Modibo Mao Makalou
La particularité de la relation USA- Afrique de l’Ouest comparée aux autres partenaires comme la chine, la Russie ou encore l’Union européenne
Historiquement, la politique américaine a été caractérisée par une sous-traitance de sa politique extérieure africaine (la France, l’Organisation du Traité Atlantique Nord (OTAN), l’Organisation des Nations Unies (ONU) et les institutions de Bretton Woods (le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale) . Cette politique extérieure comporte deux aspects fondamentaux : la “hard power” et la “soft power”. La hard power consiste à utiliser la force militaire pour contrôler les régions avec les plus grandes ressources naturelles. Donc, depuis 2006, les États-Unis ont décidé de déployer en priorité leurs forces militaires en Afrique avec Africom, le commandement militaire pour la région africaine du Sahel jusqu’au Golfe de Guinée. La soft power consiste à influencer les tendances politiques africaines avec des changements de régimes et des révolutions comme durant les printemps arabes pour mettre en place des alliés africains à la tête de pays stratégiques.
Les États-Unis cherchent à nouer une nouvelle relation avec le continent en vue de rattraper son retard sur la présence active de la Chine et de la Russie sur les plans diplomatiques, militaires et commerciaux. La sous-traitance avec la France a donc été abandonnée surtout à cause de l’inefficacité de ses interventions militaires au Mali par exemple. Les Etats-Unis sont à la recherche d’autres sous-traitants africains comme l’Afrique du Sud, le Congo, le Maroc, le Ghana, le Rwanda, le Sénégal pour établir une dominance sur le terrain et bloquer l’avancée de la Russie et la Chine qui sont omniprésentes en Afrique.
Il n’y a pas de différence entre la politique extérieure africaine de Donald Trump et de Joe Biden. Il faut savoir que la politique extérieure américaine est élaborée par des centres de recherche (think tanks) comme l’Atlantic Council et le Council on Foreign Relations. Ces organisations influencent la politique extérieure à travers des experts qui finissent généralement par diriger les principaux dossiers africains
Ils cherchent à établir des partenariats avec des promesses d’aides économiques et de commerce mais sont également prêts à déployer des sanctions contre les pays récalcitrants qui choisiraient de coopérer avec d’autres puissances. D’ailleurs, une loi a été promulguée pour sanctionner les pays qui seraient perçus comme les amis de la Russie suite aux votes abstentionnistes de la majorité des pays africains pour sanctionner la Russie aux Nations Unies concernant le dossier Ukrainien. Les États-Unis cherchent aussi à établir des campagnes médiatiques pour influencer les Africains à travers un nouveau centre d’informations médiatiques.
Evolution des relations économiques entre les États Unis et l’Afrique de l’Ouest : le cas du Mali en particulier
Les États-Unis viennent récemment de rapatrier leur personnel non essentiel dans leur ambassade au Mali à cause du terrorisme qui avance à Bamako selon eux. Cela a été très mal pris par les autorités de la transition malienne car les Maliens estiment que le partenariat contre le terrorisme avec les Occidentaux ne doit pas basculer tout simplement parce qu’ils ont diversifié leur partenariat avec la Russie. En réalité, les Américains commencent à perdre la main un peu partout en Afrique dans le domaine économique et géostratégique alors que la Russie et la Chine sont en train de négocier et d’établir des relations gagnant-gagnant avec les pays africains.
En réalité, les Américains commencent à perdre la main un peu partout en Afrique dans le domaine économique et géostratégique alors que la Russie et la Chine sont en train de négocier et d’établir des relations gagnant-gagnant avec les pays africains
Les États-Unis ne proposent rien d’attrayant en terme de commerce et d’investissements pour convaincre les Africains de coopérer seulement avec eux. Cette année, le Secrétaire d’État Anthony Bliken a fait une deuxième tournée africaine pour établir des partenariats. Mais cela arrive bien après que les Russes et Chinois eurent fait des progrès nets dans leurs relations économiques avec les Africains.
Corriger une perte de vitesse en terre africaine
Les États-Unis ne cherchent pas à renforcer les pays fragiles en Afrique de l’Ouest. Ils cherchent plutôt à trouver des partenariats avec des sous-traitants et à punir les pays qui sont récalcitrants et qui choisissent de multiplier leurs partenariats avec d’autres puissances. Les États-Unis ont une philosophie qui vise à mettre l’Afrique dans leur giron car ils se rendent compte de leur perte d’influence politique, militaire, économique et commerciale dans un monde devenant de plus en plus multipolaire.
La politique africaine de Trump et de Biden : différence ou continuité ?
Il n’y a pas de différence entre la politique extérieure africaine de Donald Trump et de Joe Biden. Il faut savoir que la politique extérieure américaine est élaborée par des centres de recherche (think tanks) comme l’Atlantic Council et le Council on Foreign Relations. Ces organisations influencent la politique extérieure à travers des experts qui finissent généralement par diriger les principaux dossiers africains. Depuis Ronald Reagan, il y a eu une prolifération de think tanks qui se spécialisent à promouvoir soit une politique dite néolibérale soit néo-conservatrice au niveau de la politique extérieure des États-Unis.
Cela comporte essentiellement trois aspects. Le premier aspect, c’est d’utiliser la domination militaire américaine pour conquérir les pays qui s’opposent aux États-Unis comme l’Iran, la Chine, la Russie, le Venezuela et la Corée du Nord. Le deuxième aspect, c’est d’utiliser les institutions internationales comme l’ONU, les institutions de Bretton Woods (la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International) et l’OTAN pour établir un ordre mondial unipolaire et pro-américain. Et le troisième aspect, c’est d’utiliser l’influence des médias américains et des réseaux sociaux pour conditionner et influencer les tendances politiques mondiales en faveur des Etats-Unis.
La politique africaine des Etats-Unis : un instrument de compétition
Les États-Unis n’ont pas une politique spécifique pour les pays africains. Plutôt les États-Unis cherchent à contrôler les ressources africaines, en particulier les ressources énergétiques, dans leur concurrence avec les puissances comme la Russie et la Chine. Les Africains ont compris le jeu et diversifient leurs partenaires en se tournant de plus en plus vers d’autres puissances qui cherchent à établir des relations gagnant-gagnant dans leur politique économique. Si les États-Unis comptent convaincre les Africains, ils devraient essayer d’établir des partenariats gagnant-gagnant en vue de combler le grand retard qu’ils ont accusé par rapport à la Russie et à la Chine, ces deux puissances n’ayant de surcroît pas d’antécédents coloniaux.
Source photo : L’Orient le Jour
Monsieur Modibo Mao Makalou est titulaire d’un baccalauréat international de l’Ecole Internationale Européenne de Paris (France, 1984), d’une maîtrise en Economie de l’Université de Montréal (Canada, 1987) et d’un MBA en finance internationale de American University à Washington DC (USA, 1992). Il a été membre de 2004 à 2012 du Groupe de Travail sur l’Efficacité de l’Aide du Comité d’Aide au Développement (CAD) de l’Organisation pour la Coopération et le Développement Economiques (OCDE) basé à Paris (France). Il a aussi coordonné les enquêtes pour la mise en œuvre de la Déclaration de Paris sur l’Efficacité de l’Aide (2006 et 2008) au Mali et a activement participé à la rédaction de l’Agenda d’Action d’Accra pour l’Efficacité de l’Aide adopté par le 3eme Sommet de Haut-Niveau sur l’Efficacité de l’aide. Monsieur Makalou avait été nommé Coordinateur de l’Unité des Partenariats Public-Privé de la Primature du Mali en 2017. De 2019 à 2020, il fut assistant technique et Conseiller Spécial auprès du Ministre de la Santé et des Affaires Sociales de la République du Mali.