Auteur : David Eloy
Organisation affiliée : Alimenterre
Type de publication : Article
Date de publication : juin 2017
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A force d’entendre répéter par les organisations internationales que l’augmentation continue des importations de denrées alimentaires est liée à la croissance démographique et à une urbanisation des modes de vie, on en viendrait presque à penser que l’Afrique de l’Ouest se nourrit surtout de produits venus de l’étranger. L’Afrique à la conquête de son marché alimentaire intérieur, l’une des trop rares études sur les habitudes alimentaires des populations ouest-africaines, livre une réflexion plus nuancée.
La majorité de la consommation est locale :
Contrairement à une idée reçue, les consommateurs, urbains comme ruraux, s’approvisionnent surtout sur les marchés. « L’autoproduction représente désormais moins de la moitié de la valeur économique de ce qui est consommé », insiste Nicolas Bricas, coauteur de l’étude. Conclusion inévitable: « Les ménages, y compris ruraux, sont devenus très largement dépendants des prix pour leur sécurité alimentaire » qui dépend jusqu’à 90 % des achats. Autre mise au point: la majorité de ce que consomment les habitants d’Afrique de l’Ouest est locale.
Y compris en milieu urbain. En effet, la structure de la consommation alimentaire se décompose en trois blocs : les produits amylacés (céréales, racines, tubercules et plantains) qui pèsent entre 40 et 50 % de la valeur économique de la consommation alimentaire; les produits animaux (viande, poisson, produits laitiers…) qui représentent de 15 à 30 % de la consommation ; les produits de sauce (légumes, légumineuses, huiles…), les produits sucrés et les produits achetés à l’extérieur mais consommés à domicile qui pèsent, ensemble, 30 à 40 % de la valeur économique.
Le succès biaisé des céréales locales :
Si le blé n’est pas cultivé en Afrique de l’Ouest, il n’en va pas de même du riz. Comment expliquer que les consommateurs favorisent le riz importé ? La question du prix est déterminante. Si de nombreux consommateurs ouest-africains « préfèrent » acheter du riz importé, c’est d’abord parce qu’il est meilleur marché que le riz national. L’argument économique prime sur les préférences alimentaires. D’autres critères rentrent ensuite en ligne de compte.
« Lors de la Foire internationale de l’agriculture et des ressources animales (Fiara), en avril 2017, nous avons effectué des tests de dégustation à l’aveugle pour comparer le riz importé et le riz local, explique Dominique Laure, chargée de projets pour le Grdr à Dakar. Les résultats ont été très concluants. Mais, il y a encore beaucoup de préjugés sur la qualité du riz local. Il consommerait beaucoup d’huile, beaucoup d’eau… »
Si le blé n’est pas cultivé en Afrique de l’Ouest, il n’en va pas de même du riz. Comment expliquer que les consommateurs favorisent le riz importé ? La question du prix est déterminante. Si de nombreux consommateurs ouest-africains « préfèrent » acheter du riz importé, c’est d’abord parce qu’il est meilleur marché que le riz national. L’argument économique prime sur les préférences alimentaires
Ce que confirme le témoignage de Léopold Lokossou, président de la Plateforme nationale des organisations paysannes et de producteurs agricoles (Pnoppa), au Bénin : « Nous avons mené une expérience pour démontrer la qualité de notre riz. Des producteurs de la commune de Savalou ont envoyé 35 tonnes de riz en Belgique pour qu’il soit vendu dans les supermarchés Colruyt.
Peu après, ce riz est revenu, dans un nouvel emballage, sur les marchés béninois. Les gens se sont rués pour l’acheter à un prix qui dépassait même le prix normal sur le marché national. Quand nous nous sommes approchés d’eux pour leur dire que c’était du riz béninois, ils étaient surpris. Nous devons donc continuer à travailler pour montrer que le riz local n’a rien à envier au riz importé. »
Les prémisses d’un changements d’habitudes :
Fatou Ndoye, chargée de programme alimentaire à Enda Graf Sahel, au Sénégal, se montre plutôt optimiste. Le consommer local fait ses premiers pas au Sénégal. « Je suis en train de terminer une enquête en milieu urbain, qui montre que le riz local commence à faire sa percée au niveau du déjeuner. Ce n’était pas le cas dans mon étude précédente en 2001. » Plus intéressant encore, les consommateurs sénégalais chercheraient à diversifier leur alimentation et à consommer autrement. « Prenons le cas du niébé ! Cette légumineuse fait une percée intéressante. On observe aussi qu’au dîner les ménages abandonnent de plus en plus le riz au profit des céréales locales (maïs, mil, bouillies, couscous, etc.).
Nous avons mené une expérience pour démontrer la qualité de notre riz. Des producteurs de la commune de Savalou ont envoyé 35 tonnes de riz en Belgique pour qu’il soit vendu dans les supermarchés Colruyt. Peu après, ce riz est revenu, dans un nouvel emballage, sur les marchés béninois. Les gens se sont rués pour l’acheter à un prix qui dépassait même le prix normal sur le marché national.
Et même si le Sénégal a adopté le petit-déjeuner à la française, avec le café au lait et le pain, la consommation de tisanes locales est en augmentation, tout comme celle du café Touba, passée de 6 % en 2001 à 34 % aujourd’hui. » Reste que, comme l’ont montré Élisa Lomet et Nicolas Bricas, « la notion de “produits locaux” n’est pas parlante pour tous, autrement dit, la conception du local ne fait pas sens auprès de la population générale […].
À ce propos, la communication sur un plus large public doit être repensée ». Alors que les scandales sanitaires éclatent (lait à la mélatonine, explosion des diabètes de type, etc.), de grandes campagnes de sensibilisation devraient être menées pour vanter l’origine et la qualité des produits locaux. L’État devrait faciliter des ponts entre le milieu rural et les consommateurs urbains pour mieux faire connaître nos produits et promouvoir leur consommation. C’est une question de souveraineté nationale.
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