La situation des personnes en situation de handicap au Sénégal La situation des personnes en situation de handicap au Sénégal n’est pas appréciable. La première caractéristique de cette population c’est qu’elle n’est pas maîtrisée pour plusieurs raisons. D’abord, on a un problème de statistiques. Les statistiques disponibles sont celles de 2013 datant du Recensement général de la population de l’habitat de l’ANSD. Ce recensement chiffre des personnes handicapées à 5,9 % de la population du Sénégal. Mais lorsqu’on en revient aux politiques publiques elles-mêmes, les personnes en situation de handicap souffrent d’une exclusion tant du point de vue des opportunités économiques que de l’accès aux services sociaux de base Ensuite, lorsque vous faites du travail de terrain, vous vous rendez également compte qu’un bon nombre de ces personnes en situation de handicap ne sont pas répertoriées à l’état civil. Des enfants ne sont pas inscrits également à l’état civil. La conception que nous avons du handicap au Sénégal entraîne une exclusion qui démarre dès le bas-âge, qui fait que pour ceux qui n’ont pas de chance, ils sont de facto exclus de la société. Mais lorsqu’on en revient aux politiques publiques elles-mêmes, les personnes en situation de handicap souffrent d’une exclusion, tant du point de vue des opportunités économiques que de l’accès aux services sociaux de base. Si vous regardez également certains indicateurs de santé, le taux de prévalence du VIH, par exemple chez cette tranche de la population, est beaucoup plus élevé que chez les personnes qui ne souffrent pas de handicap. Tout cela est possible à constater malgré l’existence d’une loi très progressiste, qui est la loi d’orientation sociale de 2010. C’est une loi qui travaille à une certaine égalisation des chances. Une loi dont le fondement n’est pas l’égalité, mais l’égalisation des chances. Pour qui connaît le débat théorique sur ces questions-là, il s’agit d’offrir un support à ces personnes pour qu’elles puissent parcourir le chemin qu’elles doivent parcourir entre leur handicap et la situation des personnes qui ne vivent pas avec un handicap.Elles doivent pouvoir accéder dans les mêmes conditions aux services sociaux de base et aux opportunités économiques. Je pense que c’est dans l’application de cette loi d’orientation sociale que le bât blesse. La carte d’égalité des chances J’ai tantôt dit que la loi d’orientation sociale était une loi particulièrement progressiste. C’est une loi qui intègre la question du progrès social. Lorsque vous regardez l’exposé des motifs, justement c’est cet objectif d’égalisation des chances qui est mis devant l’égalisation des chances. Qu’est ce qui permet à une personne de s’épanouir dans une société? C’est d’accéder à des services sociaux de base. C’est également d’accéder à des opportunités économiques. C’est pouvoir se soigner, accéder à l’école pour développer son capital humain, accéder à un emploi ou accéder à un financement pour avoir du revenu, l’un plus l’autre, créant les conditions de la dignité humaine. L’État a adopté une loi d’orientation sociale dont le mécanisme principal est ce qu’on appelle la carte d’égalité des chances. Donc, toute personne handicapée a droit, dans le principe, à la carte d’égalité des chances. Cette carte d’égalité des chances donne dans son principe le droit à un certain nombre de services liés à la santé, au transport et la réadaptation. L’accès à des opportunités économiques et tout cela, si on y arrive, cela permet à la personne en situation de handicap qui, de facto, a une sorte de charge supplémentaire qui pèse sur elle de pouvoir, grâce à un support juridique, accéder à un certain nombre d’opportunités. Cette carte d’égalité des chances donne dans son principe le droit à un certain nombre de services liés à la santé, au transport et la réadaptation Le programme de la Couverture maladie universelle (CMU) a plusieurs schémas, schéma élèves, le schéma général, mais aussi le schéma BSF carte d’égalité des chances. Et donc, les personnes qui sont titulaires de la carte d’égalité des chances ont un accès avantagé à la couverture maladie universelle. Cela se manifeste également par leur inclusion dans le programme de la bourse nationale de sécurité familiale. Mais encore là, il y a un problème, comme je vous ai dit, le gouvernement travaille sur l’hypothèse de 800 mille personnes en situation de handicap. On n’a pas plus de 55.000 cartes d’égalité des chances produites. Moins de 10 % de la population en situation de handicap a donc aujourd’hui accès à cette carte d’égalité des chances. La deuxième chose qu’il faut retenir, c’est que même pour celles qui ont accès à cette carte, les services sont très faiblement effectifs parce que si vous retournez à l’esprit de la loi, c’est de faire en sorte qu’au moins l’administration engage 15 à 20% de personnes en situation de handicap, c’est de faire en sorte que le transport, les bâtiments et l’éducation soient accessible, c’est de faire en sorte que les personnes en situation de handicap puissent accéder à une bourse pour l’enseignement supérieur. C’est donc de faire en sorte que les budgets publics, par les moyens de la loi et par les moyens de l’action publique, que la personne en situation de handicap puisse combler ce gap qui la différencie en tout cas en terme de capacités et de possibilités des personnes qui n’ont pas de handicap. Les difficultés majeures D’abord, il y a des obstacles de nature juridique du point de vue de la loi et du point de vue des règlements. La loi d’orientation sociale a des décrets d’application qui devaient être pris, ils ne le sont pas tous. Le deuxième obstacle, à mon avis, c’est l’absence d’une gestion transversale de la question. Il faut considérer les personnes en situation de handicap comme un élément de la diversité humaine. Et enfin, un autre facteur qu’il semble important de relever, ce sont les normes, les discours, la perception et les normes sociales sur le handicap. La question de l’inclusion ne se décrète pas et ne se crée pas. C’est une question qui est l’objet d’une lutte, de la même manière qu’on a lutté pour les droits politiques, qu’on a lutté vers les droits économiques et sociaux. Aujourd’hui, de la meme manière que nous avons les droits de troisième génération, c’est de cette même manière qu’il faut lutter pour qu’un certain nombre de droits soient inclus de facto dans chacune des politiques publiques du gouvernement. Aujourd’hui, personne n’ose développer une politique publique sans tenir compte des femmes. Parce qu’aujourd’hui, la lutte pour les droits des femmes, bien que cela soit une lutte qui doit continuer parce qu’il y a encore beaucoup de chantiers qu’il faudra envisager, est une lutte qui a quand même connu des pas importants avec la loi sur la parité, les lois sur les violences basées sur le genre et la récente criminalisation du viol. On ne devrait pas amener les personnes en situation de handicap à se sentir comme des Sénégalais entièrement à part, mais plutôt des Sénégalais à part entière, et c’est ce qui reste dans les ménages, dans les écoles, dans l’administration, dans tous les lieux de socialisation On voit aujourd’hui tout le débat qu’il y a sur l’accès à l’hygiène menstruelle, ce sont des débats de société qui montrent que la société est en train de progresser. Mais, si on avait également cette même conception du handicap, on l’a considéré comme un élément de la diversité humaine. On ne devrait pas amener les personnes handicapées à se sentir comme des Sénégalais entièrement à part, mais plutôt des Sénégalais à part entière. C’est ce qui reste dans les ménages, dans les écoles, dans l’administration, dans tous les lieux de socialisation. Il y a ce préjugé, cette perception du handicap qui, dès lors, défavorise la personne et fait que finalement, pour un parent qui investit entre deux enfants, ils préfèrent investir dans celui qui n’est pas en situation de handicap.Pour un État qui investit, ils préfèrent investir dans un groupe, dans des groupes de personnes qui ne sont pas en situation de handidcap.
Je pense que la question que vous posez est importante et cela me permettra de faire un plaidoyer beaucoup plus large. Le problème de nos démocraties aujourd’hui, ce n’est plus la représentation, ni les élections, ni les mécanismes de fonctionnement au sens des règles de la démocratie. Le problème de nos démocraties aujourd’hui, c’est de pouvoir capter et de comprendre les signaux qui sont envoyés par nos concitoyens. Je pense que tout le débat de la gouvernance publique aujourd’hui qui se pose est un débat d’équité dans l’accès aux ressources publiques, d’équité dans l’accès aux services publics et d’équité dans l’accès aux opportunités, que ce soient des problèmes de confiscation des terres par les uns au détriment des autres. Je pense que tout le débat de la gouvernance publique aujourd’hui qui se pose, est un débat d’équité dans l’accès aux ressources publiques, d’équité dans l’accès aux services publics et d’équité dans l’accès aux opportunités Que ce soit des problèmes de détournement de deniers publics par les uns au détriment des autres. Que ce soit des problèmes de politisation des programmes de filets sociaux qui devraient permettre de lutter contre la pauvreté, que ce soit des problèmes de politisation des politiques d’infrastructures, c’est à dire de politisation des choix d’un investissement au détriment des autres. Toutes ces questions-là sont des questions d’équité et d’égalité. Ce qui permet à un être de s’épanouir dans une société, c’est d’être sûr que sa contribution est utilisée à bon escient parce qu’il ne faut pas l’oublier, chaque citoyen contribue à sa manière, en fonction de ses charges contributives à l’économie nationale.