L’état actuel des violences Je ne saurais dire qu’il n’y a pas eu d’avancée du point de vue des règlements juridiques parce qu’aujourd’hui, le Sénégal a ratifié sans réserve toutes les conventions internationales liées aux droits des femmes et des filles. Il ne s’agira pas seulement de signer et d’adopter, de ratifier, mais plutôt d’uniformiser ces règlements juridiques internationaux avec nos lois nationales. Je vous donne juste l’exemple du viol. Nous avons été au-devant de la scène pour la criminalisation du viol et de la pédophilie au Sénégal, avec bon nombre d’organisations de la société civile. Au fond, il ne s’agissait pas seulement de criminaliser, mais de mettre en place des mesures d’accompagnement efficaces. Pendant que le viol était considéré comme un délit, c’était tout un problème pour que nos magistrats appliquent les peines à la hauteur des actes. Il est arrivé au Sénégal qu’on applique six mois de sursis à un prédateur sexuel, ce qui est vraiment malheureux parce qu’on pense beaucoup plus à l’auteur de l’acte qu’à la victime. Au-delà du viol, à mon avis, il y a certaines violences qui ne font pas la une de nos journaux, tels que le harcèlement sexuel. Au-delà du harcèlement sexuel, il y a également la stigmatisation. Aujourd’hui, certaines filles ne vont pas à l’école lorsqu’elles sont en période de menstrues. Elles n’ont pas les moyens financiers de se procurer de kit sanitaire, des serviettes hygiéniques. Je pense qu’aujourd’hui, c’est le minimum quand même pour un État. Aujourd’hui, quand certaines organisations sont dans cette dynamique de sensibiliser, sont dans cette dynamique de mettre en place des centres d’appel, des dispositifs d’alerte, il doit y avoir cet appui de l’État du Sénégal parce qu’elles le font peut être pour impacter leur communauté. Elles le font peut être par fibre patriotique et citoyenne. C’est quand même le rôle de l’État du Sénégal. Il ne s’agissait pas seulement de criminaliser le viol, mais de mettre en place des mesures d’accompagnement efficaces Par contre, il y a eu pas mal d’avancées aujourd’hui, quand on se bat pour les droits des femmes, ce n’est pas seulement pour lutter contre les violences basées sur le genre et parfois, on peut se tromper de combat. Le combat doit se faire du point de vue des instances de prise de décision. Le Sénégal a connu des avancées dans ce sens. Des institutions telles que le Conseil économique, social et environnemental avec à sa tête, Mme Aminata Tall, une dame, une grande dame d’ailleurs, puis avec Mme Aminata Touré. Le Haut conseil des collectivités territoriales. Nous avons une grande dame, Mme Aminata Mbengue Ndiaye. A l’Assemblée nationale, nous avons la parité et aujourd’hui, qu’on le veuille ou pas, il y a eu des avancées de ce point de vue.
Alors à mon humble avis, dans la lutte contre les violences basées sur le genre, dans la lutte pour le respect des droits des femmes et des filles, des droits de l’homme, de manière générale, toutes les autorités coutumières, politiques, religieuses, la société civile doivent y jouer un rôle. Alors, il y a certes un travail qui est en train d’être fait par certaines organisations de la société civile, mais à mon avis, on doit beaucoup plus veiller à la mise en place d’un dispositif d’alerte. Au Sénégal, il est vraiment difficile pour une femme de dénoncer. Nous avons deux valeurs qui, aujourd’hui, sont en quelque sorte des obstacles à cette lutte. Toutes les autorités coutumières, politiques, religieuses et la société civile doivent y jouer un rôle Le Sénégal, entre 2016 et 2019, a compté 4.329 cas de viol, sans pour autant compter ceux qui sont inhibés par le «soutoureu» et le «maslaa». Si aujourd’hui, nous n’arrivons pas à surmonter ces obstacles, à mon avis, il devient difficile d’évaluer ces violences basées sur le genre, mais aussi de pouvoir les appréhender et pouvoir prendre les meilleures initiatives. L’État du Sénégal, les organisations doivent également travailler dans ce sens à sensibiliser ces personnes. Au Sénégal, quand la femme se marie, on dit souvent que tu te maries pour le meilleur et pour le pire, de quel pire s’agit-il? C’est à ce niveau que se pose le problème. Je suis d’accord que nous avons nos réalités socio culturelles. Par contre, est ce qu’il y va aujourd’hui de notre santé? Est ce qu’il y va de la vie de la femme? Est ce qu’il y va aujourd’hui d’exposer nos enfants à un cycle de violence perpétuel qu’ils pourront répéter dans le futur et de penser qu’une femme battue par son mari est une chose bien normale. Donc il y a beaucoup de pas à faire dans ce sens. Et à mon avis, si nous mettons en œuvre nos expériences, nos compétences, nous pourrons percevoir le bout du tunnel concernant les droits des femmes et des filles, les droits de l’Homme de manière générale.
Ghael Babacar Mbaye est la présidente de l’Association « Wallu ». Elle est coordonnatrice du Réseau des jeunes pour l’équité et l’égalité de genre et elle est membre de Femme africaine active pour le développement.
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Combat très légitime en principe. Cependant, le terme genre a été galvaudé et a épousé un sens qui risque d’entâcher ce notre combat si l’on considère que les femmes sont nos mères, nos sœurs, nos filles.
Je vous conseil de substituer le mot genre à son équivalence grammaticale.