoire de la Côte d’Ivoire au cours des années 60-80 fut comme dans beaucoup de pays africains, ouverte à la libre circulation des personnes. En Côte d’Ivoire les années 1960 sont marqué par une orientation des ivoiriens vers les métiers qu’ils estiment eux-mêmes valorisant : les postes de bureaux, les métiers d’ouvriers spécialisés et le retour à la terre encouragé par les prix des produits agricoles.
C’est à juste titre qu’assez rapidement, on assiste au début des années 1960 à un mouvement des immigrés burkinabés et maliens vers Abidjan selon un processus identique à l’exode rural ivoirien pour combler le déficit de travailleurs dans certains domaines d’activités.
Dès l’indépendance, une importante grève frappe le milieu maritime mais à cette époque les dockers du port d’Abidjan n’avaient pas de syndicats proprement dit. Ces derniers majoritairement des étrangers militaient dans le syndicat des travailleurs auxiliaires de transport du port d’Abidjan (STATPA) syndicat rattaché à l’Union Générale des Travailleurs de Côte d’Ivoire (UGTCI). 1967 fut ainsi marquée par la grève des dockers maliens et voltaïques du port d’Abidjan.
Les dockers maliens et burkinabés sont accusés de vouloir déstabiliser le pays selon l’autorité. En plus, de nombreux travailleurs dockers se voient contraint de rentrer dans leurs pays d’origines à cause de certaines menaces à leur égard dû au chômage grandissant au sein de la société ivoirienne. Bon nombre de dockers étrangers sont délogés du port suite à ce mouvement d’humeur des jeunes ivoiriens. En plus du chômage grandissant dans la société ivoirienne un autre facteur déterminant explique l’intérêt grandissant des nationaux au métier docker. C’est la succession de crises que le pays connait à partir de 1990.
C’est à juste titre qu’assez rapidement, on assiste au début des années 1960 à un mouvement des immigrés burkinabés et maliens vers Abidjan selon un processus identique à l’exode rural ivoirien pour combler le déficit de travailleurs dans certains domaines d’activités
Les multiples crises traversées par le pays jusqu’en 2000 ont eu des effets importants et complexes sur l’évolution des flux migratoires de la main-d’œuvre docker en direction du port d’Abidjan. Vu l’affluence des candidats à l’immigration vers le pays, plusieurs initiatives ont été prises pour freiner ces migrations. Dans cette perspective, la Côte d’Ivoire décida d’élaborer en 1991 une politique nationale de population dont l’objectif est de ralentir le rythme de la croissance démographique à travers la planification familiale et la maîtrise de l’immigration.
La professionnalisation du métier et la révision du salaire des dockers ont été tant d’éléments qui ont encouragés les populations locales à s’intéresser au métier. Ainsi, sur la provenance des dockers de l’époque Adama Latif répond, « Avant c’était plus les étrangers, mais aujourd’hui on y trouve beaucoup de nationaux ».
Plusieurs progrès sont faits au niveau socio-économique, même s’il reste beaucoup à faire, le docker a un salaire de base qui est respecté et bénéficie d’importants privilèges, entre autre une mutuelle de santé qui prend non seulement le docker et le docker-transit mais aussi sa femme et tous ses enfants. Il bénéficie également de gratifications annuelles, des primes de congé, de prêt scolaire, de l’argent de poulet en août, de l’indemnité de départ à la retraite (déclaré à la CNPS).
Vu l’affluence des candidats à l’immigration vers le pays, plusieurs initiatives ont été prises pour freiner ces migrations. Dans cette perspective, la Côte d’Ivoire décida d’élaborer en 1991 une politique nationale de population dont l’objectif est de ralentir le rythme de la croissance démographique à travers la planification familiale et la maîtrise de l’immigration
L’époque post coloniale ouvre une nouvelle ère, celle de la machine. Le docker voit ainsi diminué l’intensité du travail, les gros colis sont déplacés par des charriots élévateurs, et le temps de travail des dockers se réduit considérablement si bien que la vitesse des chargements et déchargements des navires fait de la Côte d’Ivoire et du port d’Abidjan l’un des ports les plus fréquentés de la sous-région. Tous ces changements, sont tant d’éléments qui orientent la main-d’œuvre locale vers le métier docker.
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