Dans le cadre du débat sur la prise en charge du handicap en Afrique de l’Ouest, WATHI a rencontré Mamadou Ndaw de l’Association pour la promotion des personnes handicapées de Ouakam, à Dakar. Il occupe le poste de secrétaire général chargé de l’administration au sein de l’association. Dans cet entretien, il parlent de l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap et de la loi d’orientation de 2010.
Qu’est qui a été à l’origine de la création de votre association?
Nous sommes une association dénommée « Association pour la promotion des handicapés de Ouakam » qui regroupe différentes activités comme la confection de sacs recyclés, la sérigraphie et la cordonnerie. Le centre a été créé depuis 2014, mais l’association existait depuis 2001. Lorsqu’on a obtenu notre statut et notre récépissé en août 2001, on a développé des activités visant à faire la promotion du handicap. Nous souhaitions faire de sorte qu’à Ouakam, (quartier de Dakar) que les personnes en situation de handicap soient autonomes et nous sommes restés dans cette lancée.
Lorsque la commune nous a offert un siège, nous avons initié beaucoup d’activités avec la formation en peinture, en sérigraphie, la confection de sacs en papier, jusqu’à mettre en place ce centre. L’association regroupe plusieurs types de handicap notamment les sourds-muets et les aveugles. C’est une association pluri-catégorielle.
Quelle est d’une manière générale la perception du handicap au Sénégal?
Au début, on nous voyait comme des gens qui ne peuvent rien faire du tout. Des gens que l’on mettait dans une catégorie de personnes en situation de dépendance, mais avec les campagnes de sensibilisation, les gens ont tendance à nous voir d’une autre manière.
La carte d’égalité des chances est appliquée. Toutefois, elle n’est pas effective. Seule une partie des personnes vivant avec un handicap en bénéficie
Ils essaient de voir comment accompagner les personnes en situation de handicap. Avec l’avènement de la loi d’orientation sociale n° 2010-15 du 6 juillet 2010 relative à la promotion et à la protection des droits des personnes handicapées, la tendance a un peu changé quand même. On ne nous regarde plus comme on le faisait auparavant. Nous aussi, les personnes en situation de handicap, nous essayons de changer cette image. Nous sommes obligés de nous confronter à la vie, d’être autonomes et de connaître nos droits. Au temps, il y avait beaucoup de discrimination, mais il y a des changements maintenant.
Est-ce que vous recevez des financements dans le cadre de vos différents projets?
Certains projets sont financés. Au début, nous avions lancé un projet avec l’ambassade des Pays-Bas qui nous a permis d’avoir un financement pour l’achat des machines. L’organisation OSIWA (Open Society Initiative for West Africa) a réfectionné ce bâtiment avec un financement de 25.000 dollars. Ils nous ont permis de réfectionner les locaux et de les équiper avec des machines, des bureaux et une salle de conférence. Le ministère de l’Environnement aussi nous a offert des machines qui nous permettent de confectionner des sacs et de faire de la sérigraphie. Nous travaillons souvent avec les ONG.
Comment alliez-vous le social et l’économique?
Je pense qu’il faut intégrer les personnes en situation de handicap sur le plan social, pour que l’économie puisse avancer. C’est une partie importante de la population qu’il ne faut pas marginaliser, mais l’accompagner pour qu’elle contribue au développement du pays. C’est ce qui doit être la contribution de tous à l’économie et au développement. Il faut porter sur ces personnes un autre regard et les intégrer, dire aux parents qui ont des enfants handicapés de les laisser aller à l’école.
On ne peut pas avoir un parcours sans éducation. Sinon, à l’avenir, ils vont rester dans la rue pour quémander. Pour lutter contre ce genre de pratiques, nous faisons beaucoup de sensibilisation pour que les enfants aient accès à l’éducation. Il faut aussi une formation pour les personnes âgées en situation de handicap pour ne pas qu’ils soient des poids sociaux.
Quel est l’état des lieux par rapport à la loi d’orientation sociale de 2010?
Elle a été votée, mais il reste l’application. Il y a le décret qui devait être appliqué mais malheureusement, jusqu’à présent, il n’y a pas de réel suivi. Seule la carte d’égalité des chances est appliquée. Toutefois, elle n’est pas effective. Seule une partie des personnes vivant avec un handicap en bénéficie.
C’est une partie importante de la population qu’il ne faut pas marginaliser, mais l’accompagner pour qu’elle contribue au développement du pays
La carte doit être effective et jouer son rôle. Elle permet d’accéder à l’éducation, aux soins de santé, à la formation professionnelle, à l’emploi et même au transport. Il faut que l’État puisse travailler avec les acteurs concernés pour l’effectivité de la loi. Ceux qui détiennent des cartes ont automatiquement une bourse sociale, mais ce n’est pas généralisé. Il reste l’application et les décrets doivent être signés pour être appliqués. Même si le président de la République ne signe pas de décret d’application, les ministères doivent prendre des arrêtés sur les décrets.
Comment se passe l’insertion socio-professionnelle dans le centre?
Avec les moyens que nous avons, nous n’hésitons pas à recruter des personnes compétentes. L’association regroupe une quarantaine de personnes mais elles ne sont pas toutes présentes. Dans l’association, on a créé aussi un Groupe d’intérêt économique (GIE) pour nous permettre de capter des fonds, d’obtenir des demandes d’agrément parce que l’association en tant que telle a des limites sur le plan financier. Donc avec le GIE, on peut gagner des marchés et payer le personnel. C’est le GIE qui se charge de la confection des sacs, et on effectue des formation aussi pour les membres qui en ont besoin.
Crédit photo : Page Facebook de l’association
Mamadou Ndaw est secrétaire général chargé de l’administration et des projets au sein de l’Association pour la promotion des handicapés de Ouakam à Dakar.