Renforcer le plaidoyer au niveau local pour faciliter l’accès des femmes aux ressources économiques « La femme rurale a accès aux ressources, mais quand même, il y a des poches vides. Vu l’expérience que j’ai eue avec le Réseau national des femmes rurales du Sénégal, nous avons constaté que pour ce qui est de l’information à la communication jusqu’au plaidoyer, il reste encore des efforts à faire. Nous avons eu des actions antérieures de sensibilisation qui ont été accompagnées par le ministère de la Femme, de la Famille et du Genre avec l’implication de tous les acteurs communautaires tels que les religieux, les leaders d’opinion, les chefs coutumiers, les chefs de villages… Cela a permis de mieux soutenir la sensibilisation par la création d’alliances à la base. Au niveau rural, les femmes font face à beaucoup de blocages socioculturels. Or, la Constitution du Sénégal donne égal accès aux ressources aux hommes et aux femmes : c’est un acquis pour tout citoyen. Dans le cadre des activités que nous avons eu à mener, nous avons fait une recherche qui nous a permis de formuler un postulat. Parmi les blocages, une certaine interprétation religieuse laissait penser que la femme n’avait pas droit à la terre. Cette recherche a démontré que les religions musulmane et chrétienne facilitaient l’accès de la femme aux ressources. Cette interprétation en défaveur des femmes, qui sont souvent sous tutelle soit de leurs pères, de leurs époux ou même de leurs frères, et les réalités socioculturelles font que dans les zones rurales la femme est reléguée au second plan quand il s’agit de posséder des ressources, notamment foncières. Il faut quand même, à la base, dans les communautés, dans les foyers, sensibiliser, créer des alliances, donc renforcer le plaidoyer et la communication au niveau local. C’est dans ce sens que la femme rurale sera mieux informée, mieux outillée dans le cadre de l’alphabétisation même foncière. Elle connaitra bien les rouages, les modes d’accès ou comment aller demander les délibérations après le décès du mari, du père ou du frère etc. » La problématique du foncier « Vu les réalités socioculturelles, il doit y avoir des changements de mentalité. Il faut d’abord que l’actrice rurale, la femme rurale soit consciente de son statut en tant que citoyenne et aille s’enquérir de ses droits. Il y a bien des états des lieux qui sont ressortis et ont montré que beaucoup de femmes ne demandent pas à avoir accès aux ressources économiques. Elles croient que cela incombe seulement à l’homme de prendre un lopin de terre et de le mettre à leur disposition. Or, la femme a le droit d’écrire, d’aller au niveau du conseil municipal, demander en tant que citoyenne des terres et on doit lui donner. Et c’est dans ce sens que nous avons eu l’idée d’exécuter un projet pour voir comment améliorer, sécuriser et faciliter les modes d’accès au foncier des femmes. Un autre blocage est que, souvent, ces femmes n’ont pas assez de ressources financières. Or, pour obtenir une délibération, il y a des frais à payer. Avec les propositions de la réforme foncière, nous espérons que les femmes seront plus représentées dans les commissions domaniales et qu’au-delà de l’accès à la terre, elles seront accompagnées avec des moyens de production Il y a aussi les problèmes d’alphabétisation ; il faut rédiger la demande de délibération en français, la déposer au niveau du conseil et suivre la procédure. Ce qui n’est pas facile si l’on est pas instruite. Une autre difficulté est la nécessité pour ces femmes rurales d’accéder aux instances de décision, pas seulement au niveau des commissions sociales, mais au niveau des commissions domaniales, là où se décident les choses en matière foncière. Notre proposition était aussi que ces femmes doivent avoir le courage de demander, après avoir obtenu une terre, les moyens de la valoriser. Si vous n’avez pas de moyens, il faut aller les chercher et cela pose problème. C’est pour cela que les ressources seulement foncières ne suffisent pas. Il faut des moyens d’accompagnement, pour la production et toute la chaîne de valeur. » Avec les propositions de la réforme foncière, nous espérons que les femmes seront plus représentées dans les commissions domaniales et qu’au-delà de l’accès à la terre, elles seront accompagnées avec des moyens de production. » Le manque de leadership des femmes : un obstacle « Au niveau de nos communautés, toujours dans le cadre du réseau, il y a aussi des défis par rapport au renforcement de nos capacités de leadership. Nous nous sommes rendus compte qu’il y avait un manque de solidarité entre femmes. Nous avons souvent des témoignages où des femmes leaders n’ont pas été élues au niveau des commissions parce qu’elles n’ont pas pu avoir le soutien des autres femmes. Au-delà de ce manque de solidarité, il faut que les femmes prouvent leurs capacités, qu’elles fassent preuve de leadership. Pour que tous ces efforts portent vraiment des résultats, il est nécessaire que les femmes soient plus conscientes de leurs droits, plus concernées et développent leur leadership Nous travaillons pour vraiment renforcer ce leadership et pour cela il faut toujours qu’on essaie de créer des alliés, c’est incontournable. C’est pour cela qu’on parle de masculinité positive. La communauté ne peut pas se développer sans la femme, avec l’accompagnement de l’homme et des alliés au niveau communautaire, jusqu’à l’évolution au niveau même national. Pour que tous ces efforts portent vraiment des résultats, il est nécessaire que les femmes soient plus conscientes de leurs droits, plus concernées et développent leur leadership. » Valoriser l’impact positif des femmes dans leurs communautés « La femme est au début et à la fin de tout processus de développement, donc ce maillon dit « faible » est incontournable. Dans tout développement la femme est au centre et il faut renforcer ses capacités, l’orienter dans ce qu’elle fait pour accroître son autonomie et son leadership L’autre aspect c’est que, c’est la femme qui produit, c’est la femme qui transforme, c’est la femme qui prépare le repas, c’est la femme qui allaite, c’est la femme qui prend soin des malades, donc si la femme est éduquée, si elle est renforcée dans ses capacités, cela aura un impact dans l’économie de sa communauté et même au niveau de l’économie nationale. Dans tout développement la femme est au centre et il faut renforcer ses capacités, l’orienter dans ce qu’elle fait pour accroître son autonomie et son leadership. »
Fatou Sow Ndiaye est très impliquée dans le travail sur le genre et le développement, la communication à la base et les TIC, l’agriculture durable, et la gestion et l’analyse de l’information. Elle est la Coordonnatrice du Réseau national des femmes rurales du Sénégal (RNFRS).
Le Réseau couvre tout le territoire national et a des démembrements dans toutes les communautés au Sénégal. Il a été mis sur pied en 2001 suite à un projet régional avec Enda Pronat (Environnement Développement Action pour la Protection Naturelle des Terroirs”), appuyé par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture.
Sa vision est de promouvoir un espace d’échanges, de renforcement de capacités, de représentation et de plaidoyer pour l’autonomisation des femmes rurales et leur contribution au développement durable de l’Agriculture familiale.
Le Réseau a pour missions de :
Consolider un réseau de femmes, fières de leur identité rurale, capables de défendre leur cause commune dans toutes les instances de décision, locales, nationales ou internationales.
Faire du réseau un cadre de valorisation des savoirs et compétences locaux, d’échanges d’expériences et de renforcement de capacités des femmes rurales dans les domaines suivants : l’éducation des jeunes, la santé, l’environnement, la gestion, la production, la transformation, la commercialisation et la promotion du consommer local.
Faire du réseau un espace de plaidoyer et d’actions pour : l’influence sur les politiques agricoles, l’accès et le contrôle des ressources productives, l’accès aux financements adaptés en vue de transformer positivement les exploitations familiales et contribuer à la souveraineté alimentaire au Sénégal et dans la région Afrique de l’Ouest.