Auteurs : Loukou Jean-Baptiste N’guessan, M. Della André Alla
Organisation affiliée : PASRES (Programme d’Appui Stratégique à la Recherche Scientifique
Type de publication : Article de revue scientifique
Date de publication : 2019
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La gestion des déchets solides et liquides est sans doute la face la plus visible des problèmes environnementaux en milieu urbain. La situation est particulièrement critique dans les grandes villes africaines où s’amoncellent des déchets le long des voies et certains espaces publics. La non-maîtrise de l’urbanisation et de la croissance démographique par les autorités municipales et étatiques contribue à l’utilisation anarchique de l’espace, à la prolifération des déchets liquides et solides.
La commune d’Abobo, une banlieue située au nord d’Abidjan, caractérisée par la dégradation continue de son environnement n’échappe à cette logique. Estimée à 638 237 habitants en 1998, elle a atteint 1 030 658 habitants en 2014 (RGPH, 2014). La population a énormément augmenté sans que les infrastructures urbaines ne suivent le même dynamisme. Ainsi, on assiste à une prolifération de déchets solides avec son corollaire de rats, de drosophiles et de moustiques, vecteurs de maladies, à des eaux usées mal traitées qui s’écoulent dans la nature.
Les déchets solides et liquides : une réalité saisissante des problèmes environnementaux à Abobo
Le taux de collecte est faible et varie entre 52 et 60 % des ordures produites entre 2013 et 2017. Plus de 40 % des déchets ne sont pas collectés. Ainsi, les déchets non collectés s’amoncellent dans les caniveaux, les places publiques, les réserves administratives et les ravins.
La forte croissance démographique couplée à l’extension non contrôlée de l’urbanisation est probablement une cause tout aussi plausible de la multiplication des problèmes d’assainissement que connait aujourd’hui Abidjan et ses banlieues. A l’insuffisance du réseau d’assainissement unitaire, s’ajoute la question de l’indiscipline et de la faible conscience environnementale des individus et quelques fois des agents municipaux. Conséquemment à cette situation s’ensuit la dégradation généralisée de l’espace.
Les facteurs de l’insalubrité généralisée à Abobo
La collecte des ordures à Abobo à l’image d’Abidjan reste encore faible et très irrégulières. L’entreprise ECOTI SA s’occupe de la collecte des ordures ménagères, du balayage des voies et espaces publiques, du désherbage et du curage des caniveaux, tandis que l’établissement MOYA est chargé de la collecte des déchets verts dans le district d’Abidjan. Malheureusement, la prestation de ces entreprises est encore peu satisfaisante.
La municipalité et le district se trouvent dépassés par une production de déchets devenant incontrôlable. En outre, pour éviter le stockage prolongé des déchets dans les concessions, les entreprises invitent les populations à déposer les déchets qu’ils produisent dans les bacs à ordures. Or, les bacs à ordures placés dans des terrains vagues, aux abords des voies, pour recevoir les déchets et les fûts publics placés aux coins des rues sont par ailleurs insuffisants et de faibles capacités.
Plus de 40 % des déchets ne sont pas collectés. Ainsi, les déchets non collectés s’amoncellent dans les caniveaux, les places publiques, les réserves administratives et les ravins
Depuis quelques décennies, la corruption a pris de l’ampleur dans les mœurs des populations ivoiriennes. Cette pratique se répercute dans le fonctionnement des activités socio-économique y compris la gestion de l’environnement. En effet, en parcourant quelques artères de la commune, on constate des irrégularités sous la forme d’indiscipline ou d’incivisme dans la gestion rationnelle du cadre de vie par les populations. Ces pratiques concernent les fosses septiques construites en pleine rue, des boues de vidanges déposées dans des trous creusés dans le voisinage des concessions etc.
Face à cette situation délicate, le rôle d’arbitrage confié le plus souvent aux agents du service d’hygiène de la municipalité est compromis dans son exécution par la corruption si bien que des pratiques environnementales inacceptables sont parfois tolérées.
A Abobo, lorsque les entreprises formelles de ramassage des déchets ne desservent pas les ménages pauvres ou qu’ils ne sont pas intégrés dans les groupements de quartiers, les populations trouvent d’autres alternatives. Ces dernières se débarrassent des poubelles qu’elles produisent au niveau des terrains en attente de construction et même au niveau des places publiques du quartier qui les abritent. De la sorte elles accroissent ainsi le lot des décharges sauvages rendant ‘‘ l’espace de jeux ’’ des enfants dangereux pour leur état de santé.
Du fait de son développement spontané, le quartier n’a pu bénéficier d’infrastructures nécessaires à un assainissement et un drainage appropriés des eaux usées et pluviales. Les populations ont donc recours, pour l’élimination des urines et des matières fécales, à des fosses septiques dont l’installation ne respecte pas les normes conventionnelles. Quand ces fosses sont pleines, elles laissent couler leur contenu malodorant dans les rues.
Les populations (45%) sont insatisfaits du fonctionnement à cause de la présence des mouches, des moustiques, des cafards des odeurs nauséabondes, des souris vecteurs de pathologies mortelles. Les vidanges sont faites au moyen de camions citernes et parfois de façon artisanale. On retrouve parfois dans ces quartiers des fosses septiques remplies qui mettent du temps à être vidées de leur contenu.
Le niveau d’instruction influence la gestion du cadre de vie. En effet, plus le niveau du chef de ménage est élevé, plus celui-ci est favorable à un cadre de vie descend et enviable. Ainsi, parmi 76 chefs de ménage favorable à une hygiène de base, 29 ont un niveau supérieur, 20 (niveau secondaire) et 13 (niveau primaire).
Impact sanitaire des déchets solides et liquides
Les populations interviewées ont dénoncé l’apparition de plusieurs maladies environnementales dans leur milieu. Les affections couramment vécues sont par ordre d’importance : le paludisme (28,10 %), les dermatoses (18,37 %), les maladies diarrhéiques (16,05 %), la fièvre typhoïde (10,54 %), les Infections Respiratoires Aiguës (10,13 %), les parasitoses (9 %) et les autres maladies (7,81 %) telles que la tuberculose, la poliomyélite, etc. Curieusement, les quartiers choisis montrent une relation étroite entre la perception des populations et la densité de potentiel de contamination.
Ces dernières se débarrassent des poubelles qu’elles produisent au niveau des terrains en attente de construction et même au niveau des places publiques du quartier qui les abritent. De la sorte elles accroissent ainsi le lot des décharges sauvages rendant ‘‘ l’espace de jeux ’’ des enfants dangereux pour leur état de santé
La présence des mouches, moustiques, cafards, rongeurs est citée par 60 % des ménages de la zone étudiée. L’existence dans les eaux usées et ordures ménagères, de germes et microbes pathogènes, est perçue par 73 % des ménages comme facteurs de contamination des eaux, du sol et des aliments avec des risques de santé.
La synthèse de toutes les informations recueillies permet par ailleurs de mettre en avant l’importance de la gestion des déchets qui semble hautement corrélée avec la vulnérabilité des populations.
Discussion
La collecte et l’élimination des déchets constituent la face la plus visible des problèmes environnementaux et le principal défi en termes de gestion de l’environnement à Abobo.
De 77 % d’ordures collectées en 1984, on est passé à 60 % en 1996. Il reste donc 40 % de déchets non collectés qui constituent des dépôts sauvages. Par ailleurs, la gestion des eaux usées et pluviales est tout aussi délicate. Les populations et les pouvoirs publics éprouvent d’énormes difficultés à rendre leur environnement plus viables. En effet, chaque ménage gère selon ses propres moyens les déchets liquides qu’il produit.
La corruption grandissante dans l’administration publique et l’absence de notion du travail bien fait façonnent l’évolution de la ville dans une déviance très compromettante pour tous les secteurs d’activité. Le rôle d’arbitrage de l’Etat ne peut être qu’approximatif dans un tel environnement social, politique et économique gangrené par ces déviances qui s’affirment sur le terrain par des pratiques illicites, l’appropriation anarchique de l’espace et un fréquent contournement de la loi. La commune d’Abobo n’échappe pas à cette logique, car ce fléau affecte gravement la gestion de l’environnement et par conséquent, potentialise le développement de pathologies.
De 77 % d’ordures collectées en 1984, on est passé à 60 % en 1996. Il reste donc 40 % de déchets non collectés qui constituent des dépôts sauvages. Par ailleurs, la gestion des eaux usées et pluviales est tout aussi délicate. Les populations et les pouvoirs publics éprouvent d’énormes difficultés à rendre leur environnement plus viables
Un tel environnement est favorable à l’apparition de plusieurs pathologies. L’amoncellement des déchets dans le cadre de vie, potentialise les risques sanitaires. Ainsi, se développent des pathologies dites environnementales.
Il y a une corrélation forte entre la qualité de l’environnement des ménages et la prévalence des maladies dites environnementales. Les liens déchets-santé s’expriment clairement à travers les valeurs du risque relatif (strictement supérieur à 1) et des risques attribuables aux déchets. Ainsi, les risques sanitaires attribuables à l’environnement insalubre varient de 26 et 47 %. Ces valeurs du risque attribuables sont supérieures à celle de l’Organisation Mondiale de la Santé, (2007, p.5) qui stipule que 24 % de la charge de morbidité dans le monde est imputable aux facteurs environnementaux.
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