La vulgarisation des instruments juridiques en Afrique La situation est par endroit très mauvaise, mais ce que je peux dire pour m’en féliciter, c’est qu’au plan normatif, nous avons des instruments bien faits. En considérant la charte qui a plus de 30 ans, mais qui regorge encore de nombreuses niches à exploiter : la charte sur les droits et le bien-être de l’enfant, la charte sur la gouvernance, la convention sur les réfugiés, la convention contre la corruption, nous avons donc au plan normatif, suffisamment d’instruments juridiques qui malheureusement restent à être vulgarisés, à être mis à la disposition des populations dans les langues qu’elles comprennent. À cet effet, nous avons développé au niveau de la commission africaine ce qu’on appelle les observations générales, c’est-à-dire que nous prenons un article de la charte ou un article du protocole de Maputo, nous essayons de faire le constat, une analyse situationnelle au niveau du continent et nous essayons également de clarifier les obligations spécifiques et générales des États de sorte que les États puissent comprendre effectivement quelles sont les obligations par rapport à tel ou tel article, par rapport à tel ou tel instrument, mais également que les ONG et les INDH puissent savoir quels outils d’information, de sensibilisation, de formation et qu’après, lorsque nous organisons des séminaires régionaux qui mettent tout ce monde autour de la table, que nous puissions effectivement voir quels sont les défis par rapport aux différentes thématiques. Nous avons suffisamment d’instruments juridiques qui malheureusement [comme je l’ai dit] restent à être vulgarisés, à être mis à la disposition des populations dans les langues qu’elles comprennent Il y a tout un processus dès fois qui s’arrête en chemin par manque de ressources, par manque de vulgarisation, par manque de volonté politique, par manque d’engagement des acteurs, par manque également d’interaction. Puisqu’il faut réunir les parties prenantes autour de la table, leur donner les documents afin de s’assurer qu’elles ont compris les documents et qu’elles puissent contribuer effectivement à leur mise en œuvre. Il faut ensuite s’assurer qu’au niveau du suivi-évaluation, les parties prenantes participent également et qu’elles évaluent quel est l’impact de toutes ces politiques, des programmes, dans le domaine des droits de l’homme sur leur vie parce que sans impact sur la vie des gens, l’approche normative est vraiment limitée. C’est donc en réalité le véritable problème que nous avons au niveau de la commission africaine. Les obstacles majeurs L’obstacle majeur, c’est d’abord l’analphabétisme de nos populations. Nous avons des instruments qui sont en français, en portugais, en arabe et les populations dans leur majorité sont analphabètes. Alors, comment voulez-vous vraiment qu’il y ait des résultats effectifs et suffisamment forts au niveau des pays, lorsque la moitié de la population ou les deux tiers de la population ne comprennent pas et n’ont pas été appelés justement à pouvoir comprendre l’utilité de ces instruments. La deuxième chose de mon point de vue, c’est la volonté politique, la volonté politique des États. Donc, pour vous dire que la volonté politique, en réalité, est le moteur également des droits de l’homme qui doit créer un environnement satisfaisant et un environnement favorable à l’exercice des droits. Que les journalistes puissent effectivement faire leur travail sans être inquiétés, mais qu’ils le fassent avec professionnalisme. Qu’ils le fassent effectivement dans les règles de l’art et que ce soit effectivement les journalistes qui ont des diplômes, qui connaissent la loi sur la presse, par exemple. Que les femmes également puissent exercer leurs droits et qu’elles ne soient pas violentées, qu’elles ne soient pas battues, qu’elles ne soient pas excisées. Donc, tout ceci dépend des fois, de la volonté politique de changer les textes au niveau national. Parce que nous avons encore beaucoup de textes où les femmes n’ont pas accès à la succession, n’ont pas accès à la terre. La volonté politique est en réalité le moteur des droits de l’homme qui doit créer un environnement satisfaisant et favorable à l’exercice des droits L’insécurité de mon point de vue est le troisième facteur qui fait que les droits de l’homme, à ce stade en particulier, ne peuvent pas être véritablement exercés et qu’aucune personne ne peut en jouir en réalité. Le niveau d’indépendance de la commission L’indépendance au niveau de ces organes et de leur fonctionnement a toujours posé problème. La Commission africaine n’a pas d’autonomie par exemple en matière de recrutement, ni en matière budgétaire, donc nous dépendons de l’Union africaine. Et quand vous n’avez pas les ressources humaines qu’il faut, vous ne pouvez pas réaliser votre indépendance, quelle que soit la volonté des commissaires. Parce que nous sommes là, effectivement, la Charte dit qu’une fois élus, nous n’agissons pas, nous n’exerçons pas au nom de nos États. Nous sommes des experts indépendants, c’est la charte qui le dit. Mais dans l’opérationnalisation, justement, de notre fonction, cela est difficile parce que nous rendons compte aux organes délibérants de l’Union africaine tous les six mois dans un rapport. Au niveau interne, je pense que nous sommes indépendants. Nous prenons des résolutions-pays, des résolutions-thématiques qui fâchent. Et ce travail évidemment des droits de l’homme a toujours été impopulaire partout. Il y a toujours des velléités de vouloir effectivement essayer de nous encadrer, d’encadrer le travail que nous faisons et ses velléités se sont traduites par plusieurs rappels à l’ordre. Vous souvenez-vous lorsque nous avons donné le statut d’observateur à la Coalition africaine de lesbiennes, il nous a été donné et imposé une échéance pour leur retirer le statut d’observateur alors qu’en réalité, cette ONG a souscrit à toutes les conditions de notre résolution sur l’octroi du statut d’observateur. La Commission africaine n’a pas d’autonomie par exemple en matière de recrutement, ni en matière budgétaire, donc nous dépendons de l’Union africaine Et nous avons pris le temps de voir effectivement, si elle remplissait les conditions afin de leur accorder le statut d’observateur. Ça a été un tollé et contraignant pour un organe qui a pris une décision, de revenir sur sa décision. Nous n’avons pas senti cela comme pas une humiliation, mais regrettable. C’était regrettable parce que c’est un manque de confiance envers un organe délibérant, l’organe le plus ancien, qui a été mis en place effectivement pour promouvoir et protéger les droits. Et le premier principe, c’est la non-discrimination. Mais, nous essayons à l’interne, dans nos têtes et nos méthodes de travail, d’avoir comme boussole la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et notre règlement intérieur.
Je viens de dire que le grand problème que nous avons, c’est le non-respect de nos recommandations et de nos décisions. Si nos recommandations étaient suivies de fait dans beaucoup de domaines, il y aurait eu une amélioration des conditions de vie des populations. Je pense que la première des recommandations est que les États revisitent nos recommandations et nos décisions en essayant de s’y conformer. Maintenant, par rapport aux organisations de la société civile, nous avons également tenu autour, au cours de cette session, un panel sur le rétrécissement de l’espace civique. Les États deviennent frileux. Les États deviennent nerveux lorsque les ONG font leur travail, un travail de critique. Nous les avons toujours conseillés de prendre les critiques de la société civile comme des apports, des critiques constructives. Et nous recommandons également aux ONG de respecter les États dans lesquelles elles opèrent, de s’approprier des politiques, des cadres juridiques, des programmes, des politiques genre et de travailler dans ces domaines-là de façon à ne pas heurter des fois inutilement les décideurs et d’essayer de faire en sorte qu’ils puissent travailler dans une certaine harmonie. Nous recommandons également aux ONG de respecter les États dans lesquelles elles opèrent, de s’approprier des politiques, des cadres juridiques, des programmes, des politiques genre et de travailler dans ces domaines-là de façon à ne pas heurter des fois inutilement les décideurs et d’essayer de faire en sorte qu’ils puissent travailler dans une certaine harmonie Nous n’avons pas d’autre choix que d’avancer, mais il faut que nous soyons bien outillés, que nous soyons bien formés. Et tout ceci nous demande effectivement de favoriser une bonne relève à travers les relations intergénérationnelles et la formation des jeunes, et la conscientisation des jeunes également, l’amour aussi du vivre ensemble.