Prise de conscience de la place des femmes Sur le papier, nous avons beaucoup d’acquis qui sont parfois largement remis en cause dans les faits. Aujourd’hui, il est clair et indiscutable pour certains que les femmes et les jeunes filles ont le droit d’aller et de rester à l’école, de pouvoir choisir entre fonder une famille ou avoir une carrière professionnelle. Mais dans les faits, nous avons des croyances qui demeurent tenaces et qui font que plusieurs femmes ne peuvent pas accéder à tout ce dont elles désirent avoir, parce qu’elles seront mal vues, parce qu’elles seront l’objet de stigmatisation et parce que beaucoup déploreront ce qu’elles font. C’est dommage qu’en 2020, quand des femmes réalisent certaines choses, elles sont perçues comme des pionnières dans certains domaines alors qu’en réalité nous aurions dû dépasser ce stade depuis longtemps. Ce qui faisait le charme de nos cultures est la place prépondérante qu’avaient les femmes. Elles n’étaient pas des “sous citoyennes”, elles n’étaient pas des “sous humains”. Elles n’étaient pas là uniquement pour compléter le tableau. Elles étaient des êtres humains à part entière qui existaient nonobstant toute autre considération et du fait aussi de leur capacité à se reproduire et mettre au monde les humains. Cela relevait un peu leur niveau parce qu’elles étaient considérées comme des êtres supérieurs. Aujourd’hui, il est indiscutable pour certains, que les femmes et les jeunes filles ont le droit d’aller et de rester à l’école, le droit de pouvoir choisir entre fonder une famille ou avoir une carrière professionnelle Je prends l’exemple d’un sujet controversé comme la parité, je faisais partie de celles qui dénonçaient la parité sur le plan politique. Tout cela parce que je me disais cette loi n’avait aucun sens, quelque part, on brûlait un peu les étapes parce qu’on ne se battait pas pour le maintien des filles à l’école, on ne se battait pas pour que les femmes aient accès à la connaissance. Mais, il a fallu que je rencontre à plusieurs reprises des femmes, puis en échangeant, on se rend compte ou on prend conscience d’une chose, dès qu’il s’agit des femmes, il y a une présomption d’incompétence que nous-mêmes femmes avons totalement intégrée. Je suis là à dire que les femmes qui n’ont pas étudié n’ont pas le droit d’être des députés, pendant ce temps, combien y a-t-il d’hommes analphabètes qui sont des députés et personne n’en parle ? C’est normal dira-t-on, ce sont des hommes. Mais quand il s’agit d’une femme, on lui reprochera de ne pas avoir d’éducation, de ne pas avoir été à l’école coranique, de ne pas avoir aussi été à l’école française, de ne pas pouvoir s’exprimer correctement en français, mais plusieurs députés hommes n’ont pas toutes ces compétences. Cela ne pose aucun problème et cela ne dérange absolument personne. Quand un député homme dit des “énormités” à l’Assemblée nationale, cela se passe dans une indifférence quasi générale. Mais, il suffit qu’une femme dise une chose de manière assez maladroite, et que tout le monde s’acharne sur elle. Tout le monde remet en cause un acquis comme la parité, parce que c’est grâce à la parité que nous sommes arrivés à avoir une certaine représentation des femmes dans les instances, comme l’Assemblée nationale et dans les collectivités locales. Obstacles majeurs Pour nous qui sommes musulmans, quand on parle de la religion islamique, je considère que ma religion, l’Islam telle que je la perçoit et telle que je l’ai vue est une religion qui a donné à la femme la place qu’elle mérite. La question de la polygamie qu’on veut institutionnaliser et rendre obligatoire, on oublie que c’était plus pour corriger une injustice par rapport aux veuves qui étaient brimées à l’époque et les orphelins qui étaient spoliés. Aujourd’hui, dans une société sénégalaise, qu’en avons nous fait ? Lorsqu’un homme cherche à épouser une femme divorcée ou une femme veuve, on lui dira que “tu vas mourir tôt, elle va t’enterrer”. Dans notre société, on oublie que la polygamie, c’était plus pour corriger une injustice par rapport aux veuves qui étaient brimées à l’époque, aux orphelins qui étaient spoliés Nous nous rendons compte que ce genre de choses peut prospérer parce que dans notre société, c’est toujours l’homme qui détient le savoir. Dans beaucoup de communautés, lorsque les femmes vont à l’école coranique, c’est pour apprendre uniquement les sourates les plus faciles afin de pouvoir prier. Après, elles n’ont pas besoin d’en savoir plus, quand elles vont à l’école, qu’elles sachent écrire suffit. Une femme qui fait de longues études est un fait toujours mal vu. Vous ne savez pas, vous ne maîtrisez pas les choses, vous ne pouvez pas vous exprimer comme vous le voulez et on tolère qu’il y ait un petit groupe de femmes qui puissent détenir ce savoir, mais on leur trace des limites pour qu’elles ne puissent pas s’exprimer. Le respect des droits des femmes Ce n’est pas seulement une affaire de femmes, c’est une affaire d’humain. Ce combat ne peut être gagné qu’avec l’implication de tous. Aujourd’hui, pour certains hommes, ce que vivent certaines femmes ou ce que des hommes font vivre aux femmes, il est inadmissible que leurs filles, leurs femmes ou leurs mères le vivent. Ils se battent chaque jour pour que les femmes qui leur sont chères aient une vie de qualité. Mais cela devrait être valable pour toutes les femmes, il est impératif que les gens se battent main dans la main, mais ce n’est pas évident parce que très souvent, la plupart des hommes passent tout leur temps à caricaturer le combat de certaines femmes, surtout celles qu’ils taxent de “féministes”. Nous constatons que beaucoup d’hommes considèrent ce combat sans intérêt, alors que tous sont pareils. Si vous remarquez bien toutes les féministes dans notre entourage ont été portées aux nues par leurs pères. Je ne sais pas comment ils se comportaient avec leurs femmes, mais les hommes ne se comportent pas de la même manière avec leurs filles auxquelles ils tiennent comme à la prunelle de leurs yeux. Des filles auxquelles ils pensent qu’absolument rien ne doit leur arriver, qu’elles doivent être compétentes, elles doivent pouvoir se prendre en charge elles-mêmes et doivent produire de la richesse. Aujourd’hui, la plupart des hommes que nous voyons caricaturer les féministes sont très proches de leurs filles, et vu la manière dont ils sont en train de les éduquer, sans le savoir, ils sont en train de construire d’autres féministes. Toutes les féministes dans notre entourage ont été portées aux nues par leurs pères Le féminisme est juste une revendication des droits des femmes d’exister, d’avoir leur mot à dire, d’être considérées comme des êtres humains à part entière et non entièrement à part. Il est impératif pour que nous arrivions à changer les choses que femmes et hommes avancent main dans la main. Je retiens toujours ce que m’a dit un vieux pharmacien à Bamako. Il me disait que le problème fondamental de l’Afrique, c’est que là où elle est censée marcher sur ses deux jambes, que ce soit les hommes et les femmes, l’Afrique marche sur une jambe. L’Afrique ne compte et ne met en valeur que ses hommes en oubliant ses femmes qu’elle continue à “écraser”, ce qui est dommage.
Je me dis qu’il est temps de retourner à la base, de faire comme le travail qui avait été fait à l’époque par les structures comme Yeewi-Yeewi. Le combat qu’avaient mené les femmes comme Marie Angélique Savané, nous permet d’être comme nous sommes, de pouvoir parler comme nous le faisons. C’est parce qu’il y a eu ces dames qui se sont battues et qui continuent, malgré leur âge aujourd’hui, à se battre. A mon avis, il est impératif que les jeunes que nous sommes, arrêtions un peu de décrier ce qui a été déjà fait par nos aînés et que nous jouons notre partition. Il ne faut pas qu’on se dise que la lutte est rude et qu’il y a de nombreux pièges et la stigmatisation pour baisser les bras. Il en va de notre liberté et selon moi, aujourd’hui, cette liberté que nous avons, dans laquelle nous avons évolué, c’est cette liberté que je veux pour mes neveux et nièces, pour mes enfants demain. Il est temps qu’on se lève, qu’on se redonne la main, qu’on remette les choses au clair et qu’on remette au goût du jour certains combats Je ne tiens pas à ce que cette liberté, comme je la vois être en train d’être rongée continuellement. Cela se traduit par une forme de censure qu’on veut nous imposer quelque part dans notre pays à travers des créations artistiques. Cela va aussi dans les différents prêches. Aujourd’hui, on essaie de plus en plus de limiter les femmes à l’intérieur. Il y a aussi de plus en plus de politiques qui s’affirment, qui osent dire que les femmes ont trop de droits dans notre société actuelle. Cela est archi faux. Donc, il est temps qu’on se lève, qu’on se redonne la main, qu’on remette les choses au clair et qu’on remette au goût du jour certains combats. Il faut dire que sur le papier, on a des acquis, mais sur le terrain, cela ne l’est pas, ce n’est pas la réalité. Il faut redescendre sur le terrain et arrêter un peu de rester dans notre confort bien “bourgeois”, bien “dakarois” et de faire de grands discours.
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Article fort intéressant merci 🙏🏾