Auteur : Carole Vodouhè
Organisation affiliée : Africa Cybersecurity
Site de publication : cybersecuritymag.africa
Type de publication : Article
Date de publication : 22 novembre 2021
Le partage des vidéos instantanées connaîtra un tournant décisif avec l’introduction des lunettes intelligentes issues du partenariat entre Ray-Ban et Facebook (désormais Metaverse; ci-après Meta). Ces lunettes ont chacune deux caméras et trois microphones intégrés, de sorte que la personne qui les porte puisse enregistrer « ses expériences et interactions ». Ces partages se font toutefois en violation de la vie privée des personnes filmées. En effet, seul un petit indicateur lumineux rouge est intégré pour indiquer qu’un enregistrement est en cours.
En 2016, l’exploitation des données par le géant a déjà été prouvée tendancieuse pour la sécurité et la liberté de choix individuel dans de nombreux pays africains à la suite du scandale Cambridge Analytica, notamment en ce qui concerne les manipulations politiques qui sont intervenues au Kenya et au Nigéria.
La protection des renseignements personnels en Afrique
Dans la culture de plusieurs nations africaines, le concept de vie privée et de protection des renseignements personnels se rejoignent mais s’expriment différemment. À l’échelle continentale, la protection de la vie privée et des renseignements est donc largement partagée et se traduit par l’existence de déclarations explicites dans divers textes constitutionnels de nombreux pays comme l’Angola, le Cameroun, la République centrafricaine, le Tchad, la République du Congo, la Guinée équatoriale, la Gambie, le Ghana, la Guinée-Bissau, le Kenya et le Zimbabwe.
À l’échelle régionale, la protection des renseignements personnels est entérinée dans la Convention de Malabo qui établit six principes devant être respectés par les organisations tant publiques que privées. Ceux-ci établissent des lignes directrices qui doivent être prises en compte dans la collecte, l’utilisation et la conservation des informations collectées.
Une organisation qui veut utiliser les renseignements personnels de consommateurs africains dont les pays sont signataires de la Convention devra respecter les principes établis. Parmi ces principes, le consentement en est la pierre angulaire, car il implique que les personnes dont les renseignements seront collectés et utilisés soient informées afin d’y consentir librement.
Ce sont ces politiques de confidentialité qui permettent ainsi à Meta de collecter puis d’exploiter les renseignements personnels de milliards d’individus.
L’exploitation des données personnelles par Meta
En janvier 2020, 217,5 millions de la population africaine utilisent les médias sociaux. Grâce au déploiement massif d’algorithmes, la plateforme est en mesure de sauvegarder les données d’utilisateurs, de non-utilisateurs et même de comptes fermés.
Il est par exemple possible de déterminer avec précision le domicile et le lieu de travail d’une personne. Les multiples partenariats de Meta formés pour optimiser le déploiement de la publicité ciblée exploitent des renseignements personnels comme l’adresse IP de l’ordinateur, la géolocalisation, l’adresse email, le trajet de la souris d’ordinateur sur l’écran, le temps passé sur telle ou telle partie d’une page Web, sur tel produit, …etc.
Une organisation qui veut utiliser les renseignements personnels de consommateurs africains dont les pays sont signataires de la Convention devra respecter les principes établis. Parmi ces principes, le consentement en est la pierre angulaire, car il implique que les personnes dont les renseignements seront collectés et utilisés soient informées afin d’y consentir librement
Lors des élections de 2013 et 2017 au Kenya, en partenariat avec le Chef d’État Uhuru Kenyatta, les données personnelles d’électeurs ont été analysées et des profils d’électeurs établis sur cette base, une « propagande cousue de mensonges et d’exagérations » a alors pu être déployée pour influencer le choix des électeurs.
L’exploitation des renseignements personnelles détenues par Meta laisse entrevoir un danger important sur la stabilité de plusieurs régions africaines.
Les risques posés par les lunettes intelligentes
Les technologies telles que les lunettes intelligentes sont créées et fonctionnent à l’aide d’algorithmes puissants qui entendent, voient et enregistrent tous les moindres détails de la vie des utilisateurs et des non-utilisateurs.
La fonctionnalité des algorithmes utilisés ne se limite pas à la simple mémorisation des données, le but final étant de créer une base de données qui servira dans les futures versions des lunettes intelligentes à optimiser la réalité augmentée. Autrement dit, les comportements pourront être analysés, décortiqués, permettant à la machine de prédire avec une meilleure exactitude les choix des individus.
Gardant en tête que Meta est un potentiel fournisseur de choix de renseignements des gouvernements et que les demandes d’informations peuvent se faire sous un motif urgent, donc sans ordonnance judiciaire, ce système s’apparente à un mode de surveillance décentralisée.
Lors des élections de 2013 et 2017 au Kenya, en partenariat avec le Chef d’État Uhuru Kenyatta, les données personnelles d’électeurs ont été analysées et des profils d’électeurs établis sur cette base, une « propagande cousue de mensonges et d’exagérations » a alors pu être déployée pour influencer le choix des électeurs
Les lunettes intelligentes viennent bouleverser le consentement de l’enregistrement de soi et l’immixtion dans la vie privée prend une tournure faussement anodine.
Il importe donc qu’à l’échelle individuelle, une attention plus critique soit portée sur les technologies disponibles et utilisées afin de prévenir des violations de la garantie fondamentale qu’est la vie privée.
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