La question relative aux droits des femmes dans les médias « Je pense que ces dernières années, les médias font un effort assez considérable pour donner aux femmes une plateforme où elles peuvent s’exprimer. Une sensibilisation sur la question du genre a été faite. Les médias ont compris l’apport qu’ils peuvent apporter dans cette lutte parce qu’ici au Sénégal, toutes les chaines de télévision possèdent au moins une émission où l’opportunité est donnée à des femmes leaders de pouvoir partager leur vécu et leur parcours. Cela permet aux jeunes filles en quête de références de se dire qu’à force de persévérance, tout est possible. A la 2STV, nous animons une émission intitulée « Femmes » qui chaque mois nous révèle des profils de femmes leaders dans leur propre domaine de compétences. Nous ne pouvons pas affirmer avoir atteint l’excellence, mais je pense que durant les années à venir, au Sénégal cette question sera vraiment prise en compte. » La réticence des femmes à s’exprimer dans les médias « A mon avis, c’est assez culturel… car nous avons été éduqués de cette manière au Sénégal. Depuis la petite enfance, on nous dit que l’homme dirige et la femme doit le suivre. Je pense que c’est tellement ancré en nous que cela se reflète sur le plan professionnel. En parallèle, certaines femmes sont conscientes qu’elles sont marginalisées ou qu’elles n’occupent pas la place qu’elle devrait occuper. Je pense qu’il faudrait un travail de sensibilisation pour que ces femmes prennent conscience de leur apport et de leur poids. Une autre tendance voit le jour, de plus en plus les femmes ambitieuses sont taxées de féministes extrémistes dans les débats. Je pense que certaines femmes ne veulent pas qu’on les étiquette de cette manière. Au Sénégal, depuis 2010 la loi sur la parité a été votée mais sur l’applicabilité, les mesures peinent à être mises en place. Sur le plan politique, les femmes se lancent dans le milieu politique mais elles sont rares à se trouver sur les plateaux de télévision pour un ensemble de raisons culturelles et éducatives. » Le rôle des médias dans la revalorisation du statut de la femme « En termes de contenus, un travail important est en train d’être fait par les médias. Je pense qu’il faudrait accentuer les contenus mettant en exergue les femmes leaders. Cela implique de ne pas retrouver ces émissions seulement une fois par mois, mais une fois par semaine, ou une fois tous les 15 jours.
Je pense qu’il faudrait un travail de sensibilisation pour que ces femmes prennent conscience de leur apport et de leur poids
Il faudrait plus d’émissions de leadership féminin par rapport aux talk-shows où l’on entend que la femme doit rester à la maison. » L’absence de femmes dans les postes de décision au sein des médias « Les freins sont d’abord sociétaux. On va souvent reprocher qu’il y a des risques, parce que les femmes tombent souvent malades, parce qu’elles doivent s’occuper de leurs enfants et de leur mari. Au Sénégal, il y a cette mentalité qui implique que certains postes de responsabilité devraient automatiquement revenir aux hommes. Dans les médias, il y a des femmes compétentes qui pourraient occuper ces postes de responsabilité mais cela reste très rare. Pourquoi ? C’est la question que je me pose tous les jours. En revanche, il y a des avancées car les femmes occupent plus d’espace sur les plateaux télévisés. Certains diront que l’on fait de la femme un objet, qu’on la place devant l’écran pour attirer plus de public. C’est faux, ces femmes peuvent aussi être compétentes dans leur domaine. Dans le milieu des médias, c’est donc assez rare de voir les femmes occuper des postes de responsabilité mais je pense qu’il est grand temps de changer cela. » L’apport des réseaux sociaux dans la quête d’égalité pour les femmes « Les réseaux sociaux sont déjà très utiles dans ce combat. En Côte d’Ivoire par exemple, un animateur a invité un ex-violeur à montrer à l’antenne comment procéder au viol d’une femme. En quelques heures, l’émission a élevé un tollé sur les réseaux sociaux, à tel point que cette chaîne a sanctionné l’animateur.
Au Sénégal, il y a cette mentalité qui implique que certains postes de responsabilité devraient automatiquement revenir aux hommes
En prenant l’exemple de #GénérationEgalité sur les réseaux sociaux, nous voyons que les gens s’approprient ces luttes sur l’espace digital. Les réseaux sociaux ont compris, mieux que les médias classiques, qu’il faudrait davantage s’intéresser à la question du genre. Pour moi, la question du genre ne concerne pas seulement les femmes, mais aussi les hommes car il faut comprendre que donner une place à la femme contribue à améliorer la société. » Déconstruire la perception négative sur les droits des femmes « La sensibilisation est la clé de cette bataille… Il faut plus sensibiliser sur la question du genre. Il faudrait déconstruire la perception de cette question du genre pour permettre à plus de femmes et de jeunes filles d’oser se battre pour leurs droits et devoirs. » Message « La base, c’est le savoir. Il faudrait que les femmes acceptent d’aller se documenter, se faire former. Pour occuper un poste, il faut les compétences nécessaires. Ensuite, une mutualisation des forces serait nécessaire parce que malheureusement, on nous répète souvent que « l’ennemi de la femme, c’est la femme ». Il faudrait que les femmes s’entraident et s’organisent.
Pour moi, la question du genre ne concerne pas seulement les femmes, mais aussi les hommes car il faut comprendre que donner une place à la femme contribue à améliorer la société
Nous avons besoin de plus en plus de voir des visages qui nous inspirent, nous avons besoin de voir des femmes leaders. Il faudrait penser aux legs de ces femmes pour la génération suivante. Avoir peur, c’est compréhensible mais en se battant, nous permettons à la génération qui va suivre de ne pas avoir peur. Mesdames, s’il vous plait, imposez-vous davantage et faites en sorte que la génération qui va suivre ait des repères. »
Journaliste à la 2Stv depuis fin 2016, Khardiata est chargée des questions culturelles à la télévision.