Organisation : Fédération internationale des ligues du droit de l’ Humain
Type de publication : Guide pratique
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Le rôle des ONG lors des sessions de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples et du Forum des ONG qui les précède.
Les Sessions de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (CADHP).
Quand a été créée la CADHP ?
La CADHP est un organe conventionnel. Son mandat, sa composition et ses fonctions sont prévus au Chapitre 2 de la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples (ci-après Charte africaine) adoptée par les chefs d’État africains en 1981.
La CADHP a pris ses fonctions en 1987. Son siège est à Banjul, en Gambie.
Quel est son rôle ?
La CADHP a pour fonction de promouvoir et de protéger les droits de l’Homme et des peuples. Elle :
- Examine le respect par les États parties à la Charte africaine des droits garantis par cet instrument et, le cas échéant, donne des avis ou fait des recommandations aux gouvernements (par le biais de communications / résolutions / interpellations / communiqués, etc).
- Rassemble de la documentation, fait des études et des recherches, organise des séminaires, des colloques et des conférences, diffuse des informations, sur les droits de l’Homme en Afrique.
- Coopère avec les autres institutions africaines ou internationales qui s’intéressent à la promotion et à la protection des droits de l’Homme et des peuples.
- Interprète toute disposition de la Charte africaine à la demande d’un État partie, d’une Institution de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) ou d’une Organisation africaine reconnue par l’OUA – OUA qui est devenue en 2002 l’Union africaine (UA).
Qui la compose ?
La CADHP est composée de 11 Commissaires élus par les chefs d’État et de Gouvernement de l’Union africaine. Les Commissaires doivent être indépendants. Ils sont élus pour 6 ans.
Que sont les Groupes de travail et les Rapporteurs spéciaux de la CADHP ?
Au sein de la CADHP, ont été créés par des résolutions, des Groupes de travail qui regroupent la plupart du temps 2 ou 3 commissaires et quelques experts (individus ou représentants d’ONG), pour travailler sur une thématique précise en matière de protection des droits de l’Homme.
Ces groupes peuvent notamment et suivant leur mandat, publier des rapports, adopter des résolutions, émettre des recommandations aux États, travailler sur des instruments normatifs.
Ainsi, il existe des Groupes de travail sur :
- la peine de mort (création impulsée notamment par la FIDH)
- les populations autochtones en Afrique
- les droits économiques sociaux et culturels
- les lignes directrices de Robben Island sur les conditions de détentions
- les questions spécifiques liées au travail de la CADHP
Par ailleurs, certains commissaires ont des fonctions particulières au sein de la CADHP et s’occupent de la promotion et de la protection d’un droit spécifique.
Ainsi, il existe des Rapporteurs spéciaux sur :
- les droits des femmes en Afrique
- les prisons et les conditions carcérales en Afrique
- la liberté d’expression en Afrique
- la situation des défenseurs des droits de l’Homme en Afrique (création impulsée par la FIDH)
- les réfugiés, les demandeurs d’asile et les personnes déplacées en Afrique
- les exécutions extra-judiciaires, sommaires
Ces Rapporteurs peuvent préparer des résolutions lors des sessions de la CADHP; intervenir auprès des États lorsqu’une violation d’un droit est avéré; diffuser des communiqués de presse et faire des missions d’enquêtes ou de promotion sur invitation des États.
La CADHP a pour fonction de promouvoir et de protéger les droits de l’Homme et des peuples
Quand et où se déroulent les sessions de la CADHP ?
La CADHP tient deux sessions par an, en mai et novembre. Généralement, une de ses sessions se tient au siège de la CADHP, en Gambie. L’autre se déroule dans un autre État partie qui a proposé d’accueillir une session de la CADHP
Qui est présent aux sessions ?
- Les 11 commissaires
- Les représentants des États parties
- Les Institutions nationales de droits de l’Homme
- Les représentants des organisations internationales, notamment de l’Union africaine, de l’Organisation internationale de la Francophonie, du Haut Commissariat aux Réfugiés, du Comité International de la Croix Rouge, etc…
- Les Organisations non-gouvernementales (ONG) ayant ou non le statut d’observateur auprès de la CADHP
Comment se déroulent les sessions ?
La CADHP se réunit d’abord en sessions publiques :
- Le premier point examiné par les commissaires est la situation des droits de l’Homme en Afrique. Peuvent s’exprimer successivement sur ce point : les États, les Organisations internationales (UA-OIF…), les institutions nationales et les ONG ayant le Statut d’observateur auprès de la CADHP.
- Le point suivant est l’examen par les commissaires des rapports des ÉtatsConformément aux dispositions de la Charte africaine (Article 62), les États parties doivent présenter périodiquement (touts les deux ans) un rapport à la CADHP faisant état du respect des droits consacrés par la Charte, article par article.Généralement, à l’occasion d’une session, 2 ou 3 États présentent leur rapport. Ce dernier est disponible avant chaque session sur le site internet de la CADHP. Après une introduction générale de l’État, les commissaires font des commentaires et posent des questions sur la protection des droits de l’Homme dans le pays basés sur les rapports présentés par l’État et les ONG. L’État a ensuite la possibilité d’y répondre.L’examen des rapports des États aboutit à un rapport de la CADHP dans lequel est contenue les observations et recommandations des commissaires quant au respect, la protection et la promotion des droits de l’Homme dans le pays visé. le rapport n’est pas rendu public et les recommandations sont non contraignantes.
La CADHP tient ensuite des sessions privées. Lors de ces sessions, la CADHP :
- Examine et adopte les rapports de missions (missions d’enquêtes ou de promotion)
- Examine les communications
- Examine des questions administratives et financières
- Adopte des résolutions / décisions / recommandations (rendues publiques à la fin des sessions)
- Détermine les dates et le lieu de la prochaine session
- Elle tient ensuite une conférence de presse à l’issue de ses travaux.
Que peuvent faire les ONG pendant les sessions ?
Lors d’une session de la CADHP, les ONG ont plusieurs moyens de plaider pour la protection des droits de l’Homme en Afrique et dans leur pays:
- Les ONG qui ont le statut d’observateur auprès de la CADHP peuvent informer les commissaires sur la situation des droits de l’Homme dans tel ou tel pays par le biais d’interventions orales au cours des sessions publiques. Elles peuvent le faire sous le point« situation générale des droits de l’Homme en Afrique » ainsi qu’à la suite des rapports des Groupes de travail et des Rapporteurs spéciaux. Ces interventions peuvent donc porter sur : les défenseurs des droits de l’Homme ; la liberté d’expression ; les réfugiés et personnes déplacées ; les droits économiques, sociaux et culturels ; les conditions de détention ; les exécutions extra-judiciaires ; la peine de mort ; les minorités, etc.Chaque ONG peut intervenir sur le nombre de points qu’elle souhaite. L’intervention doit contenir un aperçu des violations des droits de l’Homme correspondant au point traité et faire des recommandations aux États concernés et à la CADHP. C’est une bonne occasion pour demander aux commissaires d’adopter une résolution sur les violations soulevées. En générale, l’intervention ne peut dépasser 3 min (soit l’équivalent de 2 pages). Les États disposent d’un droit de réplique aux interventions des ONG
- Les ONG peuvent recommander l’adoption de résolutions
- « d’urgence » : sur la situation des droits de l’Homme dans tel ou tel pays (ex : une résolution qui condamne les violations des droits de l’Homme au Darfour),
- « thématique » : sur un droit spécifique (ex : une résolution sur le respect des droits de l’Homme dans le cadre de la lutte contre le terrorisme).
- Les ONG peuvent recommander aux commissaires l’adoption de telles résolutions à l’occasion de leurs interventions orales devant la CADHP (cf. ci-après) ou à l’occasion de discussions de couloir avec les commissaires.
- Les ONG peuvent informer les commissaires de la situation des droits de l’Homme dans le pays dont le rapport est examiné par la CADHP aux fins de recommandations.
==> A savoir : les ONG n’ont pas d’espace de parole lors de l’examen des rapports des États par la CADHP.
Aussi, il est important de faire du « lobby de couloir » auprès des commissaires pour les éclairer sur la situation des droits de l’Homme dans le pays dont le rapport est examiné durant la session par la CADHP.
Pour ce faire, il est utile que les ONG préparent une liste de questions (que les commissaires peuvent poser à l’État examiné. (Ex : considérant les actes de torture commis dans tel pays, que fait l’État pour prévenir et punir de tels actes conformément à l’article 5 de la Charte africaine).
Pour plus d’efficacité, cette liste doit être fondée sur un rapport alternatif plus détaillé.
Ces documents vont permettre aux commissaires, qui ne connaissent pas forcément l’ensemble de la situation des droits de l’Homme dans les pays examinés, d’amener les représentants des pays à apporter une réponse précises aux situations préoccupantes et d’établir, en conséquences des recommandations.
- Les ONG peuvent déposer des communications (cf. article 56 de la Charte africaine). Il s’agit de « plaintes » dénonçant les violations des dispositions de la Charte africaine par un État partie (nombreuses communications ont permis de dénoncer les actes de torture en Mauritanie, la violation du droit à un procès équitable au Nigeria et au Soudan, etc.), elles ne peuvent être déposées qu’après épuisement des voies de recours internes (ou en cas d’absence d’effectivité de celles-ci). Sur plusieurs sessions, la CADHP va alors examiner la recevabilité puis le fond de l’affaire avant d’adopter, le cas échéant des recommandations à l’intention des États concernés. Une fois la communication déposée, les ONG peuvent être amenées, lors des sessions privées, à plaider leur cause devant les commissaires.Il existe des critères de recevabilité d’une communication (Article 56 de la Charte). Pour être examinées par la CADHP, celles-ci doivent impérativement :
- Indiquer l’identité de leur auteur même si celui-ci demande à la Commission de garder l’anonymat
- Être compatibles avec l’Acte constitutif de l’Union africaine ou avec la Charte africaine
- Ne pas contenir des termes outrageants ou insultants à l’égard de l’État mis en cause, de ses institutions ou de l’UA
- Ne pas se limiter à rassembler exclusivement des nouvelles diffusées par des moyens de communication de masse
- Être postérieures à l’épuisement des recours internes s’ils existent, à moins qu’il ne soit manifeste à la Commission que la procédure de ces recours se prolonge d’une façon anormale
- Être introduites dans un délai raisonnable courant depuis l’épuisement des recours internes ou depuis la date retenue par la Commission comme faisant commencer à courir le délai de sa propre saisine
- Ne pas concerner des cas qui ont été réglés conformément soit aux principes de la Charte des Nations Unies, soit de l’Acte constitutif de l’Union africaine et soit des dispositions de la Charte africaine.
- Les ONG peuvent organiser des « évènements parallèles » (conférences / session de formation, etc.) sur un thème particulier relatif à la promotion et la protection des droits de l’Homme. Les ONG peuvent demander la participation de commissaires ou de représentants d’État à ces événements. Ainsi la FIDH a pu organisé lors des sessions de la CADHP plusieurs conférences, notamment sur l’abolition de la peine de mort et les disparitions forcées.
- Les ONG peuvent rencontrer les représentants des États, des Institutions nationales, de l’Union africaine et d’autres organisations internationales et africaines pour leur faire part de leurs préoccupations sur la situation des droits de l’Homme dans tel ou tel pays et pour développer quelques champs de coopération et d’action.
- Les ONG peuvent renforcer leur réseau de coopération avec les autres ONG présentes.
- Les ONG peuvent diffuser des rapports et informations auprès des commissaires, des ONG, des Organisations internationales et des autorités nationales présentes.
Les États parties doivent présenter périodiquement (tous les deux ans) un rapport à la CADHP faisant état du respect des droits consacrés par la Charte, article par article
Que peuvent faire les ONG entre les sessions ?
− Informer les commissaires, notamment les Rapporteurs spéciaux, de la situation des droits de l’Homme dans leur pays. Ces informations alimentent les rapports des Rapporteurs spéciaux lors des sessions de la CADHP et peuvent être relayées par un communiqué de presse des Rapporteurs, disponible sur le site de la CADHP.
Par exemple, sur sollicitation de l’Observatoire pour la protection des défenseurs programme conjoint de la FIDH et de l’OMCT, la Rapporteur spécial sur les défenseurs a diffusé des communiqués sur les violations des droits des défenseurs des droits de l’Homme en Guinée, à Djibouti et en RDC.
− Les ONG peuvent envoyer des communications auprès de la CADHP sur la violation d’un droit de la Charte africaine par un État partie.
− Inviter les commissaires à participer à divers événements sur la promotion et la protection des droits de l’Homme.
Par exemple, la FIDH invite chaque année le Rapporteur spécial sur les droits des défenseurs des droits de l’Homme en Afrique à l’occasion de la conférence de presse de sortie du rapport annuel de l’Observatoire.
− Rencontrer les commissaires qui participent à une mission d’information sur les droits de l’Homme dans tel ou tel pays, aux fins d’apporter des informations alternatives à celles des autorités.
− Demander aux États de respecter les recommandations de la CADHP issues de ses résolutions / communications / missions sur tel ou tel pays.
Qui organise le Forum de participation des ONG aux sessions de la CADHP (Forum) ?
Le Forum est organisé par le « African Centre for Democracy and Human Rights Studies » (Centre africain d’études sur la démocratie et les droits de l’Homme), une ONG qui a son siège à Banjul, Gambie.
Quand se tient le Forum ?
Le Forum se tient avant chaque session de la CADHP, soit deux fois par an, dans le pays hôte de la session de la CADHP. Le Forum dure 3 jours.
Qui y participe ?
− Plus d’une centaine d’ONG indépendantes.
− Les commissaires sont également conviés aux travaux du Forum
Les États disposent d’un droit de réplique aux interventions des ONG
Quel est l’objectif de ce Forum ?
Le Forum a pour objectif de préparer chaque session de la CADHP :
− En faisant un état des lieux de la situation des droits de l’Homme sur le continent africain.
− En développant et formulant quelques stratégies communes aux ONG concernant certaines thématiques spécifiques relatives aux droits de l’Homme : lutte contre l’impunité, droits des femmes, droits économiques et sociaux, etc.
− En adoptant des résolutions pour proposition à la CADHP.
Comment se déroule le Forum ?
− Le 1er jour du Forum est consacré à une présentation générale des droits de l’Homme en Afrique et des présentations de la situation par sous-région (Afrique de l’Ouest / Afrique de l’Est / Afrique Australe / Afrique Centrale / Afrique du Nord). Le reste de la journée est consacré à des thématiques spécifiques relatives à l’actualité des droits de l’Homme ;
− Le matin du 2ème jour permet habituellement d’échanger sur la situation des défenseurs des droits de l’Homme ainsi que sur la situation des droits des femmes et/ou la lutte contre l’impunité en Afrique.
L’après-midi est consacré aux groupes d’intérêts spécifiques. Différends groupes se forment sur des thématiques précises (Ex : peine de mort / lutte contre l’impunité / défenseurs des droits de l’Homme / droits des femmes / migration, etc). Ces groupes ont pour principal objectif de proposer un projet de résolution sur leur thème pour adoption par le Forum.
− La matinée du 3ème jour est consacrée à diverses thématiques en fonction de l’actualité des droits de l’Homme.
En début d’après midi, un comité de rédaction est établi pour réunir l’ensemble des projets de résolutions des ONG (ceux sur les thématiques mais également toute proposition de résolution sur une situation de violations des droits de l’Homme dans tel ou tel pays africain) et les mettre en forme. Ces résolutions sont ensuite soumises à la validation du Forum. Une fois adoptées, les résolutions sont présentées à la CADHP.
Comment peuvent agir les ONG durant le Forum ?
Il s’agit de profiter de la présence de nombreux défenseurs de la région pour leur permettre d’interagir sur des thématiques de mobilisation spécifiques.
Les ONG ont la possibilité :
- d’intervenir sur chaque thème développé par le Forum. Si elle ne fait pas partie des panélistes qui présentent un thème (Ex : droits des femmes), elle peut prendre la parole une fois l’introduction du thème réalisée
- de proposer et donc de diriger un groupe d’intérêt spécifique sur un thème particulier ou de participer aux groupes d’intérêts spécifiques déjà existants
- de présenter des projets de résolution (thématique et/ou sur des situations pays) pour adoption par le Forum
- de valider les projets de résolution
- d’initier un « évènement parallèle » sur un thème particulier et/ou de participer aux évènements organisés par d’autres ONG
- de prendre contact avec les commissaires déjà présents pendant le Forum pour commencer le lobby sur les rapports des États et/ou les projets de résolutions
- de développer son réseau avec les autres ONG présentes
- les ONG peuvent diffuser leurs rapports et informations auprès des ONG, des commissaires et des Organisations internationales présents.
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